Gaudinière
Situé au nord de Nantes, le domaine de la Gaudinière n’a cessé d’évoluer. Il est passé d’un statut de propriété rurale privée à celui de parc urbain ouvert au public servant d’écrin à une élégante demeure du Second Empire.
Du 16e au 18e siècle : la Gaudinière, une propriété rurale privée
Selon les archives, les premiers seigneurs connus de la Gaudinière (autrefois « Godinière ») au 16e siècle furent les Rouvre. À l’époque, il devait s’agir d’un modeste logis. Plusieurs édifices se sont succédé sur le site pendant les siècles passés. On a aussi détecté la présence d’un souterrain à proximité du château actuel.
Le parc qui domine le ruisseau de la Patouillerie, situé route de Rennes au lieu-dit du Pont du Cens, fut créé à la fin du 18e siècle par Louis Chaurand, armateur et négociant. Avec son épouse Thérèse Honorée Libault, il a acquis la propriété en 1791.
Elle leur fut vendue par Jean-Pierre Mazeau de la Tannière, conseiller du Roi et Louis de Goyon, comte de Vaudurant, lieutenant général des armées du Roi. Ce dernier avait lui-même pris possession de la maison principale de la Gaudinière, « construite depuis peu » en 1787.
La propriété était alors composée d’une maison d’habitation avec une chapelle, ménageries, cour d’honneur, basse cour, verger, étang, bois, futaie, terres et prés, orangerie et autres dépendances.
Extrait du cadastre de la commune de Nantes situant les lieux-dits de la Gaudinière, de la Close et de la Basse Gaudinière (1835)
Date du document : 1835
19e siècle : une propriété de la bourgeoisie industrielle
En 1809, la veuve de Louis Chaurand vend la totalité de la propriété à Augustin Bachelier de Bercy et à son épouse, Renée Marie Anne Félicitée d’Aux. Cette dernière conservera la parc à la suite du divorce du couple en 1814. À sa mort en 1838, elle lègue le domaine à ses neveux, les Perrien, et à ses héritiers, les Aux, en deux parties indivises. En 1840, ces derniers se dessaisissent de la propriété au profit du négociant Jules Gouin et de son épouse, née Élisabeth Dumoustier.
En 1857, Jean-Baptiste Hubert Jules Brousset, banquier, époux de Marie Magdelaine Stéphanie Gouin, rachète le domaine qui s’étendait sur environ 8 hectares.
Après le décès de son épouse, en 1864, il procède à de nombreuses acquisitions foncières contiguës, dont un terrain comprenant les bâtiments des fermes de la Basse-Gaudinière. Le parc est réaménagé par l’architecte-paysagiste Provost. Jean-Baptiste Brousset fait construire le château actuel (terminé en 1873) par l’architecte nantais Léon Lenoir.
En 1881, la Gaudinière, qui représente une superficie de plus de 17 hectares, revient à ses trois enfants. Jules Jean Baptiste Amédée Brousset rachète les parts de son frère ainsi que celles de sa sœur afin de maintenir le domaine en entier et y adjoint d’autres parcelles.
Château de la Gaudinière vers 1900
Date du document : Vers 1900
En 1919, la propriété est vendue à un riche armateur, Gaston Belot, fondateur de la Société Générale d’Armement qui regroupait un nombre considérable de voiliers. Gaston Belot confie la transformation de l’intérieur du château (escalier, sols, plafonds, boiseries, ferronneries...) à l’architecte nantais réputé René Ménard (1876-1958). Il fait transformer la loggia en salle de billard et construire un pavillon assorti à l’architecture du château, comportant les cuisines au rez-de-chaussée et des chambres de domestiques à l’étage. Ce pavillon était relié au château par une galerie à arcades.
Loggia de la Gaudinière
Date du document : sans date
Gaston Belot fait également recomposer le parc pendant deux ans avec le concours des frères Lizé, horticulteurs-paysagistes nantais réputés. Le plan établi par ces derniers montre que le domaine était agrémenté d’un potager, d’un verger, d’une vigne et d’une roseraie.
Plan de la propriété de la Gaudinière dressé par les horticulteurs Lizé
Date du document : 1931
De 1936 à 1940 : la division du domaine de la Gaudinière et l’Occupation
Gaston Belot décède le 7 janvier 1931 au château de la Gaudinière.
En 1936, on assiste au morcellement de la propriété qui couvrait à l’époque une superficie de 19 hectares. La Ville de Nantes acquiert 12 hectares dont 5 hectares pour créer un cimetière et 7 hectares pour un parc ouvert au public dès 1937.
