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Nantes la bien chantée : La Parricide trompée Île puis quartier Gloriette

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Mur des Échevins


Au coeur du quartier Bouffay, le plus ancien du centre-ville de Nantes, se situe la rue des Échevins. Cette rue pavée, aujourd’hui incluse dans la zone piétonnière, donne sur l’angle nord-est de la place du Bouffay. Sur un pan de mur, des vestiges de ce que l’on considère comme le premier hôtel de ville de Nantes du 15e siècle sont toujours visibles.

Participation des habitants à l’administration civile, miliaire et politique

Le premier exemple de l’implication des habitants à l’administration civile et politique de la ville de Nantes remonte à 1311 suite à la disparition du duc Jean III de la maison de Dreux, mort sans héritier. Le contexte historique, politique et économique de l’époque – nous sommes alors à la fin des guerres de succession qui ensanglantèrent la Bretagne – pousse le pouvoir ducal à composer avec les nantis. Les concessions alors obtenues vont devenir, aux yeux des habitants, un droit dont ils se prévalent.

Un conseil constitué de bourgeois, connus sous le nom d’échevins, est donc mis en place à l’initiative du duc, avec pour rôle de délibérer sur les affaires de la cité, alors capitale du duché indépendant de Bretagne. Présidé par le capitaine de la ville, ce conseil et ses membres faisaient office d'autorité municipale.

Le lieu des assemblées du conseil est une bâtisse située sur la place du Bouffay. Acquise en 1437, par, la ville par l’abbesse de Fontevraud, sœur de François II, elle servait initialement d’entrepôt pour le matériel de guerre de la cité et était remplie des armes du guet. Ces « engins » (arquebuses, cordages, balistes, etc...)  expliquent l’origine du nom de « Maison aux Engins ». Elle devient alors la « maison de ville » ou « maison commune de Nantes ». Bien que la création d'une véritable mairie remonte à 1564, cet édifice est, néanmoins, considéré aujourd’hui comme la première mairie de Nantes. C’est également de cette époque que date son nom actuel : « maison des Échevins », un échevin étant un magistrat municipal chargé de la police et des affaires de la commune.

À la fin du 15e siècle, les responsabilités civiles et militaires du conseil des bourgeois augmentent. La bâtisse étant en très mauvais état, Charles VIII, premier époux d’Anne de Bretagne, donne aux Nantais, en décembre 1491, la maison dite « l’hôtel de la Prévôté » afin d’y tenir leurs assemblées. Cette maison située place du Change, à l’angle de la rue des Halles, également en mauvais état, est reconstruite et agrandie dès 1494. Elle est utilisée par les Nantais jusqu’en à la réformation des domaines en 1678.

Après le transfert des activités officielles, la maison suit l’évolution commerciale et artisanale du quartier, de nombreux commerces occupant le rez-de-chaussée au fil des siècles. Elle devient donc un espace domestique, et ce, jusqu’au 20e siècle.

Destruction et réaménagement de la ville : percement de la rue des Échevins

Jusqu'au début du 20e siècle, la voie suit un tracé tortueux. La « Maison aux Engins », transformée en arsenal, se détériore avec le temps et est signalée comme délabrée à plusieurs reprises : une première fois en 1471 puis en 1568. Elle est finalement démolie en 1906 afin d'élargir la voirie et de créer la rue des Échevins que l’on connaît aujourd’hui. L’objectif de cette percée était d'assainir cette ruelle sombre et malodorante. Elle prend alors le nom de la maison. Devant un mur en mauvais état mais possédant des vestiges architecturaux, la ville décide d’enlever l'enduit de ciment qui avait été posé pour faire réapparaître des éléments de l’histoire et offrir une lecture historique de ce bâtiment. Sur ce pignon figurent trois cheminées et les restes d’une bâtisse du 15e siècle à pans de bois et encorbellements. Cette haute cheminée évoque l’intérieur de l’ancienne Maison des Échevins, de style gothique flamboyant, s'inscrivent dans un ouvrage du 14e remanié au 15e siècle.

Lecture des vestiges

Ce sont ainsi six siècles qui se dessinent sur ce pan de mur. La maison est en retrait par rapport à la rue. Construite sur un édifice plus ancien, la maison du 15e siècle était composée de deux niveaux sous combles éclairés par une lucarne. Sa façade présentait un soubassement en pierre avec une boutique en rez-de-chaussée, puis une construction à pans de bois. On peut toujours apercevoir un encorbellement en pierre et des traces d’un encorbellement en bois. À la fin du 16e siècle, la maison est restaurée. Un étage est ajouté et on la dote de nouvelles cheminées. Un escalier latéral (dont subsistent les traces d’arrachements) est construit afin de distribuer les étages. On y aperçoit, à droite, une trace de porte, qui permettait une entrée par la place du Bouffay. Comme en témoignent les traces de charpente et d’étaiements, la maison est modifiée au fil des siècles.

Aujourd’hui, cette bâtisse semble plutôt basse mais il faut savoir que l'on a plusieurs reprises reconstruites sur des ruines, plus particulièrement après les invasions du 12e siècle. Sur certaines parcelles, le niveau du sol a parfois énormément monté : entre 75 cm et 8 mètres sur (les parcelles) les plus anciennes. En effet, cette parcelle situé sur la place du Bouffay a été surélevée vers le début du 16e siècle lors du pavage de la place.

Des semblants de colonnes, une corniche pourvu de moulures, des traces de feu et des briques noircies sont bien visibles. Chacune des deux cheminées possède un soubassement en granit. Une troisième existait à l'étage supérieur, sous la première charpente.

En 1943, des bombardements endommagent fortement le pan de mur et ses cheminées de style gothique flamboyant. Ces dernières seront néanmoins restaurées.

Restauration du mur des Échevins

Au début des années 1990, la Ville de Nantes avec le conseil de l'association Nantes Renaissance lance un projet pour restaurer le mur des Échevins. Jean-Louis Boistel, tailleur de pierre, dirige alors une équipe de jeunes stagiaires de la Formation Compagnonnique des Métiers du Bâtiment pour restaurer le mur pignon de la Maison « des Engins ». Ce projet avait pour objectif de restituer les détails archéologiques.

De l’art lors de la saison 2019 de Voyage à Nantes

L’artiste contemporaine, Flora Moscovici, a réalisé une œuvre éphémère sur les vestiges du 15e siècle. Pour l’édition 2019 du Voyage à Nantes 2019, elle présente son œuvre « Le Temps entre les Pierres ».

Pour ce faire, elle utilise des pigments naturels mélangés à de l’eau de chaux pour ne pas perdre le relief ni abîmer la pierre. Quelques années après, cette œuvre est toujours visible.

La « Maison aux Engins » est le plus ancien bâtiment connu utilisé pour les besoins de la cité. Le Mur des Échevins reste aujourd'hui l'un des témoignages de l'époque médiévale de la ville, dernier vestige de cette maison construite à pans de bois et encorbellement datée du 15e siècle.

Alizé Sibella
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2022

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En savoir plus

Bibliographie

Leguay Jean-Pierre, Lieux de réunion et maisons communes en Bretagne médiévale, Presses universitaires François-Rabelais, Tours, 2015

Melet Pierre Guillaume, De la maison aux Engins à l’hôtel Rosmadec, une page de l’histoire de Nantes, Edition Art et Histoire, Paris, (date?)

Olart Catherine, La première mairie de Nantes, Nantes : secret et insolite, Les Beaux Jours, Nantes, 2009

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Archéologie Art Decré - Cathédrale Mairie Restauration

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Rédaction d'article :

Alizé Sibella

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