À l'ouest de Nantes, l'ancien chemin de la Fournillière devient, à partir de la fin du 19e siècle, un axe urbain, au cœur d'un quartier industriel. Avec son changement de nom, la rue de la Convention affirme sa vocation commerciale, faisant d'elle la « rue Crébillon de Chantenay ».
À partir du milieu du 19e siècle, l’ancien chemin de Nantes à Couëron, une des trois voies parallèles à la Loire qui traverse la commune de Chantenay depuis le pont de Gigant jusqu’à la Croix-Bonneau, se transforme en espace urbain au fur et à mesure que l’industrialisation se développe.
Vue aérienne de la rue de la Convention
Date du document : 08-1958
Vue aérienne de la rue de la Convention
Date du document : 08-1958
Vue aérienne du secteur situé entre la rue de la Convention et la rue du Bois-Hercé, site du futur boulevard Léon-Jouhaux.
Droit de diffusion : Communication libre, reproduction libre
Le tissu urbain s’adapte progressivement aux nouvelles conditions économiques posées, à partir des années 1830, par l’implantation des conserveries dans le quartier de la rue de la Ville-en-Bois. Un premier processus d’urbanisation s’effectue le long de cette rue puis se prolonge progressivement vers l’ouest. Cette progression de l’espace construit sur les terres, prés et tenues se caractérise alors par des constructions en bandes continues successives le long des rues du Mont Saint-Bernard et de la Fournillière. L’ancien chemin est en effet tronçonné en trois parties depuis l’ouverture du boulevard de ceinture à la fin du 19e siècle.
Un nouveau nom pour la rue
Le 14 février 1904, la municipalité Griveaud dénomme la rue de la Fournillière, voie qui traverse l’ancien village du même nom, rue de la Convention. Ce choix procède, en partie, d’une volonté d’effacer les derniers repères ruraux et d’affirmer l’identité urbaine de la commune au sein de laquelle la rue de la Convention constitue un axe commercial important.
Ancien commerce situé au 29, rue de la Convention
Date du document : 22-05-2013
Ancien commerce situé au 29, rue de la Convention
Date du document : 22-05-2013
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Favorisée par l’implantation des industries de la conserve alimentaire et par l’augmentation de la population que celle-ci engendre, une importante activité commerciale s’est en effet développée le long de l’ancien chemin de Couëron. Mais, c’est dans la rue de la Convention que celle-ci est la plus foisonnante. Surnommée « la rue Crébillon de Chantenay » par les anciens habitants, cette rue est, en effet, le centre de la vie sociale et commerciale du secteur avec ses nombreux commerces du quotidien, ses cafés, son jeu de boules et sa salle de danse. En 1955, on dénombre la signature d’une cinquantaine de commerçants au bas d’une pétition et à partir de 1960, alors que les commerces des rues de la Ville-en-Bois et de la Montagne amorcent un déclin, la rue de la Convention bénéficie de l’édification des HLM de la Croix-Bonneau qui permettent aux commerces de proximité de se maintenir jusqu’aux années 1980.
Ancienne boucherie chevaline située au 68, rue de la Convention
Date du document : 22-05-2013
Ancienne boucherie chevaline située au 68, rue de la Convention
Date du document : 22-05-2013
Droit de diffusion : Communication libre, reproduction libre
À partir de cette date, la diminution de la population, l’ouverture de la voie Croix-Bonneau – Gare maritime et la multiplication des grandes surfaces sont les principaux facteurs du déclin de cette activité. Aujourd’hui, quelques traces d’anciennes façades subsistent mais la plupart des anciens commerces ont été transformés en maisons d’habitation ou rasés du paysage. Témoin de cette évolution, la démolition au 21, rue de la Convention d’un haut lieu de la boule nantaise depuis 1924, l’ancien « Café des Tilleuls » et sa façade en mosaïque signée Rougier, qui réveilla en 2007, l’attachement des habitants à l’esprit commercial et convivial de la rue.
Nathalie Barré
Archives de Nantes
2013
Témoignage (1/4) : Une rue commerçante et ouvrière
« La rue de la Convention, c’était la rue la plus commerçante de Nantes avec la rue du Maréchal-Joffre. Les commerces étaient à touche-touche. Tout le monde vivait bien de son activité et avait la même clientèle. C’étaient beaucoup de gens de passage...