Une partie des terrains situés entre le château et la conciergerie (rue Hector Berlioz), qui totalisent actuellement 2 hectares, commence à être lotie en 1937. La première construction date de 1939. Les Belot ne disposent alors que d’une parcelle d’un peu plus de 5 hectares contenant le château et les communs.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le château abrite l’état-major britannique à partir de septembre 1939. En et mai 1940, les Anglais quittent la France devant l’arrivée des troupes allemandes. Ces derniers construisent non loin du château un blockhaus aujourd’hui enterré.
1942 : la vente de la Gaudinière
En 1942, les Belot vendent le reste de leur domaine à la Fondation des Orphelins Apprentis d’Auteuil. À cette époque, le château est décrit comme tel : « au rez-de-chaussée, une entrée, grande salle à manger, petite salle à manger, deux grands salons, grande bibliothèque, grande salle de billard, fumoir, office, water-closets ainsi qu’une aile formant pavillon relié par un couloir conduisant aux cuisines avec arrières-cuisines et trois chambres de domestiques. Au premier étage : cinq chambres de maîtres avec cinq cabinets de toilette, une salle de bains, water-closets. Au deuxième étage : cinq chambres de maîtres avec cinq cabinets de toilette, grande lingerie, water-closets, greniers. » La propriété comprend également des dépendances « consistant en écuries avec boxes, garage, hangars, selleries, grands greniers, laiterie, serre, orangerie, grands commun » et un parc, le tout, d’une contenance de 5 hectares 73 ares 2 centiares.
De 1948 à 1993 : la transformation de la Gaudinière en établissement sanitaire
En 1948, la Caisse Régionale de la Sécurité sociale achète le château et le terrain pour y créer un établissement sanitaire.
L’extérieur du château étant très dégradé, elle réalise de nombreux travaux qui modifient sa physionomie : destruction de l’aile gauche du château comportant la salle de billard et du bâtiment des cuisines avec sa galerie. Ces travaux aboutissent à la suppression des épis et des crêtes de faîtage des toitures, à la réduction importante de la toiture des tours avec suppression de leurs lucarnes.
On a également assisté au remplacement des trumeaux en tuffeau situés entre les fenêtres par des briques de parement et au remplacement des appareillages de tuffeau autour des baies par du ciment. De nombreux éléments décoratifs des façades (pots à feu, bacs à fleurs en pierre…) sont également supprimés. De nombreux bâtiments annexes (orangerie, laiterie, hangars, sellerie, grands communs…) sont détruits pour faire place aux nouvelles constructions nécessaires à la nouvelle mission du site. Seuls subsistent actuellement, en très bon état, le garage situé à proximité du château et la conciergerie située à l’angle de la rue Diane et de la rue Hector Berlioz, qui marquait autrefois l’entrée de la propriété.
En 1956 s’ouvre le Centre de rééducation professionnelle dont le but est de dispenser une formation professionnelle tenant compte des séquelles du handicap. En 1963, une section de rééducation fonctionnelle prodigue des soins permettant la réadaptation de l’appareil locomoteur.
Enfin, en 1971, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie (CRAM) a ouvert sur ce site le Centre régional de traitement et de recherche en appareillage. Il fonctionne indépendamment du Centre de rééducation et de réadaptation et accueille des hommes, des femmes et des enfants en consultation spécialisée d’appareillage.
Centre de rééducation professionnelle et de réadaptation fonctionnelle de la Gaudinière
Date du document : sans date
1994 : l’acquisition du domaine de la Gaudinière par la municipalité
Face à l’impossibilité de s’étendre dans une zone boisée protégée, le centre est contraint de déménager. En 1993, il transfert la totalité de ses activités sur le site de la Tourmaline à Saint-Herblain. Le château et ses abords sont alors rachetés en 1994 par la Ville de Nantes qui ouvre cette zone sur le parc public existant. En 1996, elle procède à la destruction des nombreux bâtiments construits par le centre de rééducation et au remaniement du parc, en s’inspirant des anciens plans réalisés par les frères Lizé.
En 2003-2004, l’extérieur du château fait l’objet d’une restauration. Il s’agit de la reconstruction de l’aile ouest, de la réfection des façades, des ouvertures et des couvertures.
Arrière du château de la Gaudinière en 2017
Date du document : 31-05-2017
Enfin, en 2018-2019, pour mettre fin aux ravages de la mérule (champignon se développant en atmosphère confiné), la Ville procède à d’importants travaux consistant au curage et au désamiantage de l’édifice, ainsi qu’à la déconstruction de l’ensemble des ouvrages dans les zones infestées par la mérule.
Article rédigé sur la base de travaux réalisés par Sandrine Hingrat, stagiaire à Nantes Renaissance, et Yvan Fradet
Patrick Leray
Nantes Renaissance
2023
Album « Intérieurs du Château de la Gaudinière »
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Rédaction d'article :
Patrick Leray
Témoignage :
Christiane Guellier
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