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Maison des Lavandières Révolution de Juillet 1830 (1/2)

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Révolution de Juillet 1830 (2/2)


Nantes est la seule ville de province où la Révolution de Juillet et sa répression entraîna des morts parmi les insurgés.

Dix hommes ont péri au cours de la fusillade du 30 juillet : Auguste Chauvet, Jean-Marie Dolbeau, Agnan Julien Barnabé Lasnier, Mathurin Aristide Potin, Maurice Racineux, Jean Rezeau, Napoléon Rigaud, Émile Camin, Pierre Samuel Voruz, Hubert Robert. Bien que venant de milieux différents et occupant des professions différentes, la plupart venaient toutefois d’un milieu ouvrier, comme la très grande majorité des manifestants ayant pris part à l’insurrection. 

L’exhumation des victimes de la fusillades 

Selon les articles du jeudi 24 mars 1831 des journaux L’Ami de la Charte et Le Breton, ce fut le 23 mars 1831, soit près de huit mois après les évènements, que fut entrepris l’exhumation des dix victimes de la fusillade de juillet 1830. Celles-ci avaient été dans un premier temps, inhumée chacune dans un des quatre cimetières de la ville de Nantes, à proximité de leur domicile. Même si le monument en leur honneur n’était toujours pas achevé à cette époque au sein du cimetière Miséricorde, en raison d’une souscription léthargique, un caveau avait néanmoins été préparé à cet emplacement, pour recevoir les cendres des corps. 

Les exhumations commencèrent vers cinq heures du matin, avec les trois corps reposant dans les cimetières Saint Jacques et de la Bouteillerie. Ceux-ci furent transportés dans un char recouvert d’un drapeau tricolore, accompagné par une quarantaine de gardes nationaux, qui avaient spontanément décidé de répondre présent à cet évènement, pour rendre hommage une dernière fois à ces courageuses victimes. La translation achevée vers neuf heures du matin, on procéda alors à l’exhumation du fondeur en cuivre Voruz, qui était le seul à reposer dans le cimetière des Protestants. Enfin, les six dernières victimes qui, elles, se trouvaient déjà toutes dans le cimetière de Miséricorde, furent déposées tour à tour, dans le caveau, de sorte que cette opération fut terminée à midi, soit environ sept heures après la première exhumation. Cette translation commune s’effectua dans la plus grande discrétion, sans pompes ni éclat, ce qui fut justement reproché par L’Ami de la Charte, qui explique que sans la présence des gardes nationaux, seuls les porteurs des cercueils auraient été présents, ce qui pour les rédacteurs du journal, constitue une façon peu honorable de rendre hommage à ceux qui se sont battus pour leur Liberté. « Notre âme est oppressée en écrivant ces lignes ; la plume s’échappe de nos mains….Hélas ! Est-ce ainsi que les Anciens honoraient la cendre des citoyens morts pour la patrie et la liberté. » Ce même reproche est également visible dans l’article du 24 mars 1831 du journal Le Breton : « Beaucoup de personnes regrettaient qu’on n’ait pas mis plus de pompe à la translation des restes des victimes du patriotisme et de la liberté. »

Plaque commémorative, colonne Louis XVI

Plaque commémorative, colonne Louis XVI

Date du document : 27-03-2012

Se mobiliser à la mémoire des victimes 

Louis-Hyacinthe Levesque, le maire de Nantes, ayant choisi de s’éclipser, c’est Philippe-René Soubzmain (1870-1843) qui le remplaça à la tête de la municipalité nantaise,  dirigeant la Commission qui administrait alors la ville. Il fut élu maire le 13 août 1830, mais ne resta à l’Hôtel de ville que jusqu’en 1831, avant de devenir vice-président de la Chambre de Commerce de 1837 à 1838. Les choses rentrèrent peu à peu dans l’ordre, comme en témoigna la réouverture des portes du théâtre, ainsi que la prise en main de la Garde Nationale par le vieux commandant Dumoutier lequel pourtant à la retraite, avait été sollicité par une députation de citoyens. 

Afin d’aider les victimes de cet épisode dramatique de la ville de Nantes, deux souscriptions furent lancées quelques jours plus tard : la première en faveur des blessés, des veuves et des enfants de ceux qui avaient péri la veille et la seconde pour l’élévation d’un « monument expiatoire qui rappelle aux générations futures les noms des braves défenseurs de nos libertés ». Plusieurs personnalités furent à l’initiative de ce projet de souscription, dont MM. Guépin aidé par ses amis Rocher, Ménard, Souvestre, et Mellinet. Des lithographies ainsi que des portraits furent également proposés à la vente afin de venir contribuer à élever la somme en faveur des victimes.

La première commémoration en 1831

Dès 1831, avant même le jour anniversaire, il avait été décidé d’organiser chaque année une fête commémorative, en hommage aux évènements de juillet 1830. 

