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Pollution de l'Erdre Tailleuses nantaises au 18e siècle

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Moulins de la chaussée de Barbin


Jusqu’à la fin du 18e siècle, Nantes était en grande partie ravitaillée en farine par les moulins de l’Erdre. La rivière, dans sa traversée de la ville, était coupée par plusieurs « chaussées ». La plus célèbre était la Chaussée de Barbin, construite dit-on au 6e siècle par l’évêque Félix. C’est elle qui a fait de l’Erdre le grand lac que nous connaissons.

Les moulins de l'Erdre

La Chaussée de Barbin était équipée de trois moulins, le Moulin Robinard, le Moulin Chamaneau et le Grand Moulin. À son aval, la Chaussée du Port-Communeau prenait appui sur une grosse tour des remparts qui abritait le Moulin Harnois, tandis que sur la rive droite, elle se terminait par un second moulin, dit Moulin Gillet ou Moulin Coutant. Cette chaussée a été remplacée par le Pont Morand.

La Chaussée des Halles, pourvue elle aussi de deux ou trois moulins, constituait un des principaux passages pour aller de la vieille ville vers Saint-Nicolas, et aussi vers Couëron, vers Vannes, par la rue de la Boucherie. Les deux rangées de boutiques munies d’auvents, la « Cohue » (halles) et les boucheries, ne laissaient qu’un étroit passage pour le trafic important qu’elle supportait. Elle faisait partie des propriétés du roi.

Une chaussée en débat

La Chaussée de Barbin, elle, à cause de son origine, appartenait à l’évêque qui, en 1753, la céda à la Ville ; ce ne dut pas être une mauvaise affaire : une grande partie des revenus de la location des moulins passait en frais d’entretien des dits moulins, de la digue, des passerelles… La Ville s’acquitta en lui versant une rente annuelle et perpétuelle de 1 800 livres, et le délivra des soucis d’une lourde gestion.

La Chaussée de Barbin était la source d’interminables chicanes. Les riverains, en amont, se plaignaient continuellement du meunier de Barbin, qu’ils accusaient de maintenir le lac à un niveau beaucoup trop élevé, inondant ainsi les propriétés, particulièrement les grands marais qui s’étendent en amont de Sucé. Parmi les rouspéteurs les plus acharnés, on trouvait les propriétaires d’un château de Petit-Mars, le Pont-Hus, bâti dans les prairies de la rive gauche, à l’endroit où la rivière commence à s’élargir lorsqu’on arrive de Nort. Déjà, en 1670 et en 1727, ces propriétaires, M. de la Muce puis Charles-Amaury de Gouyon, s’étaient avisés de traiter avec les évêques afin de détruire la Chaussée de Barbin. Le résultat aurait été d’assécher des superficies considérables de marais, propriétés de ces nobles personnages. L’opposition résolue de la plupart des autres riverains et des mariniers avait fait échouer ce génial projet, sans toutefois le faire oublier.

Plan de la chaussée de Barbin et ses trois moulins à eau

Plan de la chaussée de Barbin et ses trois moulins à eau

Date du document : 18e siècle

De nouveaux moulins pour la Chaussée de Barbin  

Vers 1770, les moulins des Halles sont affermés à François Mellinet, grand-père du général nantais dont on connaît la fameuse statue dans le quartier de Launay. François Mellinet sait que le Maire a de grands projets pour aménager l’Erdre dans sa traversée de la ville, et que cela risque d’entraîner la disparition de la Chaussée des Halles avec ses moulins. Notre meunier, jamais à court d’idées, pose sa candidature pour devenir fermier des moulins de Barbin. Son plan est ambitieux : détruire les vieux moulins atteints de vétusté, les remplacer par six nouveaux moulins modernes, assortis de vastes greniers à farines édifiés sur le quai. Il se dit capable de fabriquer, en bien plus grande quantité, une farine de qualité très supérieure à celle qui se faisait jusqu’alors à Nantes, et de fournir les navires du port en biscuits de mer.

Un projet qui est loin de faire l'unanimité 

François Mellinet va se heurter à un refus tenace de la municipalité, qui assure que les desseins de Mellinet sont incompatibles avec les projets d’embellissement de la ville. La corporation des boulangers, de son côté, y voit une grave menace contre ses intérêts. Et le marquis de Gouyon, en son château du Pont-Hus, qui rêve toujours d’assécher ses marais, qui a déjà réussi à faire baisser le niveau du lac, fait feu de tout bois pour empêcher François Mellinet d’atteindre son but. Mellinet est devenu la bête noire du hobereau, et le candidat-meunier lui rend bien son animosité. Celui-ci, malgré sa détermination (ses demandes vont durer des années), malgré le soutien de l’Intendance de Bretagne, ne réussira pas à obtenir les moulins de Barbin. Il a d’autres cordes à son arc ! Dès 1788, disent ses biographes, il s’engage en faveur de la Révolution, est plusieurs fois élu représentant, député. En 1793, il est un Conventionnel plutôt modéré : il ne vote pas la mort du roi, mais son emprisonnement suivi d’un bannissement.  Il meurt en juin 1793, guillotiné selon les uns, victime d’une congestion cérébrale qui le fait échapper de justesse à l’échafaud selon son petit-fils Camille Mellinet.

Louis Le Bail
2018

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