Témoignage (2/4) : Le tailleur pour hommes et dames Robert Guilbaud
« En septembre 45, je me suis installé comme tailleur dans les jardins de la Fournillière puisque ma femme habitait là avec sa famille. Il ne fallait pas grand-chose pour s’installer. J’avais acheté une vieille machine à coudre, un gros fer à repasser...
Témoignage (3/4) : Le marchand de chevaux et la boucherie chevaline...
« Mon grand-père maternel était marchand de chevaux au 101 bis, rue de la Convention. C’était un commerce de chevaux destinés à la boucherie. Il avait acheté la maison en 1918. Derrière, il y avait un terrain de 6000 m² avec une écurie et un grand hangar...
Témoignage (4/4) : La menuiserie Lechat
« Je suis né au 72, rue de la Convention en 1931. Mon grand-père était ébéniste rue de Bel-Air et il est venu s’installer dans cette maison en 1900 parce que la rue était plus commerçante. Avec tous les Bretons qui travaillaient dans les usines de Chantenay,...
Témoignage (1/4) : Une rue commerçante et ouvrière
« La rue de la Convention, c’était la rue la plus commerçante de Nantes avec la rue du Maréchal-Joffre. Les commerces étaient à touche-touche. Tout le monde vivait bien de son activité et avait la même clientèle. C’étaient beaucoup de gens de passage qui rentraient du travail et qui s’arrêtaient faire leurs courses avant de rentrer chez eux. Les gens qui travaillaient dans les usines venaient rue de la Convention parce que l’on trouvait de tout. On n’avait pas besoin d’aller en ville. Notre voisine, madame Marceau était couturière et tenait une épicerie vraiment typique. Ce n’était pas grand mais beaucoup de gens du coin passaient chez elle. Sa boutique, c’était le petit journal du quartier. Elle faisait du très bon lait cuit mais il fallait venir le chercher très vite parce que des fois, on pouvait retrouver des araignées dedans ! Sa mère portait les journaux et elle faisait des blagues à tout le monde dans la rue. Au moment de Noël, elle se déguisait en père Noël et elle distribuait les cadeaux aux enfants de la Convention. Les parents mettaient les paquets dans sa hotte et c’est elle qui les apportait. C’étaient essentiellement des ouvriers qui habitaient le quartier. Il y avait beaucoup de gens qui travaillaient chez Carnaud et à la Raffinerie de Chantenay. Seulement deux familles se distinguaient : les Brétéché qui étaient marchands de bêtes et la famille de l’ingénieur des ACB qui ne se mélangeait pas. Ils n’étaient pas à leur place dans la rue ! Le quartier a changé à partir des années 80 au moment où les commerces ont commencé à fermer les uns après les autres. Ça correspond au moment où Intermarché de la rue de la Marseillaise s’est installé. La percée du boulevard Léon-Jouhaux a fait du tort aussi parce que le quartier a été coupé en deux. Les clients qui habitaient de l’autre côté ne sont plus revenus parce que c’était dangereux. Une passerelle devait être installée mais elle est restée sur le trottoir ! Comme c’étaient des gens âgés, ils ne voulaient pas traverser le boulevard. Et puis, le quartier des Bourderies s’est amélioré, des commerces se sont montés. Les personnes qui habitaient de ce côté sont donc allées aux Bourderies. Il y a aussi des commerçants qui n’ont pas voulu vendre et qui sont restés. Et pour les commerces qui ont été vendus, soit ça devenait un autre commerce, soit c’était transformé en maison d’habitation. Beaucoup d’anciens sont restés vivre ici mais maintenant au fur et à mesure qu’ils partent, de nouveaux habitants arrivent. »
Propos de Marylène Lepage recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières -Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Témoignage (2/4) : Le tailleur pour hommes et dames Robert Guilbaud
« En septembre 45, je me suis installé comme tailleur dans les jardins de la Fournillière puisque ma femme habitait là avec sa famille. Il ne fallait pas grand-chose pour s’installer. J’avais acheté une vieille machine à coudre, un gros fer à repasser et une grosse paire de ciseaux. Un menuisier m’avait fabriqué une table. Le plus dur, c’était de trouver du tissu parce qu’après la guerre, c’était difficile de s’approvisionner, il n’y avait rien du tout. J’avais des copains parisiens qui étaient prisonniers avec moi pendant la guerre et qui avaient des relations avec des marchands de tissus. J’ai donc pu me fournir comme ça. La première année, j’ai dû faire quarante-cinq costumes. Ce