Maison Durbé & Collins
En 1752, Claude Durbé, négociant, achète à Salomon Bonnier, seigneur de la Chapelle Coquerie, un terrain situé sur le pré Lévêque pour 14 350 livres. Trois ans plus tard, en 1755, Jacques Collins achète au même vendeur le terrain mitoyen au prix de 6 320 livres. Les terrains sont proches de la rivière de la Chézine et d’un étier de la Loire.
Les deux hommes désirent construire une maison en société car la mutualisation de leur terrain les délivre des contraintes architecturales inhérentes aux parcellaires laniérés. Ils font une demande d’alignement à la commune en octobre 1755 et la construction s’engage en 1756. Le projet est confié à l’architecte Pierre Rousseau.
Malgré la mise en place d’un radier de bois, technique éprouvée que Pierre Rousseau utilise dans l’île Feydeau depuis une dizaine d’années, l’édifice, bâti sur les sols instables de cet espace de confluence entre la Loire et son affluent, s’enfonce partiellement quelques années après la construction.
Sur le quai, la façade de sept travées s’organise en un rez-de-chaussée en grès surmonté de trois étages en tuffeau et d’un comble. Les trois travées centrales sont traitées en léger ressaut bordé de dosseret à bossage. Elles sont couronnées par un fronton sculpté. Cette mise en valeur s’accompagne par le traitement pyramidal des balcons et une hiérarchisation du décor : au premier étage, sept portes-fenêtres en arc cintré ou segmentaire s’ouvrent sur un balcon soutenu par des consoles sculptées ; au second étage, le balcon qui court seulement sur cinq travées est soutenu par des trompes et par les agrafes en surplomb des baies inférieures ; au troisième étage, les portes-fenêtres centrales ont des balcons individuels soutenus, comme auparavant, par des trompes et les agrafes de l’étage inférieur.
Comme pour la majorité des constructions des fronts urbains sur les rives de Loire de Nantes seule la façade sur quai est bâtie en pierre de taille et monumentalisée, le reste de la bâtisse (aile en retour sur la rue et façade sur cour) est élevé en moellons de schiste liés au mortier et recouverts d’enduit.
Façade de l'immeuble sis au numéro 86 quai de la Fosse
Date du document : 16-02-1952
Chaque étage de l’immeuble contient seize pièces. L’ensemble comprend au rez-de-chaussée quatre boutiques sur quai, deux boutiques sur la ruelle adjacente, trois arrières-boutiques ou magasins dans la cour ; à l’entresol, trois cabinets de travail et six pièces à destination diverses ; et à chacun des trois étages, trois appartements de neuf, cinq et quatre pièces distribuées entre le quai et la cour.
La distribution s’effectue par un escalier monumental inséré dans une tourelle ovale hors-œuvre et largement éclairée, sur le modèle de celles mises en œuvre par Pierre Rousseau dans les immeubles du 12 quai Turenne /19 rue Kervégan vers 1752.
Dans la cour, des magasins ou entrepôts permettent aux négociants de mettre rapidement à l’abri les denrées débarquées sur le quai. Aucune fonction d’apparat ou de jardin ne semble avoir donné à cette cour.
Si les familles des propriétaires occupent l’étage noble pendant plusieurs années, le reste du bâtiment est loué. Différentes classes sociales s’y mêlent et l’immeuble abrite des négociants mais également des ouvriers employés dans les industries proches comme un tonnelier, un voilier et un cordonnier.
Face à la maison, une cale est aménagée sur le quai. Nommée cale Durbé, elle devient pour la 19e siècle un point topographique important pour le quai de la Fosse. Encore aujourd’hui, la silhouette penchée du bâtiment sert de repère sur le quai, témoin méconnu du projet titanesque de construction du quai de la Fosse et du lotissement de la Chézine mené sur un marécage de confluence et un étier au milieu du 18e siècle.
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
En bref...
Localisation : Fosse (quai de la) 86, NANTES
Date de construction : 1756
Auteur de l'oeuvre : Pierre Rousseau
Typologie : architecture domestique
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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