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Chalutiers-usines soviétiques Marin Poirier (1903-1941)

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Puits antique de l'église Saint-Similien


Le puits se situe dans l’église Saint-Similien près de la grande porte. Sa margelle à sept côtés date de 1897, fin de la construction de la nef de l’église néogothique actuelle. C’est un puits antique mentionné dans tous les documents historiques, dans lequel on a puisé beaucoup d’eau et qui possède une réputation miraculeuse.

L’intérieur du puits a été exploré depuis la margelle, ce qui permet de visionner toute sa gaine, et d’apercevoir l’eau très claire et le fond.

Coupe du puits antique de l'église Saint-Similien

Coupe du puits antique de l'église Saint-Similien

Date du document : 02-2018

Caractéristiques actuelles du puits

En 2016-2017, l’intérieur du puits a été mesuré, photographié, et des prélèvements du fond ont été réalisés. Le dessin à l’échelle en donne la coupe et les principales dimensions. Le diamètre au niveau de la margelle est de 70 cm, mais la partie inférieure est d’environ 1,30 m, dimension nécessaire pour creuser avec des pioches dont les manches font environ 90 cm.

L’eau est limpide, son niveau évolue avec une amplitude d’environ un mètre, suivant celui de la nappe phréatique qui évolue selon les saisons.

La gaine du puits est constituée de plusieurs parties :
    • l’intérieur de la margelle, constitué de sept blocs de granit sur deux niveaux.
    • une partie maçonnée de moellons apparents, liés à la chaux sur une hauteur qui arrive au niveau de la place Saint-Similien, correspondant à celui du sol naturel.
    • la gaine s’élargit avec une forme circulaire en pierre sèche (sans liant).
    • En bas, c’est la roche, du micaschiste, avec une forme plus irrégulière proche d’un tonneau.
    • Le fond de couleur claire est de faible épaisseur (il a été impossible d’y enfoncer la lame d'un couteau attaché au bout d’une barre à mine).

Un prélèvement des sédiments du fond montre un mélange de micaschiste en décomposition et de sable de Loire (tombé lors des opérations de constitution de la gaine dans les différentes églises depuis le 5e siècle).

Présence rare de puits dans les églises

Des puits existent dans environ 10% des cathédrales (il y en a un dans celle de Nantes) mais sont rares dans les églises (1/1000).  Celui de Saint-Similien est très ancien. Il existait avant l'édification de la première église mérovingienne du 5e siècle, mais on ne connaît pas précisément son origine : vestige de l’ancienne villa romaine, ou puits creusé pour les pèlerins venant se recueillir sur la tombe du saint évêque, mort vers l'an 310… ?

Histoires et légendes anciennes

Le crâne de l’évêque saint Similien (3e évêque de Nantes) aurait été jeté dans le puits en 843, au début de l’invasion de Nantes par les Vikings, après qu’ils aient volé son reliquaire. Depuis cette époque, on disait l’eau du puits miraculeuse, soignant en particuliers les fièvres, la cécité et diverses infirmités. Le plus ancien écrit connu concernant le puits est un bréviaire nantais de 1588. L’auteur d’un commentaire (rubrique) pour la fête de saint Similien raconte avoir été témoin d’un miracle.

« Une femme nommé Hildegarde, ne connaissant pas la sainteté du lieu, eut la présomption de regarder dans ce puits. Aussitôt elle perdit la vue, et rendant tout le monde témoin de cette merveille, demeura aveugle l’année entière, tout en conservant les yeux. Et lorsqu’à la fête du saint évêque, qui arrive le quinze des Calendes de Juillet, on l’eut amenée avec plusieurs personnes qui venaient pour la célébrer, elle veilla pendant toute la nuit dans l’église, demandant avec d’instantes prières au bienheureux Similien qu’il daignât avoir pitié d’elle. La messe solennelle achevée, attendant toujours le secours divin, elle pria enfin le prêtre de cette église de lui donner à elle, si malheureuse, de l’eau du puits déjà mentionné, dont les infirmes avaient coutume de boire. Ce prêtre, touché par ses prières, lui donna l’eau qu’elle demandait. Elle en but, se lava les yeux et recouvra aussitôt la vue. Alors, rendant grâces à Dieu et à Saint Similien qui par elle, misérable, avait montré au peuple combien grande était la vertu de l’eau de son puits, elle revint chez elle guérie et sans avoir besoin de conducteur ».

Notice historique du recteur Lebreton de Gaubert

Dans son manuel de dévotion à Notre-Dame de Miséricorde de 1773, ce recteur mentionne une exploration du puits qu’il fit faire à deux paroissiens : «  … car à la distance d’environ un pied du fond de ce puits, on trouve une grille de fer qui en fait le circuit, & empêche les vases avec lesquels on puise l’eau, de toucher au fond. Le motif de la position de cette grille, ne serait-il pas de défendre de toute profanation les cendres ou les ossements du chef de S. Similien jeté dans ce puits ?... Nous avons fait descendre dans ce puits deux personnes, qui ont observé qu’à la hauteur d’environ deux pieds, au dessus de la grille de fer, il y avait une ouverture de chemin assez large, qui tendait vers le Presbytère, & une espèce de fenêtre pratiquée à la même hauteur. L’élévation de ce puits dans l’Eglise, est faite d’une seule pierre, qui forme trois margelles… », (il doit s’agir de trois décrochements pour y poser les seaux).

