Quartier industriel de la prairie de Biesse
Au début du 20e siècle, l’ancienne prairie de Biesse offre un vaste espace propice au développement industriel de Nantes dont les îles s’urbanisent et s’industrialisent à un rythme effréné depuis plusieurs décennies.
À partir de la fin du 19e siècle, le faubourg des Ponts et les îles de Loire offrent encore de larges espaces pour permettre le développement industriel dans le périmètre nantais. La voie ferrée et le port favorisent cette implantation. Les vastes terrains libres, situés en amont de la ligne des ponts, donnent la possibilité aux industries métallurgiques de déployer leurs activités, dans un contexte d’essor spectaculaire de ce secteur à Nantes. La mise au point de la propulsion à vapeur, le développement du chemin de fer, les nouveaux procédés de fonte des métaux, la place prépondérante du fer puis de l’acier dans la construction des bateaux, et la mécanisation des ateliers concourent au développement des produits sidérurgiques au cours du 19e siècle.
Au début du 20e siècle, la Prairie de Biesse est envisagée comme un lieu de développement industriel : « Ces vastes terrains sont par leur situation dans des conditions exceptionnelles pour l’établissement industriel, entourés comme ils le sont par la Loire et traversés par deux lignes de chemin de fer pouvant les mettre en communication avec tous les points de la France. »
Maintenir l’industrie dans le giron nantais
Ainsi, en 1900, « dans le but de retenir à Nantes l’installation d’une nouvelle grande industrie, de l’aider à chercher le terrain dont l’industriel a besoin, c’est-à-dire un terrain d’une surface d’environ 3 000 m² bordant une rivière et pouvant facilement se relier avec une ligne de chemin de fer », la municipalité étudie un projet d’aménagement d’une partie de la Prairie de Biesse, posant ainsi les bases d’un nouveau quartier industriel.
Dans un premier temps, il s’agit de trouver une solution de remplacement à un projet initialement prévu sur l’Île Sainte-Anne. Son initiateur, monsieur Coulont, projetait en effet d’y installer une usine métallurgique de production de matériel pour les chemins de fer. Face à l’ampleur des remblaiements et au coût d’aménagement des rives du bras de Pirmil, le projet est ajourné.
L’industriel accepte la proposition de remplacement de la Ville, à condition qu’un chemin de halage à l’abri des crues de la Loire soit aménagé. La construction de cette voie d’accès, « qui desservira en outre les surfaces inoccupées en ce moment mais qui ne tarderont pas à être recherchées comme terrains industriels », est approuvée et s’insère dans un programme d’aménagement plus vaste présenté en conseil municipal le 28 février 1900 : « Les terrains industriels deviennent de plus en plus rares à Nantes, la Prairie au Duc est complètement occupée et si, dès maintenant, on ne cherche pas à prévoir l’avenir, il est à craindre que le mouvement industriel qui depuis quelques années se manifeste de plus en plus ne vienne à s’arrêter ou ne se reporte, comme cela est déjà arrivé, dans la commune de Chantenay. Il nous semble donc que Nantes doit faire tout son possible et même s’imposer des sacrifices pour favoriser et encourager les nouvelles industries qui désirent venir s’y installer. Aussi est-ce en considération de cet exposé que nous avons cru devoir étudier non seulement la construction du chemin de halage demandé mais bien la création d’un nouveau quartier industriel dans les prairies de la Madeleine qui serait pour ainsi dire le complément de celui de la Prairie au Duc. »
Plan parcellaire de la prairie de Biesse et des premières implantations industrielles
Date du document : 1910
En effet, le plan d’aménagement de la rive amont du bras de la Madeleine reprend, en partie, le modèle adopté un demi-siècle plus tôt sur la Prairie au Duc. Formant un quadrilatère, le plan prévoit le prolongement du boulevard Babin-Chevaye (le futur boulevard Vincent-Gâche) et l’ouverture d’une voie de 20 mètres de largeur entre le bras de la Madeleine et la levée du chemin de fer, « tracée dans l’axe des cours Saint-André et de l’avenue Carnot pour le cas où dans l’avenir, cette rue serait l’amorce d’une troisième ligne de ponts aboutissant à la Côte Saint-Sébastien. Pour le moment la rue s’arrêterait à sa jonction avec le boulevard Babin-Chevaye prolongé ».
Le projet de l’industriel Coulont est finalement abandonné mais les autorités locales maintiennent le plan d’aménagement de la Prairie de Biesse.
Alexandre Perdriel, promoteur du développement industriel de la Prairie de Biesse
Afin de mettre en œuvre ce projet, les autorités ont dû traiter avec l’un des principaux propriétaires de la prairie : Alexandre Perdriel. Entre 1884 et 1897, cet entrepreneur de travaux publics et du bâtiment acquiert, avec son frère Félix, de vastes terrains sur les prairies de la Madeleine et de Biesse pour l’aménagement desquelles ils se muent en lotisseurs.
Les prévisions de développement d’un nouveau quartier industriel envisagées par la municipalité sont rapidement confirmées grâce à leur impulsion. Aussi, en 1903, le contrat passé avec la Ville stipule que l’entrepreneur « accepte de vendre 4 francs le m² son terrain nécessaire à l’emprise du boulevard Vincent-Gâche à la condition que les acquéreurs futurs de ses terrains pourraient établir sur le boulevard, les voies de raccordement avec le chemin de fer », condition sine qua non pour convaincre les industriels de s’établir dans ce nouveau quartier.
De fait, les parcelles remblayées trouvent rapidement preneurs mais le développement industriel du secteur restera circonscrit dans les limites du plan d’aménagement acté en 1900. Le projet du prolongement de l’avenue Carnot formera en effet une frontière virtuelle jusqu’à sa réalisation en 1966.
Les premières implantations industrielles
Plan parcellaire de la prairie de Biesse
Date du document : années 1930
Dès 1904, le constructeur mécanique Joseph Paris, établi rue Fouré, achète un terrain pour le développement de ses ateliers. Il construit de vastes bâtiments adaptés à son activité, pour laquelle il emploie 200 ouvriers. Son carnet de commandes est large : chantiers navals de la région, ouvrages d’art ferroviaires en France et dans les colonies, etc. Rapidement à l’étroit, l’usine est déplacée à Roche-Maurice en 1913.
En 1905, les marchands de bois Garnier-Mouilleron, suivis en 1907 par les Docks de l’Ouest et les Aciéries nantaises, prennent également place dans le quadrilatère prévu par le plan d’aménagement de 1900. Au cours de l’entre-deux-guerres, Joseph Paris cède son emplacement aux Docks de l’Ouest, tandis que la Société nouvelle des bois contreplaqués et comprimés (SNBCC) absorbe les Forges et ateliers de Nantes qui avaient remplacé en 1920 la société Garnier-Mouilleron. L’entreprise Perdriel se réserve un emplacement lui servant de dépôt de matériaux et la société Byrrh acquiert un terrain en bordure du futur prolongement de l’avenue Carnot.
Nathalie Barré
Archives de Nantes
2021
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Bibliographie
Archives de Nantes, Le quartier des Ponts, coll. Quartiers, à vos mémoires, Nantes, 2021
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Rédaction d'article :
Nathalie Barré
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