En 1981, la Ville inaugure les premiers jardins familiaux nantais à la Contrie, sur d'anciennes tenues maraîchères : le renouveau d'une pratique qui trouve ses racines dans le modèle des jardins ouvriers du 19e siècle.
En 1979, la municipalité lance un programme d’aménagement de jardins familiaux sur l’ensemble de la ville. Le conseil municipal décide alors qu’« afin de faire face aux demandes de plus en plus pressantes de la part des associations de quartiers réclamant la création d’espaces verts et de jardins familiaux, il est apparu nécessaire d’acquérir dans le quartier de la Contrie un vaste terrain de 10 931m² dont, tant la nature du sol que la situation auprès d’un groupe d’HLM, devraient pouvoir répondre aux besoins des habitants de ce quartier particulièrement défavorisé en espace vert».
Les premiers jardins familiaux de Nantes
La propriété Neau est acquise et les premiers jardins familiaux de Nantes voient le jour à la Contrie au printemps 1981. Sur un terrain de deux hectares 88 parcelles sont équipées d’abris pour les outils, de haies vives et d’accès piétonniers. Le Service des Espaces Verts se charge de l’aménagement des terrains achetés par la Ville tandis que la gestion des jardins est confiée à l’Association des jardins familiaux de Nantes qui loue les parcelles aux particuliers.
Une pratique inspirée par le modèle des jardins ouvriers
Par ce programme, la Ville remet au goût du jour une pratique bien plus ancienne, celle des jardins ouvriers qui se développa au 19e siècle parallèlement à l’industrialisation. Ces jardins étaient destinés à améliorer les conditions de vie des familles ouvrières. Le terme de Jardin ouvrier est inventé par l’abbé Lemire, fondateur en 1896 de la Ligue française du coin de terre et du foyer.
Les jardins ouvriers prennent le nom de Jardins familiaux en 1952, date à laquelle ces derniers sont inscrits dans le Code rural qui en donne la définition suivante : « Terrain mis à disposition du chef de famille comme tel, en dehors de toute autre considération, pour être cultivé personnellement, en vue de subvenir aux besoins de son foyer à l’exclusion de tout usage commercial. »
Nathalie Barré
Archives de Nantes
2011
Témoignage (1/2) : La tenue Turpin
« Pierrot Turpin surnommé « Pierrot le Riche » fût le premier jardinier à s’installer sur le secteur, probablement dès la fin du 19e siècle. Il était cousin germain avec ma grand-mère maternelle. Sa tenue, implantée sur la propriété familiale, s'étendait...
Témoignage (2/2) : Les tenues Potiron
« Jusqu’aux années 60, il restait sur ce secteur ouest de Nantes ce que nous aurions pu appeler le dernier village de maraîchers. Des derniers exploitants que j’ai connus il y avait Henri et Francis Turpin, Théophile Mélot, Pierre Potiron, père et fils,...
Témoignage (1/2) : La tenue Turpin
« Pierrot Turpin surnommé « Pierrot le Riche » fût le premier jardinier à s’installer sur le secteur, probablement dès la fin du 19e siècle. Il était cousin germain avec ma grand-mère maternelle. Sa tenue, implantée sur la propriété familiale, s'étendait sur un peu plus d'un hectare. Il en fît une tenue « pilote » tout à fait remarquable pour ce premier tiers du 20e siècle. Très intelligent, astucieux et ingénieux, il avait une parfaite connaissance de son métier : C'était un jardinier à quatre branches (fleurs, fruits, légumes de primeurs, aménagements de parcs et jardins). De plus, il était allé se perfectionner en région parisienne et en était revenu avec de nouvelles techniques de cultures. Cela explique sans doute la construction d'une champignonnière. Très adroit, il avait un atelier remarquable avec une forge. Il fabriquait ses sabots, des meubles et même un alambic qui lui permettait de faire, en toute illégalité, de l'eau-de-vie avec le muscadet qu'il récoltait à Ponpierre sur Saint-Herblain. Aller rendre visite à la cousine Pierrot avait quelque chose d'enchanteur, de merveilleux. La tenue était entourée de murs hérissés de tessons de verre afin d'empêcher les escalades des enfants attirés par les fruits des arbres et de la vigne qui couvraient les murs. On y accédait par le chemin du Corps-de-Garde par la même entrée que les