Constat d’observateurs neutres

En 1636, Dubuisson Aubenay, dans son livre « Voyage en Bretagne » évoque l’église et son puits  « antique » situé à côté du tombeau de Saint-Similien. En 1779, Ogée, géographe, note : l’eau devait être bonne, car « on en faisait jadis beaucoup d’usage ; la pierre de grain de la margelle est presque entièrement usée par le frottement des cordes qui servaient à puiser son eau ». Jusqu’au milieu du 20e siècle, le puits était un symbole de la paroisse. Lors de la fête patronale, le prêtre descendait de l’autel pour l’encenser.

Légende du tunnel permettant de s’échapper en cas de siège

Mrs Lebreton de Gaubert écrit avoir envoyé deux hommes (probablement avec une échelle de corde et éclairés par des chandelles). Il situe l’entrée du tunnel en direction du presbytère (à l’époque, celui-ci se trouvait à l’emplacement du départ de la rue Jean-Jaurès, ouverte en 1829), à deux pieds au-dessus d’une grille, elle-même à un pied du fond, soit à environ un mètre du fond.

Gaine du puits antique de l'église Saint-Similien

Gaine du puits antique de l'église Saint-Similien

Date du document : 30-08-2016

Gaine du puits antique de l'église Saint-Similien

Gaine du puits antique de l'église Saint-Similien

Date du document :

Les photos prises montrent qu'il y a de la roche pleine sur une hauteur de trois mètres sans aucune trace de sortie. L’explication pourrait être que, descendant dans la gaine, à la limite de la roche, il y a un décrochement d’environ 20 cm formant un palier, ce que les hommes de 1773, à la lueur de chandelles de suif auraient pris pour un début d’ouverture sans bien distinguer le fond du puits. Donc c’est une légende écrite par le recteur Lebreton de Gaubert, lui qui dans le même manuel a inventé de toutes pièces la légende des trois cavaliers combattant le dragon, pour expliquer l’origine de la chapelle de Miséricorde.

Partie en pierre sèche du puits antique de l'église Saint-Similien

Partie en pierre sèche du puits antique de l'église Saint-Similien

Date du document : 14-10-2016

Partie dans la roche du puits antique de l'église Saint-Similien

Partie dans la roche du puits antique de l'église Saint-Similien

Date du document : 14-10-2016

Légende du tunnel reprise en 1829

Lors de l’ouverture de la rue Jean-Jaurès, un entrepreneur creusant les fondations d’un immeuble est tombé sur la voûte d’un tunnel d’une centaine de mètres de long, reliant en arc de cercle la place Viarme à la place Bretagne. Un professeur de Sciences du lycée d’État explora ce tunnel haut de deux mètres, à moitié rempli de sable, où coulait un petit ruisseau. Il en fit un compte-rendu à la Société Académique de Nantes le 3 décembre 1829. Il en conclut que ce souterrain très ancien permettait de s’échapper en cas de siège et que le tunnel du puits de Saint-Similien qui aurait été observé en 1773 le rejoignait. Le tunnel découvert en 1829 est le vestige de travaux commandés par la ville en 1568 à un fontainier de Tours pour alimenter des fontaines publiques dans Nantes. Mais, au moment de l'exécution, on buta sur la difficulté de transporter les tuyaux sur la Loire, du fait de son niveau trop bas, et peut-être sur la difficulté à creuser la roche.

Les dévotions autour du puits

Depuis au moins le milieu du 15e siècle, jusqu’au milieu du 20e siècle, lors de la fête patronale le 16 juin, le prêtre descendait de l’autel à la grand-messe et au vêpres, pour se se rendre au puits avec ses assistants et l’encenser respectueusement.

Au début du 20e siècle il a été le symbole de la paroisse et intégré dans un blason.

Yves-Marie Rozé
2020

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En savoir plus

Bibliographie

« Saint-Similien », dans Croix Alain (dir.), La Bretagne d'après l'Itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006, p. 752-753

Girousse Félix, Documents pour servir à l'histoire de la paroisse Saint-Similien. Le puits et le tombeau de Saint-Similien, A. Goubault, Nantes, 1903

Le Boyer « Rapport sur un souterrain découvert à Saint-Similien », Annales de la Société académique département de la Loire-Inférieure, 1830, p. 163-172

Lebreton de Gaubert René, Manuel ou livre contenant différentes prières, instructions, la vie et les litanies de St Similien, Vatar, Nantes, 1773

Ogée Jean-Baptiste, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne dédié à la Nation française , Vatar, Nantes, 1779

Pages liées

Archéologie

Vitrail médiéval de l’église Saint-Similien

Église Saint-Similien (1/2)

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Archéologie Hauts Pavés - Saint Félix Église

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Rédaction d'article :

Yves-Marie Rozé

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