Au milieu du 18e siècle, l’abbé Charles Michel de L’Épée met au point une méthode d’enseignement adaptée aux sourds-muets qu’il met en œuvre dans son école ouverte en 1760 à Paris. Ce premier établissement destiné à l’enseignement des sourds devient « Institution nationale des sourds muets » et dans son sillage de nombreuses écoles similaires apparaissent tant en France qu’à l’étranger.
L’ouverture de la première école nantaise
Avant de rejoindre le quartier Saint-Jacques et les bords de la Sèvre, la première école pour sourds-muets de Nantes a vu le jour rue Crébillon au début des années 1820 grâce à l’action de René Dunan, lui-même sourd et ancien élève de l’abbé Sicard au sein l’institut parisien.
À la fin de l’année 1824, la municipalité nantaise soutient financièrement son œuvre et son école peut officiellement se développer. En 1835, le conseil général apporte sa contribution et l’établissement est installé dans l’ancien prieuré de l’hospice de Saint-Jacques.
En 1843, la gestion de l’institution est confiée aux frères de Saint-Gabriel et aux sœurs de la Sagesse, deux congrégations vendéennes installées à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Les jeunes sourdes sont alors regroupées à Auray, tandis que les garçons restent à Nantes.
L’installation de l’Asile départemental des sourds et muets de Nantes à la Persagotière
Arrivé comme professeur en 1844, le frère Louis devient directeur de l’école en 1850. Il demande alors le déplacement de l’école dans des locaux plus adaptés. En 1856, le conseil général achète la propriété de la Persagotière, située le long de la Sèvre et au milieu d’un parc de 4 hectares, pour installer l’Asile départemental des sourds et muets de Nantes. Le 16 novembre de cette même année, les élèves et les enseignants entrent dans les lieux et investissent « le château », une folie nantaise édifiée au début de 19e siècle par François Demangeat, entrepreneur de fonderie à Indret.
Illustration du site de la Persagotière
Date du document : vers 1890
Illustration du site de la Persagotière
Date du document : vers 1890
Le nouveau site de l’Asile départemental des sourds et muets de Nantes est investi en 1856 sous l'impulsion du frère Louis. Il prend place en bord de Sèvre dans une folie nantaise du 19e siècle, la Persagotière.
Droit de diffusion : Communication libre, reproduction libre
Le nouveau site de l’Asile départemental des sourds et muets de Nantes est investi en 1856 sous l'impulsion du frère Louis. Il prend place en bord de Sèvre dans une folie nantaise du 19e siècle, la Persagotière.
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Le nom du Frère Louis est inséparable de l’histoire de la Persagotière et de la scolarisation des enfants sourds à Nantes à partir de la seconde moitié du 19e siècle puisque qu’il œuvra dans ce domaine pendant 46 ans. Il dirigea et développa l’établissement jusqu’à sa mort en 1890.
Passionné d’horticulture, il dote le site de la Persagotière de vergers, vignes et jardins et initie les élèves aux travaux de la terre. Suite au congrès de Milan en 1880, il privilégie la méthode orale pour l’apprentissage de la communication et envoie ses enseignants se former à cette nouvelle méthode.
Premiers frères-enseignants à l'Institut de la Persagotière de la congrégation de Saint Gabriel
Date du document : sans date
Premiers frères-enseignants à l'Institut de la Persagotière de la congrégation de Saint Gabriel
Date du document : sans date
Au centre de la photographie, le frère Louis, directeur de l'Institut pendant 40 ans, incarne la scolarisation de la seconde moitié du 19e siècle des enfants sourds à Nantes.
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Premiers frères-enseignants à l'Institut de la Persagotière de la congrégation de Saint Gabriel
Date du document : sans date
Au centre de la photographie, le frère Louis, directeur de l'Institut pendant 40 ans, incarne la scolarisation de la seconde moitié du 19e siècle des enfants sourds à Nantes.
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Afin de répondre et de s’adapter à l’évolution des effectifs et des dispositifs d’accompagnement, le site de la Persagotière a progressivement été agrandi et aménagé.
