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Le dessous des sols : fouille archéologique des Couvent des Cordeliers


En 2014, une campagne d’étude archéologique a été menée sur l’ancien couvent des Cordeliers - dernier couvent médiéval nantais non restauré - sous la direction de la Direction du Patrimoine et de l'Archéologie (DPARC) et en collaboration avec l’Université de Nantes. Ces recherches ont été engagées afin de documenter et de comprendre l’histoire de l’édifice, qui constitue un important témoignage de l’évolution de la ville au cours des siècles, car construit dans un secteur habité et aménagé depuis l’Antiquité.

Contexte historique

Le site du couvent des Cordeliers est localisé sur l’ancienne rive gauche de l’Erdre, à mi-pente d’un coteau dont le sommet est aujourd’hui occupé par la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. Le mur nord de l’enceinte protégeant la capitale des Namnètes y est édifié à la fin du 3e ou au début du 4e siècle. La ville se développe dès lors à l’intérieur de cette fortification, tandis que la zone extra-muros, entre l’enceinte et l’Erdre, semble être un espace péri-urbain non loti.

Fouille du Couvent des Cordeliers

Fouille du Couvent des Cordeliers

Date du document : 2015

Cette topographie urbaine paraît se maintenir jusqu'au 12e siècle, quand un faubourg se constitue à l’extérieur des murs. Ce nouveau quartier est inclus à l’intérieur des défenses de la ville au début du 13e siècle, lors d’une grande campagne d’agrandissement des fortifications réalisée à l’initiative du duc de Bretagne Pierre de Dreux. La muraille antique n’assure plus alors de fonction militaire et devient un obstacle au développement urbain. Déclassée, elle est peu à peu « englobée » par les constructions civiles et religieuses, auxquelles elle sert souvent d’appui ou de soubassement. Les terrains donnés par le pouvoir ducal à l’ordre franciscain des Cordeliers dans le cadre de leur installation à Nantes au 13e siècle comprennent ainsi un tronçon de l’ancien mur de ville, ensuite réutilisé par les frères comme mur gouttereau nord de leur église.

L’ordre des Cordeliers jouit d’un grand prestige au sein de la société nantaise des 13e - 16e siècles : les laïcs viennent assister aux rites religieux dans l’église du couvent et font des donations aux frères pour y être inhumés. Les plus riches d’entre eux s’y font même aménager leur propres enfeus et chapelles funéraires familiales. Le prestige des Cordeliers se caractérise également par les assemblées et institutions ponctuellement accueillies dans les grandes salles du couvent, comme l’Université de Nantes, la Chambre des Comptes de Bretagne, différentes assemblées municipales et parlementaires, ainsi que des corporations de marchands.

Fouille du Couvent des Cordeliers

Fouille du Couvent des Cordeliers

Date du document : 2015

Le couvent des Cordeliers connaît de nombreux travaux d’agrandissement et d’embellissement au cours du Moyen Âge et de la période moderne : aux premiers aménagements du 13e siècle (une église à nef à vaisseau unique et des bâtiments organisés autour d’un cloître) s’ajoutent, au 15e siècle, un second vaisseau dans la nef de l’église, ainsi qu’un second cloître et d’autres bâtiments conventuels au nord et à l’est. Trois chapelles funéraires sont édifiées au sud de l’église au 16e siècle. Ces dernières sont financées par de riches membres de la corporation de la « Contractation », qui regroupe des marchands nantais d’origine espagnole. Le couvent est également ceint d’un grand mur l’isolant de la ville, à l’intérieur duquel des espaces sont réservés à des potagers et des jardins d’agrément. Si le plan général des constructions conventuelles est connu grâce aux documents du 18e siècle, la fonction et la distribution intérieure de chaque bâtiment restent en grandes parties hypothétiques.

La Révolution française entraîne la fermeture et la mise en vente du couvent en tant que bien national en 1791. Brièvement occupé par une fonderie à canons pendant la période révolutionnaire, l’église est convertie en halle aux toiles au début du 19e siècle, tandis que la création de nouvelles rues, dans le but de désenclaver le quartier, provoque la démolition de certaines parties du couvent. C’est notamment le cas de l’actuelle rue des Cordeliers, percée à travers le collatéral sud de l’église en 1806. Le couvent retrouve une vocation religieuse à partir de 1811, avec l’installation successive de plusieurs congrégations féminines, avant d’être transformé en école en 1924. Touchée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci est en partie reconstruite dans les années 1950. La cour actuelle, au fond de laquelle est situé le mur d’enceinte antique, occupe l’emplacement du cloître du 13e siècle.

