Marchés
Foires et marchés forment, au Moyen Âge, un réseau hiérarchisé d’échanges allant des foires « générales » aux marchés de portée locale. Alors que les grandes foires sont annuelles, les marchés sont hebdomadaires, voire quotidiens. De plein air ou couverts, ils sont parfois spécialisés et disposent d’un espace attitré.
En 1336, une ordonnance de police du duc Jean III et de l’évêque Daniel prescrit aux marchands d’agneaux, volailles et « autres denrées […] mortes ou vives » de n’exercer leur commerce qu’« au lieu acoustumé » (place du Change) et aux pêcheurs de ne mettre en vente leurs prises qu’à la poissonnerie. Au 15e siècle, poissons secs et « trempés », de mer et de rivière, sont vendus place du Bouffay. Au début du 16e siècle, l’existence d’une poissonnerie est attestée sur la grève de la Sauzaie, où elle était vraisemblablement implantée bien avant. Autorisée en 1582, réalisée en 1628, incendiée en 1718, la halle du Bouffay est reconstruite près de l’Hôtel des monnaies et abrite alors artisans, marchands de pain,de volailles, de légumes et de fruits… Au 18e siècle, Nantes dispose aussi, près de l’Erdre, de la halle de la boucherie et de la cohue au blé édifiée à la fin du 15e siècle, détruite en 1767 et reconstruite entre 1786 et 1789 quai Brancas.
D’incessants aménagements
Conséquence de la poussée démographique, le 25 janvier 1729 un arrêt du Conseil du roi autorise un nouveau marché le lundi, en sus de ceux des mercredi et samedi. La vieille ville, encore corsetée dans ses murailles, n’est alors reliée aux campagnes du Sud-Loire que par une seule ligne de ponts. Le Corps de ville déplore, en 1725, les embarras du pont de la Poissonnerie, « seul endroit par où l’on introduit à Nantes du même côté les vins, les eaux-de-vie, les foins, les pailles et les autres denrées et marchandises » et « par où les gens de pied et à cheval se rendent tous les jours de marché dans la place du Bouffay, dans celle des Changes, à la Bletterie ». Pour desservir de nouveaux quartiers et faciliter la circulation urbaine sur des places exiguës, le transfert de plusieurs marchés est décidé : de la place Saint-Nicolas au Port-au-Vin pour le marché au cercle (tonnellerie), au bois et aux châtaignes (1740), du Puits Lory à la place d’Aiguillon (Port-Communeau) pour celui aux fils et coutils (1781), tandis que le marché aux veaux bihebdomadaire est transféré en 1752 de la place de Bretagne à la place Viarme.
Le remaniement des marchés se poursuit au cours du 19e siècle au rythme des aménagements urbains : en 1823, les halles des boucheries sont détruites lors de la canalisation de l’Erdre et les abattoirs de Talensac inaugurés en 1829 ; des petits marchés illégalement établis sur plusieurs points de la ville sont regroupés place de la Monnaie ; d’autres sont déplacés pour libérer les places encombrées. Édifiée en 1808 et vite délabrée, la poissonnerie coiffant la pointe amont de l’île Feydeau est remplacée, en 1851-1853, par un bâtiment conçu par l’architecte voyer Henri Driollet. En janvier 1873 est inauguré le marché couvert de la Petite Hollande, à la pointe aval de l’île Feydeau. Un autre marché couvert, plus modeste, est construit en 1895 rue Lamoricière.
Marché de Talensac, rue Jeanne-d'Arc
Date du document : Début 20e siècle
Ces évolutions s’accompagnent de quelques remous : en janvier 1843, une augmentation des droits de place conduit les vendeuses de lait et légumes à bloquer l’approvisionnement de la ville en contrôlant les routes d’accès à celle-ci. L’arrêté du 31 mai 1851 fait défense aux marchandes ambulantes de stationner sur la voie publique et aux abords des halles et marchés. En 1858, les seules vendeuses de poissons sont plus de 1 200 femmes dont 600 seulement sont répertoriées !
Les mutations du 20e siècle
En 1903, le marché aux légumes de la Duchesse Anne est transféré au Champ-de-Mars dans un bâtiment de bois où se côtoient maraîchers, négociants et particuliers. Il est remplacé, en 1938, par le palais du Champ-de-Mars qui, sous sa structure en béton, abrite le marché de gros aux légumes et aux fruits ainsi que la poissonnerie municipale dont l’ancien bâtiment est détruit en 1940, suite aux comblements des bras nord de la Loire. Ceux-ci scellent également le sort du marché couvert de la Petite Hollande qui est détruit en 1932. Le marché de plein air, maintenu le samedi matin sur l’espace remblayé, est aujourd’hui le plus animé de Nantes et celui qui révèle le mieux sa diversité culturelle dans un brassage stimulant de produits, de langues et de traditions vestimentaires et culinaires. Le comblement du cours urbain de l’Erdre n’est pas non plus étranger au déplacement, à Pirmil, des abattoirs de Talensac qui laissent place à un marché mixte – couvert et de plein air – inauguré le 8 janvier 1937.
Dans le cadre de la réorganisation de la distribution des denrées alimentaires décidée par l’ordonnance du 22 septembre 1967, le marché du Champ-de-Mars est relayé par le Marché d’intérêt national qui s’installe entre le quai Wilson et la gare de l’État. C’est là que s’approvisionnent nombre de revendeurs présents sur les marchés nantais. En 2012, outre le marché aux fleurs (place du Commerce), celui des bouquinistes (place de la Bourse) et le marché aux puces de la place Viarme où se tient aussi la foire annuelle à la brocante, Nantes compte quatorze marchés alimentaires : trois au centre-ville (Talensac, Petite Hollande et Bourse) ; deux à l’est (Ralliement et Vieux Doulon) ; trois au nord-est (la Marrière, la Bottière-Chénaie et Saint-Joseph-de-Porterie) ; trois à l’ouest (Sainte-Anne, Jean Macé et Zola) ; deux au nord-ouest (Dervallières et Américains) ; et un au sud de la Loire (Châtelets). En 2012 le marché du Pont du Cens, qui se tient depuis les années 1950 rue du Chanoine Poupard, est transféré dans la commune d’Orvault, alors qu’en 2013 s’ouvre le marché de la Bourgeonnière.
En octobre 2010 le marché du Bouffay, le plus ancien de la ville, est transféré square Villebois-Mareuil. Celui de la Bottière-Chénaie est ouvert en septembre 2011 dans un quartier en pleine expansion ; c’est un marché « du soir » (16h30-19h30). Cette tranche horaire, mieux adaptée en semaine au rythme de vie de la population active, est désormais de plus en plus demandée. Aujourd’hui encore les marchés nantais sont les témoins des mutations urbaines et de la vitalité des quartiers.
André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2013
(droits d'auteur réservés)
Album Les marchés de Nantes
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Bibliographie
Archives municipales de Nantes, Autour de la place Emile-Zola, Ville de Nantes, Nantes, 2013 (coll. Quartiers à vos mémoires)
Pages liées
Webographie
Nantes, la métamorphose d'une ville - Auran/Ina : Chaban Delmas inaugure la foire de Nantes
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Rédaction d'article :
André Péron
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