La première fête se déroulant cette année-là sur deux jours, le 30 fut inévitablement le jour le plus emblématique pour les Français, offrant un programme particulièrement important. Le but étant d’apporter un témoignage d’estime et de reconnaissance à tous ceux qui avaient  participé à ces trois fameuses journées, il fut décidé que les acteurs principaux de cet épisode dramatique, à savoir les différents corps de la Garde Nationale, ainsi que les différentes branches ouvrières et industrielles prendraient part au cortège. Afin que cette fête soit véritablement mémorable, le maire de Nantes M. Soubzmain envoya une députation au roi, dans l’espoir que celui-ci accepterait l’invitation faite à l’un de ses fils, d’assister à cette fête ; la ville de Nantes se vit malheureusement refuser cette proposition. Après l’instant très solennel de la remise des récompenses, vint le moment du banquet organisé en l’honneur des patriotes morts au combat.

La fête dut être un véritable succès, si l’on considère le nombre de tables dressées sur le cours Henri IV, soit quarante-quatre comptant chacune cent dix couverts ! 

Mais pour ce qui concerne les cérémonies de recueillement en l’honneur des dix morts, ce fut la veille, soit le 29 juillet, qu’un service funèbre fut célébré à la cathédrale de Nantes en leur mémoire, messe à laquelle les fonctionnaires publics assistèrent la crêpe au bras ou à l’épée, tout comme la garde nationale, et durant laquelle on entendit toutes les cinq minutes la détonation d’un canon. 

Ce n’est qu’ensuite que le cortège s’achemina jusqu’au cimetière de la Miséricorde où le maire M. Soubzmain, rendit hommage aux victimes dans un discours prononcé face au monument commémoratif encore en construction à l’époque. Il y déposa solennellement une couronne de lauriers, symbole d’immortalité, de victoire et de vertus militaires, des significations fortes, représentant leur combat et leur sacrifice, valeurs devant être perpétuées dans la mémoire de tous les Nantais.

Monument des victimes des Trois glorieuses au cimetière Miséricorde

Monument des victimes des Trois glorieuses au cimetière Miséricorde

Date du document : vers 1890

Un devoir de mémoire qui se perd

L’année suivante, soit en 1832, la tradition commémorative se poursuivit. La population fut bien au rendez-vous, comme l’atteste le nombre de personnes figurant dans le cortège, soit 9000, parmi lesquelles se trouvaient également les commissaires de la fête, la garde nationale, diverses autorités municipales, des corps constitués, des fonctionnaires publics, des membres des Société savantes, des décorés de Juillet, des détachements de la garde nationales rurales et de nombreux groupes ouvriers. En 1833, la fête patriotique se poursuivit, avec encore plus d’éclat qu’en 1832. Pour la première fois, l’hommage aux victimes put enfin se dérouler devant un monument ayant atteint sa forme définitive. Dès 1834, la célébration changea de teneur, et seul le parti républicain vint rendre hommage aux victimes. La fête fut toujours célébrée, certes, mais avec nettement moins d’éclat que par le passé. Alors que les toutes premières années ayant suivi ce drame, le programme des fêtes faisait la une des journaux ou occupait des pages entières dans les livres dédiés à ce sujet, on constate via cet ouvrage, que les années suivantes, seules quelques lignes mentionnèrent l’évènement.

Ce n’est qu’à partir de 1844 que les Républicains décidèrent de réagir, et de redonner la majesté passée à ces fêtes en reprenant en mains les anciennes traditions, telles que l’organisation d’un pèlerinage au mausolée et la préparation d’un banquet ; ils réussissent à faire venir 1200 cents convives. 

Mais en 1846, on déplora à nouveau le manque de participation des Nantais, puisque le cortège ne fut principalement formé que par environ 800 républicains et les élèves du Collège Royal, tandis que le reste de la population semblait avoir boudé une nouvelle fois la commémoration. C’est pourquoi, Victor Mangin tint à prononcer un discours devant le monument, en rappelant le sacrifice que les dix victimes avaient offert à la ville de Nantes, ainsi qu’à la France, permettant au pays de retrouver ses libertés passées si durement gagnées. 

Le 30 juillet 1848, soit seulement 18 ans après qu’eurent lieu ces tristes évènements, personne ne se rendit au tombeau, pourtant considéré encore quelques années auparavant comme un haut-lieu, symbole de liberté et de révolution.

En prenant en considération cette indifférence grandissante de la population, si peu d’années après les évènements, on peut se demander ce qu’il en a été, un siècle plus tard. Ainsi, en 1930, la célébration du centenaire des Trois Glorieuses occupa la première page du journal L’Ami de la Charte. Une cérémonie eut lieu, à laquelle différentes personnalités prirent part. On se rendit évidemment au cimetière de Miséricorde, afin de saluer une nouvelle fois la mémoire des victimes ; après avoir déposé une gerbe de fleurs au pied du monument, , M. Farineau y tint le discours suivant : « Au moment où le pays tout entier va célébrer la mémoire des héros de 1830, la ville de Nantes se devait de rendre hommage au sacrifice de ceux qui – il y a cent ans – sont tombés sur le sol pour la défense de la Liberté. […] devant ce monument qui perpétue leur souvenir, nous apportons le témoignage d’affection et de vénération de la Cité entière. »

Adeline Biguet
Archives de Nantes
2010



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