Dans les années 1880, deux bâtiments sont édifiés de part et d’autre du « château », complétés à l’aube du 20e siècle par deux ailes perpendiculaires orientées vers la Sèvre. L’aile gauche est réservée à l’accueil des enfants sourds, tandis que la droite héberge les jeunes aveugles qui sont pris en charge par l’institut à partir de 1891 (les deux handicaps vont cohabiter jusqu’en 1975, date du déménagement des aveugles dans l’institut construit spécifiquement sur le site des Hauts-Thébaudières à Vertou).
À partir de 1902, les offices religieux peuvent se dérouler dans la chapelle fraîchement inaugurée.
La formation professionnelle nécessitant des ateliers, ces derniers sont construits à partir de 1928 sur une partie du parc longeant la rue du Frère Louis. Un étage leur sera adjoint au début des années 1950.
En 1955, un nouveau bâtiment est construit dans le prolongement de l’aile gauche de l’institut afin d’accueillir les enfants sourds les plus jeunes. En 1962, c’est au tour de l’aile droite de se voir adjoindre une salle des fêtes ainsi qu’un dortoir pour les aveugles. La même année, une partie du pavillon Lasne est inaugurée afin d’héberger les services médicaux (laboratoire, infirmerie, médecins, psychologues). En 1969, les dernières constructions majeures sont achevées avec l’édification du gymnase et du foyer des anciens, situés aux abords immédiats de la rue Frère-Louis.
Vue aérienne de l’Institut de la Persagotière
Date du document : années 1960
Vue aérienne de l’Institut de la Persagotière
Date du document : années 1960
Fin des années 1960, le site de la Persagotière comptabilise un grand nombre d'agrandissements et aménagements, menés au fur et à mesure que l'Institut a accueilli de nouveaux pensionnaires et développé ses services dès 1880.
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Fin des années 1960, le site de la Persagotière comptabilise un grand nombre d'agrandissements et aménagements, menés au fur et à mesure que l'Institut a accueilli de nouveaux pensionnaires et développé ses services dès 1880.
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À partir des années 2000, sous l’effet de la structuration du secteur médico-social et d’une politique publique en faveur des personnes handicapées, la Persagotière développe progressivement de nouveaux services, implante des classes au sein d’écoles ordinaires, et diversifie les métiers et les compétences autour des enfants sourds.
À partir de 2012, un travail de restructuration du site de la Persagotière est engagé : un nouveau bâtiment pour l’institut et un programme immobilier de 400 logements sortent de terre entre 2015 et 2021.
Groupe Mémoire Nantes Sud
2014
Anecdote : Des noms de rues
La présence de la Persagotière dans le quartier est rappelée par la dénomination de quatre rues situées à proximité de l’institut. Trois d’entre elles perpétuent la mémoire de trois de ses directeurs : les rues du Frère-Louis, du Frère-Alexandre-Lemesle...
Anecdote : Des noms de rues
La présence de la Persagotière dans le quartier est rappelée par la dénomination de quatre rues situées à proximité de l’institut. Trois d’entre elles perpétuent la mémoire de trois de ses directeurs : les rues du Frère-Louis, du Frère-Alexandre-Lemesle (directeur de 1918 à 1939) et du Frère-Allaire (directeur de 1949 à 1974), tandis que le nom de Louis Braille est attribué à une partie de la rue Gabriel. Dès 1890, à la mort du frère Louis, le conseil municipal dans sa délibération du 21 mai décide de lui rendre hommage : « C'est dans cette rue que se trouve l'établissement de la Persagotière, longtemps dirigé par le Frère Louis, qui est décédé récemment. Aussi pour répondre au vœu de tous, le nom de rue Frère Louis est donné à la voie qui s'étend de la rue Saint-Jacques à la rue Ledru-Rollin. »
Témoignage (1/3) : Les frères de Saint-Gabriel