jardins familiaux actuels. Une fois franchis le portail puis l'entrée ornée de deux palmiers, on montait une large allée bordée de cerisiers. Le hangar attirait les regards car le cousin Pierrot l'avait construit avec des planches courbes provenant du bois de coffrage du réservoir d'eau édifié en béton! Une serre était accolée sur toute la longueur du mur au sud de la maison, chauffée en hiver par une salamandre. C'était un enchantement de venir s'asseoir au milieu d'un tel foisonnement de plantes : orangers et citronniers chargés de fruits et de fleurs odorantes. Les frères Paud, les familles Potiron et Mélot allaient donner un coup de main pour sortir ces arbustes vers le 15 mai et les rentrer en octobre. Certaines installations de cette tenue subsistent encore, en partie : la grande serre d'environ cent mètres carrés dont on peut encore voir le mur nord et les murets. On peut encore voir une partie du système d'arrosage avec le château d'eau où était refoulée, grâce à une motopompe, l'eau du puits profond de seize mètres, véritable citerne. Pierre Turpin avait passé un accord avec le Service des Eaux de la Ville de Nantes pour récupérer une partie du trop-plein des réservoirs dans une ancienne carrière qui se trouvait sur une de ses propriétés louée à Pierre Potiron. »
Propos de Maryvonne Boulvert recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières-Zola en 2008 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Témoignage (2/2) : Les tenues Potiron
« Jusqu’aux années 60, il restait sur ce secteur ouest de Nantes ce que nous aurions pu appeler le dernier village de maraîchers. Des derniers exploitants que j’ai connus il y avait Henri et Francis Turpin, Théophile Mélot, Pierre Potiron, père et fils, Francis Arbert, Louis Binotte et François Poisson. Chacun avait sa ou ses spécialités de cultures maraîchères mais les principales cultures étaient surtout celles des tomates, des poireaux, des radis, de la salade… Quelques-uns produisaient également des fleurs telles que le muguet et les chrysanthèmes ou des fruits. Quelques fois et pour certains gros travaux, une entraide était organisée entre tous ces maraîchers. Installés à la porte du centre-ville, ces derniers maraîchers écoulaient leurs productions dans les petites épiceries du quartier et aux halles du Champ-de-Mars. Parfois, certains confiaient la vente de leur récolte à des grossistes du Champ-de-Mars, transféré ensuite au Marché d’Intérêt National. Mes parents et mes grands-parents avaient chacun leur tenue maraîchère, l’une près de l’autre, au Champ Lucet. Je me souviens de ces hauts murs de pierre auprès desquels des dizaines d'arbres fruitiers étaient plantées tout autour du jardin. De grandes allées divisaient le jardin en plusieurs parties que nous appelions des carrés et dans lesquels étaient semées des planches de carottes, de melons, de pissenlits ou encore des rangs de tomates, de salades, de poireaux, etc. Au milieu de cette propriété se trouvait une carrière, très poissonneuse, d'où l'eau était pompée pour arroser les cultures avec des mouilleurs. Un aménagement paysagé de cette carrière avait été réalisé par l'ancien propriétaire : des murets de pierre, quelques plantations d’arbres, des escaliers et des petits sentiers permettaient de descendre au bord de l'eau. C'était vraiment un lieu superbe ! Expropriés en 1967 mes parents sont partis se réinstaller sur la commune de Saint-Herblain, avec de nouveaux objectifs professionnels. »
Propos de Bertrand Potiron recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières -Zola en 2008 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
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En bref...
Localisation :
Corps de Garde (rue du), NANTES
Date de construction :
1981
Typologie :
architecture de jardin et des espaces verts
En savoir plus
Bibliographie
Archives municipales de Nantes, De la Contrie à la Durantière, Ville de Nantes, Nantes, 2011 (coll. Quartiers à vos mémoires)
« Les jardins familiaux », SEVE info, n°48, 1980
« Des jardins familiaux à la conquête de l’espace… », Nantes votre ville, n°43, mars 1982
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