n’était que pour des anciens prisonniers. Comme j’en connaissais beaucoup, ils sont venus s’habiller chez moi. Je coupais tout, j’étais toute la journée à couper du tissu. Le veston était entièrement fait à la main et il fallait une bonne paire de ciseaux parce que le tissu était épais. J’aiguisais tout le temps ! J’ai appris à ma femme à coudre à la main et c’est elle qui faisait toutes les doublures intérieures des vestons. Elle ne voulait pas trop le faire au départ. En fait, elle ne voulait pas trop en apprendre pour ne pas avoir trop à en faire ! Elle m’aidait le soir à finir les vêtements mais après elle a arrêté parce que nous avons eu cinq enfants. Beaucoup de femmes de tailleurs n’étaient pas du métier mais elles ont dû apprendre pour aider leur mari. En 1951, on s’est installés rue de la Convention dans la maison d’un copain qui était prisonnier de guerre avec moi. Il habitait rue des Pavillons et il avait acheté cette maison pour placer son argent. Il m’a mis dedans et il me l’a vendue ensuite. Comme c’était une maison d’habitation, il a donc fallu créer la boutique. Il n’y avait pas de tailleur dans la rue à ce moment-là. Quand j’ai débuté, on avait juste une grande fenêtre comme vitrine et après, on a percé pour en faire une vraie. On avait un beau petit magasin. J’avais mon atelier dans la cour, ma boutique était devant et notre logement était au premier étage. Le magasin était ouvert tous les jours sauf le lundi. J’avais toujours une ouvrière avec moi et j’avais des culottières qui travaillaient à domicile. J’ai eu vingt-six ouvrières et j’ai formé vingt-deux apprenties dont la plupart était reçue à leur CAP. J’avais des clients qui venaient de partout mais c’étaient surtout des anciens combattants parce que j’ai eu une grosse clientèle avec l’association des anciens combattants dont je m’occupais. Pour les hommes, je faisais des costumes et pour les femmes, c’étaient beaucoup de tailleurs. Je me souviens qu’en 1964, on faisait beaucoup de petits tailleurs noirs avec des vestes courtes. C’était la mode ! Dans les années 50, tout le monde s’habillait avec du « sur-mesure ». Après, le prêt-à-porter s’est développé et le métier de tailleur a disparu petit à petit. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un seul à Nantes : le tailleur Zampino de la rue Lamoricière. J’ai arrêté mon métier le 28 juin 1980, à soixante et un ans, mais nous sommes restés vivre rue de la Convention jusqu’en 2009. Nous avons déménagé il y a trois ans dans l’immeuble qui a remplacé « Le Chalet Suisse ». On ne pensait pas venir ici mais rue de la Convention, j’avais un jardin de cent-vingt mètres qui longeait le cinéma et c’était trop de travail pour l’entretenir. »
Propos de Robert Guilbaud recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières -Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Témoignage (3/4) : Le marchand de chevaux et la boucherie chevaline Royer
« Mon grand-père maternel était marchand de chevaux au 101 bis, rue de la Convention. C’était un commerce de chevaux destinés à la boucherie. Il avait acheté la maison en 1918. Derrière, il y avait un terrain de 6000 m² avec une écurie et un grand hangar dans le fond. Nous étions voisins avec les Brétéché qui, eux, étaient marchands de bêtes. Mon grand-père faisait aussi le ramassage des os chez les bouchers avec son commis Arthur, pour les livrer chez Kulhmann. C’était une usine de noir animal dans le bas de Chantenay. Sur le terrain, il y avait une très grande allée de marronniers qui aboutissait à l’actuelle avenue du Printemps. Comme Carnaud était juste derrière, mon grand-père autorisait les ouvriers de cette usine à passer par cette allée parce que c’était un raccourci pour eux. Mon grand-père paternel habitait également rue de la Convention et les deux familles se connaissaient. Mes parents se sont mariés en 1926 et ils ont tenu une boucherie place Bretagne. Je suis donc née dans le centre de Nantes mais je passais les trois-quarts de mon temps dans la rue de la Convention car ma grand-mère s’occupait beaucoup de moi. En 1943, la boucherie a été sinistrée au moment des bombardements. Pendant trois ans, mes parents ont repris la boucherie d’un monsieur qui était prisonnier. Quand cette personne est revenue, mon père a demandé l’autorisation d’ouvrir une boucherie chevaline au rez-de-chaussée du 101 bis de la rue de la Convention et ils ont tenu