La congrégation des frères de Saint-Gabriel est issue de la communauté des Montfortains dirigée par Grignon de Montfort. La prise en charge des handicapés remonte au début du 19e siècle et on la doit à un des successeurs de Grignon de Montfort, le père Gabriel Deshayes. C’était un prêtre réfractaire pendant la Révolution qui est devenu ensuite curé à Sainte-Anne d’Auray où une école de sourds dirigée par les sœurs de la Sagesse existait déjà. Le père Deshayes s’est intéressé à cette famille religieuse et en 1821, il est entré dans la communauté des pères Montfortains à Saint-Laurent sur Sèvre. Dès l’année de son arrivée, il a été élu directeur général de la communauté. Et comme à Auray, il s’était attaché aux enfants sourds, il a continué dans cet objectif-là parce qu’il s’était rendu compte qu’un peu partout c’étaient des enfants abandonnés. Il a donc créé un certain nombre d’écoles à travers toute la France et c’est lui qui a lancé la fonction d’enseignant pour les handicapés sensoriels, c’est-à-dire pour les sourds d’abord, et pour les aveugles ensuite. En 1852, les frères montfortains qui avaient la charge de l’enseignement et des handicapés ont pris le nom de frères de Saint-Gabriel en souvenir de Gabriel Deshayes, décédé en 1841.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
Témoignage (2/3) : Enseigner
Quand je suis arrivé à la Persagotière en 1962, on était environ 42 frères-enseignants pour l’enseignement général. Il n’y avait que des frères, pas de laïcs. Par contre pour l’enseignement professionnel, les responsables d’ateliers étaient toujours des laïcs. J’ai commencé avec des enfants de 10 à 14 ans. En primaire, c’était de l’enseignement général avec des petites classes de six à huit élèves. C’était un enseignement spécialisé, individualisé. Avec les plus grands, on insistait sur les signes. Et c’est là que j’ai appris le langage gestuel. Le langage gestuel a été interdit vers 1880 et il n’est revenu officiellement qu’en 1975. Mais nous, à la Persagotière, on ne l’a jamais interdit aux élèves. On a pour ainsi dire toujours pratiqué la langue des signes. Comme on était avec les élèves 24 heures sur 24, hors classe c’était plus facile de communiquer en signes.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
Témoignage (3/3) : Apprendre à la Persagotière
Je suis né le 29 novembre 1927 à Nantes. J’ai été pensionnaire à la Persagotière de 1935 à 1945. C’est le médecin qui a orienté mes parents. J’ai été scolarisé jusqu’au certificat d’études. On nous enseignait le langage, l’écriture et la lecture. La méthode d’apprentissage à cette époque se faisait par l’oralisation. Il y avait très peu de langage de signes. J’ai également reçu une formation professionnelle en menuiserie pendant un an. On faisait aussi du jardinage. En dehors des cours, on faisait de la gymnastique le matin et des sorties l’après-midi. Le jeudi, on allait sur les bords de la Sèvre. J’étais interne mais comme mes parents habitaient Nantes, je rentrais chez moi le week-end.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
Témoignage (1/3) : Les frères de Saint-Gabriel
La congrégation des frères de Saint-Gabriel est issue de la communauté des Montfortains dirigée par Grignon de Montfort. La prise en charge des handicapés remonte au début du 19e siècle et on la doit à un des successeurs de Grignon de Montfort, le père...
Mathurin
Témoignage (2/3) : Enseigner
Quand je suis arrivé à la Persagotière en 1962, on était environ 42 frères-enseignants pour l’enseignement général. Il n’y avait que des frères, pas de laïcs. Par contre pour l’enseignement professionnel, les responsables d’ateliers étaient toujours des...
Jean
Témoignage (3/3) : Apprendre à la Persagotière
Je suis né le 29 novembre 1927 à Nantes. J’ai été pensionnaire à la Persagotière de 1935 à 1945. C’est le médecin qui a orienté mes parents. J’ai été scolarisé jusqu’au certificat d’études. On nous enseignait le langage, l’écriture et la lecture. La méthode...
