Ligne des ponts : l’eau, un atout économique (4/4)
Dans cet espace insolite, l’eau omniprésente est mise à profit depuis le Moyen Age et contribue au développement d’un certain nombre d’activités. Si le commerce et l’artisanat occupe une place essentielle dans la vie économique des faubourgs, la proximité de l’eau et les terrains vierges attirent les industriels dès la fin du 18e siècle.
Carte des îles de Nantes au 18e siècle
Date du document : 02/2021
Un espace fluvial favorable à l’activité meunière
Outre les pêcheries bâties entre leurs piles, des moulins sont érigés sur ou le long des ponts. Le premier moulin mentionné est celui que l’abbaye de Toussaints demande à construire dans l’enceinte de son aumônerie des ponts en 1422. Le duc Jean V autorise à ériger cet ouvrage sur pilotis ou sur barque et accorde une emprise carrée de douze mètres de côté sur la voie d’eau. D’après Ogée, à cette date, il n’y a pas de moulins à vent à Nantes et le duc ne possède qu’un petit nombre de moulins à eau la plupart sur l’Erdre. Lors des étés secs, la farine peut alors manquer.
A partir du 16e siècle, plusieurs moulins construits sur les ponts appartiennent à la ville. En 1573, les Nantais obtiennent l’autorisation royale de construire deux moulins – au lieu des six qu’ils demandaient – sur les ponts qu’ils auront reconstruits avec des arches et des tabliers de pierre. Un nouvel édifice, nommé Moulin-Neuf, est alors mis en œuvre sur le pont des Récollets, entre Grande Biesse et Vertais. Puis, en 1608, la ville fait édifier le moulin Grognard sur la rive sud-est de l’île de la Saulzaie, sous le pont de Belle-Croix.
Plan du Moulin Grognard
Date du document : 1724
En 1721, la commune est autorisée à faire construire sur des bateaux amarrés aux ponts de la Loire un moulin, à la charge de payer au Domaine une redevance de dix livres par an. Le conseil communal s'adresse à divers entrepreneurs de la ville de Saumur pour réaliser cet ouvrage particulier. Ceux-ci n’acceptent de venir réaliser ce moulin que si la ville de Nantes paie les taxes dont ils devront s’acquitter aux cinq péages placés entre Saumur et Nantes. Les entrepreneurs demandent 6,500 livres pour la construction tandis que les droits à payer se montent à 650 livres. La ville réclame l'exemption de ces droits mais reçoit une fin de non-recevoir ce qui lui fait abandonner le projet.
Les moulins privés
A côté des édifices appartenant à la Ville, les privés mettent également en place des moulins. Sur le pont de la Poissonnerie, le seigneur de l'Épronnière et de Saint-Thomas possède un moulin et des logis qui seront détruits lors de la reconstruction de la tour et de la porte de la Poissonnerie au début du 17e siècle. Le chapitre de Notre-Dame possède également un moulin sur le pont de la Belle-Croix.
Dans la seconde moitié du 18e siècle, un moulin est installé dans l’ancienne enceinte du château de Pirmil, au pied de la tour et un bief est aménagé au moyen d’une digue pour l’alimenter. Au début du 19e siècle, M. Rosset construit un moulin à farine de trois étages sur la rive nord de la prairie de la Madeleine, en aval du pont de Belle-Croix et proche du quai de l’Hôpital.
Les conséquences de l’industrialisation sur le paysage
Dès le 18e siècle, les industries s’installent sur les îles. Les fabriques d’indiennes se multiplient sur les îles de Grande et Petite Biesse, de Saint-Anne et du Bois Joly dès 1742. Pour fonctionner, elles ont besoin de l’eau du fleuve qui alimente sans fléchir les bacs de teinture et de lavage et des terrains vierges pour faire sécher les tissus.
A partir du 19e siècle, les îles se transforment à la faveur des aménagements du fleuve. Les prairies de Gloriette et de la Madeleine mises hors d’eau et proches du centre-ville se peuplent rapidement. Les îles situées au milieu du fleuve ont les faveurs de l’industrie naissante. Les entrepreneurs y trouvent de vastes étendues à un prix très abordable du fait de leur caractère submersible ainsi que de l’eau pour produire de l’énergie ou pour acheminer matières premières et produits manufacturés. L’industrialisation entraîne dans la seconde moitié du 19e siècle l’installation d’une population mixte composée pour partie d’ouvriers logés dans des alignements comme celui de la rue du Bois Joly, d’artisans et d’une petite bourgeoisie. En 1840, les chantiers navals s’installent sur l’île de la Prairie-au-Duc et à leur suite des forges et des fonderies, des raffineries, des industries de noir animal, des filatures, etc.
Chantier Gouïn, Prairie-au-Duc
Date du document : 19e siècle
La présence de ces industries transformera l’espace des « ponts » en densifiant les bourgs, en rehaussant et régularisant les rives des îles, en intensifiant les passages sur les ponts qui seront reconstruits au 19e siècle puis au 20e siècle. De nouveaux franchissements sont édifiés.
A la fin du 20e siècle, les grandes industries disparaissent de l’ancien espace des ponts et des îles afférentes. Le choix est fait de transformer ces quartiers en les dédiant à l’habitat et au tertiaire ; des activités qui n’ont plus d’intérêt ou de liens quotidiens à la Loire à l’exception des passages sur les nombreux ouvrages nouvellement créés.
Suite Digues et comblements (1/3)
Julie Aycard, Julien Huon
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
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Rédaction d'article :
Julie Aycard, Julien Huon
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