ce commerce de 1946 à 1968. Ensuite, comme ils approchaient de la retraite, ils ont décidé de racheter la boucherie à l’angle de la rue de la Convention et de la rue Paul-Bert et ils l’ont revendue en 1970. En 1949, après mes études commerciales à l’école du Sacré-Cœur, j’ai travaillé avec mes parents jusqu’à mon mariage en 1956. On se levait à six heures du matin pour préparer la viande. Qu’est-ce que c’était dur pour remuer la viande froide ! Le problème de la boucherie chevaline, c’est que la viande ternit très vite, on ne peut donc pas la préparer à l’avance. Alors, on préparait la viande tôt le matin. Vers dix heures, on s’occupait des commandes que je livrais ensuite à vélo. J’allais jusque dans le bas de Chantenay. La boucherie marchait très bien, il y avait souvent la queue. Ma mère était très commerçante. La boutique et la pièce pour préparer la viande étaient ensemble. Les clients pouvaient donc voir mon père faire son travail. Il achetait les chevaux sur jambe à Rezé chez le marchand Constantin. Comme il était « à cheval » sur la qualité de la viande, il suivait la bête depuis chez le marchand jusqu’à l’abattoir. »
Propos de Renée Praud recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières -Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Témoignage (4/4) : La menuiserie Lechat
« Je suis né au 72, rue de la Convention en 1931. Mon grand-père était ébéniste rue de Bel-Air et il est venu s’installer dans cette maison en 1900 parce que la rue était plus commerçante. Avec tous les Bretons qui travaillaient dans les usines de Chantenay, il y avait du boulot pour la menuiserie. Mon père a ensuite appris le métier avec mon grand-père et moi, j’ai appris avec mon père. On s’est transmis le métier de génération en génération et la menuiserie a duré jusqu’à mon départ en retraite en 1994. La menuiserie marchait bien, on fabriquait beaucoup de meubles. On a eu jusqu’à quatre compagnons alors on pouvait faire pas mal de boulot. Il y avait un atelier-machine et un atelier de montage. On fabriquait tout le temps. On faisait des chambres à coucher, des salles à manger, de tout. C’était la seule façon de se meubler à l’époque. On travaillait l’acajou et le chêne et on faisait beaucoup en massif. On faisait du sur-mesure et sur commande mais il fallait des délais assez longs. On avait aussi de la fabrication d’avance pour faire de la revente en magasin. La boutique donnait sur la rue et l’atelier était derrière. C’est ma mère qui tenait le commerce parce que mon père n’était pas du tout commerçant alors que moi, ça me plaisait bien. Quand ma mère m’appelait, j’aimais bien venir l’aider. Mais ce que j’appréciais le plus, c’étaient les livraisons parce qu’une fois qu’on avait réglé les histoires d’argent, je discutais avec les clients. J’aimais bien ça parce que c’étaient beaucoup de Bretons et il y avait toujours un petit coup de Père Julien ! Nos clients étaient pratiquement tous de Chantenay. Il y en avait aussi beaucoup des fermes de Saint-Herblain mais peu de gens du centre-ville. On avait beaucoup de Bretons qui travaillaient dans les usines, des braves gens à qui on faisait crédit, comme ça, sans intérêts. Ma mère marquait tous les mois mais s’il y avait un mois plus dur que l’autre, eh bien, on reportait au mois suivant ! Quand j’ai repris le commerce en 1969, il y avait déjà beaucoup de concurrence. Je me suis donc mis à faire des compléments comme de l’agencement de cuisine ou des restaurations, ce qui m’a permis de tenir plus longtemps. Si j’avais été dix ans plus jeune, ça aurait été plus difficile. Il faut faire du chiffre pour gagner sa croûte ! En 1994, il y avait de la concurrence partout et les jeunes n’achetaient plus de meubles spéciaux. Ils allaient dans les grandes surfaces. »
Propos de Roland Lechat recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières -Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
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Bibliographie
Archives de Nantes, Autour de la place Emile-Zola, Ville de Nantes, Nantes, 2013 (coll. Quartiers à vos mémoires)
Bellet Yvette, "La Convention au temps de sa splendeur", dans Chantenay, son patrimoine commercial 1850-1970, Nantes Renaissance, Nantes, 2017, pp. 40-46
Pinson Daniel, Chantenay : l'indépendance confisquée d' une ville ouvrière, Arts-Culture-Loisirs, Nantes, 1982
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