Gustave
Anecdote : Des noms de rues
La présence de la Persagotière dans le quartier est rappelée par la dénomination de quatre rues situées à proximité de l’institut. Trois d’entre elles perpétuent la mémoire de trois de ses directeurs : les rues du Frère-Louis, du Frère-Alexandre-Lemesle (directeur de 1918 à 1939) et du Frère-Allaire (directeur de 1949 à 1974), tandis que le nom de Louis Braille est attribué à une partie de la rue Gabriel. Dès 1890, à la mort du frère Louis, le conseil municipal dans sa délibération du 21 mai décide de lui rendre hommage : « C'est dans cette rue que se trouve l'établissement de la Persagotière, longtemps dirigé par le Frère Louis, qui est décédé récemment. Aussi pour répondre au vœu de tous, le nom de rue Frère Louis est donné à la voie qui s'étend de la rue Saint-Jacques à la rue Ledru-Rollin. »
Témoignage (1/3) : Les frères de Saint-Gabriel
La congrégation des frères de Saint-Gabriel est issue de la communauté des Montfortains dirigée par Grignon de Montfort. La prise en charge des handicapés remonte au début du 19e siècle et on la doit à un des successeurs de Grignon de Montfort, le père Gabriel Deshayes. C’était un prêtre réfractaire pendant la Révolution qui est devenu ensuite curé à Sainte-Anne d’Auray où une école de sourds dirigée par les sœurs de la Sagesse existait déjà. Le père Deshayes s’est intéressé à cette famille religieuse et en 1821, il est entré dans la communauté des pères Montfortains à Saint-Laurent sur Sèvre. Dès l’année de son arrivée, il a été élu directeur général de la communauté. Et comme à Auray, il s’était attaché aux enfants sourds, il a continué dans cet objectif-là parce qu’il s’était rendu compte qu’un peu partout c’étaient des enfants abandonnés. Il a donc créé un certain nombre d’écoles à travers toute la France et c’est lui qui a lancé la fonction d’enseignant pour les handicapés sensoriels, c’est-à-dire pour les sourds d’abord, et pour les aveugles ensuite. En 1852, les frères montfortains qui avaient la charge de l’enseignement et des handicapés ont pris le nom de frères de Saint-Gabriel en souvenir de Gabriel Deshayes, décédé en 1841.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
Témoignage (2/3) : Enseigner
Quand je suis arrivé à la Persagotière en 1962, on était environ 42 frères-enseignants pour l’enseignement général. Il n’y avait que des frères, pas de laïcs. Par contre pour l’enseignement professionnel, les responsables d’ateliers étaient toujours des laïcs. J’ai commencé avec des enfants de 10 à 14 ans. En primaire, c’était de l’enseignement général avec des petites classes de six à huit élèves. C’était un enseignement spécialisé, individualisé. Avec les plus grands, on insistait sur les signes. Et c’est là que j’ai appris le langage gestuel. Le langage gestuel a été interdit vers 1880 et il n’est revenu officiellement qu’en 1975. Mais nous, à la Persagotière, on ne l’a jamais interdit aux élèves. On a pour ainsi dire toujours pratiqué la langue des signes. Comme on était avec les élèves 24 heures sur 24, hors classe c’était plus facile de communiquer en signes.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
Témoignage (3/3) : Apprendre à la Persagotière
Je suis né le 29 novembre 1927 à Nantes. J’ai été pensionnaire à la Persagotière de 1935 à 1945. C’est le médecin qui a orienté mes parents. J’ai été scolarisé jusqu’au certificat d’études. On nous enseignait le langage, l’écriture et la lecture. La méthode d’apprentissage à cette époque se faisait par l’oralisation. Il y avait très peu de langage de signes. J’ai également reçu une formation professionnelle en menuiserie pendant un an. On faisait aussi du jardinage. En dehors des cours, on faisait de la gymnastique le matin et des sorties l’après-midi. Le jeudi, on allait sur les bords de la Sèvre. J’étais interne mais comme mes parents habitaient Nantes, je rentrais chez moi le week-end.
Témoignage recueilli par le groupe Mémoire Nantes Sud en 2013
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Bibliographie
Bourgalais Patrick, Les miroirs du silence – L’éducation des jeunes sourds dans l’Ouest. 1800-1934, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2008
Legal René, Origines et histoire de la Persagotière, Airelle éditions, 2013
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Contributeur(s) :Jean-Louis Bodinier
,
Jean Breteau