Place Jean V
L'ensemble de l'aménagement de la place Jean V s'est fait sur un temps long, à partir de 1787 au moment du tracé de la rue Voltaire jusqu'au début de 20e siècle. Sa forme inaboutie résulte de la présence du musée départemental Dobrée qui a représenté tant une opportunité qu'un frein à sa réalisation.
À l'emplacement d'un domaine épiscopal
À partir du 15e siècle, le site est occupé par le manoir de la Touche, propriété de l'évêque de Nantes qui en fait sa résidence d'été. Le manoir fut édifié entre 1425 et 1440 par le cardinal Jean de Malestroit, chancelier du duc de Bretagne. Le domaine originellement situé à la campagne, était constitué de la demeure épiscopale, des communs, de jardins et de terres agricoles.
La place Jean V occupe l'emplacement de la rue et de la place des Irlandais ainsi que de l'impasse « Le Lorain » qui menait au manoir de la Touche. Au début du 19e siècle, la rue des Irlandais était prolongée vers le nord par la rue des Catherinettes en forme de coude. La dénomination de cette rue marque le souvenir de la courte présence des religieuses dominicaines de Sainte-Catherine, en 1694, qui précédèrent l'arrivée des prêtres Irlandais.
Le nom de la rue des Irlandais évoque la présence de ces réfugiés catholiques ayant fui les violences des révolutions anglaises au 17e siècle. Cette communauté d'expatriés fut accueillie en 1695 par l'évêque de Nantes qui leur accorda l'usage du manoir de la Touche. Encore active au 19e siècle, cette communauté occupait un bâtiment adossé au pignon est du manoir et appelé le « collège des prêtres irlandais ».
Place Jean V
Date du document : 07-08-2020
Une greffe sur l'axe de la rue de Voltaire
Au sud, la place Jean V relie la rue Voltaire, initialement dénommée rue de Penthièvre. C'est un des axes urbains structurants ouvert dès 1787 depuis la place Graslin, dans le cadre de l'extension de Nantes vers l'ouest. Sur le plan d'alignement de 1818 (Peccot), il est prévu de régulariser la forme triangulaire de la place des Catherinettes. Sur celui de 1839, il s'agit d'aménager une nouvelle percée qui relierait en diagonale la rue Rosière d'Artois et impliquerait la destruction du manoir médiéval de la Touche ; cette percée n'a cependant pas vu le jour, sans doute empêchée par la présence de la propriété épiscopale.
Extrait du plan de la ville et de ses faubourgs
Date du document : 1756-1757
Le musée Dobrée : une occasion d'aménagement ?
À partir de 1862, Thomas Dobrée (1810-1895) se fait construire, à proximité de l'ancien manoir épiscopal, un palais de style néo-médiéval pour y abriter ses collections. Il fait appel aux architectes, Simon, Boismen, Chenantais et Le Diberder pour le réaliser.
Le tracé actuel de la place ne sera achevé qu’à la fin des années 1890, lorsque les abords de la propriété Dobrée, devenue propriété du Département par legs, furent dégagés et enfin soumis à des travaux d'alignement. Toutefois, si la place est remodelée par la destruction d'habitations anciennes, sa fonction de parvis du nouveau musée reste modeste, du fait de son resserrement au nord, au niveau de la rue Durand-Gasselin.
La dénomination actuelle de cette place remonte à 1899. Elle porte le nom du duc de Bretagne, Jean V, qui mourut le 29 août 1442 dans le manoir de la Touche qui jouxte cette place.
Une architecture de place composite
Les immeubles actuels situés le long de la rue Voltaire et faisant l'angle de la rue des Cadeniers sont des immeubles de rapport réalisés après 1860 en remplacement de bâtiments édifiés à la fin 18e et au début 19e siècle. Ils présentent sur trois ou quatre étages des façades imposantes de style néoclassique. Chacun d’entre eux a un soubassement de granite surmonté d’un premier niveau en calcaire traité en bossage continu en table. Seules les caractéristiques des modénatures et des encadrements d’ouvertures - linteau avec petit fronton triangulaire ou circulaire - varient d’un immeuble à l’autre. Le n°11 de la rue Voltaire semble avoir été édifié plus précocement, au cours du premier quart du 19e siècle. Le n°14 de la rue Voltaire, ayant également un accès au n°2 place Jean V, est indiqué sur le cadastre napoléonien de 1835 comme non édifié, avec une partie en chantier. L'ensemble de l'îlot appartient alors à Jean Roques, issu d'une famille protestante d'indienneurs. La façade principale présente des balcons filants ornementés à la mode de 1860-1870. Le n°15, dans sa forme actuelle, n'est pas encore édifié en 1835. L'emplacement est occupé à cette époque par un chantier, comme il en existe d'autres dans le secteur, permettant la construction de tous les immeubles du quartier. Sa construction date de 1864.
Plan d'alignement de la ville
Date du document : 05-09-1839
Sur le côté nord-est de la place et dans le prolongement de la rue Hippolyte Durand-Gasselin, anciennement rue des Catherinettes, se trouve le dispensaire antituberculeux édifié entre 1903 et 1906 sur les plans de l'architecte René Menard alors associé à Emile Libaudière et P. Laganry.
Place Jean V vue depuis la rue Voltaire
Date du document : 07-08-2020
La rue Hippolyte Durand-Gasselin porte le nom du légataire universel de Thomas Dobrée, l'armateur et mécène du Musée départemental Dobrée. Dans le cadre de la rénovation de ce musée lancée en 2021, Nantes Métropole réaménage la place Jean V et la rue Voltaire à partir de 2023. Dans le prolongement de la rue Crébillon et de la place Graslin, ce projet offre un espace de circulation piétonnisé aux personnes souhaitant se rendre au Muséum d'histoire naturelle et au Musée Dobrée. Des pavés en granit ancien provenant d'autres rues nantaises sont réutilisés pour paver la place Jean V, qui est également végétalisée et dotée de mobilier urbain.
Amélie Decaux
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2021 (mis à jour par Noémie Boulay en 2023)
En savoir plus
Bibliographie
Dictionnaire de Nantes, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2013
Pied Edouard, Notices sur les rues de Nantes, A. Dugas & Cie, Nantes, 1906
Pages liées
Dossier : Plan paysage et patrimoine Gigant-Dobrée
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Contributeurs
Rédaction d'article :
Amélie Decaux
Enrichissement d'article :
Noémie Boulay
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