Fouille du Couvent des Cordeliers

Fouille du Couvent des Cordeliers

Date du document : 21-04-2015

Contexte archéologique

En 2011, le creusement d’une tranchée dans la rue de Cordeliers pour la mise en place de réseaux souterrains a donné une première occasion aux archéologues d’étudier une partie du sous-sol de l’église conventuelle. Des structures bâties témoignant de l’occupation du quartier pendant l’Antiquité y ont été observées, notamment des murs, des sols en terre battue et en béton de tuileau, ainsi qu’un système de canalisation en terre cuite pour l’adduction ou l’évacuation de l’eau. Des vestiges des fondations du vaisseau latéral (15e siècle) de la nef de l’église, détruit lors du percement de la rue, ont également été mis au jour.

La campagne d’étude de 2014 a pour sa part pris la forme de plusieurs petits sondages exploratoires, ayant pour but d’estimer le potentiel archéologique des différents espaces de l’ancien couvent.

Les sondages réalisés dans la nef de l’église ont principalement mis en évidence des vestiges liés aux réaménagements des années 1790-1810, lors de la transformation du site en espace industriel et commercial (fonderie, halle aux toiles). Aucune sépulture n’a été mise au jour dans le sous-sol de la nef. Cette absence s’explique par la politique hygiéniste mise en œuvre par les autorités municipales à la fin du 18e siècle, dans le but de réduire les maladies causées par les inhumations au cœur de l’espace urbain. De nouveaux cimetières sont alors créés extra-muros, tandis que les anciens lieux d’inhumation font l’objet d’opérations d’assainissement. Le sous-sol de l’église des Cordeliers est ainsi curé puis remblayé avec des matériaux « propres » (notamment des fragments de tuffeau). Ces travaux de nettoyage ont donc fortement perturbé la stratigraphie du site,  entraînant la disparition des niveaux d'occupation de la période médiévale. Ainsi, dans l’un des sondages, des remblais du 19e siècle ont été observés directement superposés aux vestiges d'un axe de circulation de la période antique.

Fouille du Couvent des Cordeliers

Fouille du Couvent des Cordeliers

Date du document : 16-05-2014

Les sondages effectués dans l’ancienne salle capitulaire du couvent ont quant à eux révélé la présence de plusieurs niveaux de sol en carreaux de terre cuite décorés, aménagés successivement entre le 13e et le 16e siècle. Un tronçon du mur d’enceinte antique a également été dégagé. Celui-ci a été recouvert au 13e siècle d’un enduit à décor de faux joints rouges, avant d’être dérasé au 15e siècle lors de travaux d’agrandissement de la salle. Quelques sépultures datées de la période moderne ont été mises au jour dans cet espace, qui n’a donc pas été concerné par la campagne d’assainissement du sous-sol observée dans la nef de l’église.

Un sondage a également été effectué à l’est du couvent, dans un espace extérieur anciennement occupé par une cour et des jardins. Un puits circulaire construit en dalles de schiste y a notamment été mis au jour.

Le piquage des enduits récents recouvrant les murs du bâtiment de l’aile orientale du cloître a révélé la présence de vestiges architecturaux témoignant des multiples transformations du couvent au court des siècles, comme d’anciennes portes et fenêtres obstruées et remaniées. La découverte d’enduits peints de la fin du Moyen Âge et de la période moderne laisse quant à elle imaginer la richesse du décor qui devait alors orner les murs du couvent.

Fouille du Couvent des Cordeliers

Fouille du Couvent des Cordeliers

Date du document : 06-02-2014

Tous ces sondages exploratoires apportent donc de précieuses informations sur les différentes phases d’occupation du site des Cordeliers, de l’Antiquité à nos jours. L’ancien couvent possède un fort potentiel archéologique et patrimonial, et il paraît certain que son étude complète apportera de nombreuses informations sur son évolution et, plus généralement, sur l’histoire de la ville de Nantes.

Frédéric Mercier, Camille Dreillard
Direction du Patrimoine et de l'Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2018

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En bref...

Localisation : Cordeliers (rue des) ; Refuge (rue du) 5, NANTES

Typologie : architecture religieuse

En savoir plus

Bibliographie

Dubuisson-Aubenay, François-Nicolas Baudot, « Églises et couvents de Nantes – Les Cordeliers », dans Croix, Alain (coord.), La Bretagne d'aprés l'itinéraire de monsieur Dubuisson-Aubenay, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006, p. 571-592

Lallauret Maïlys. « Étude de bâti de l’église des Cordeliers de Nantes : nouvelles données sur l’évolution structurelle du site », Bulletin de la Société Historique et Archéologique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°151, 2016, p. 107-126

Le BoulaireC hristian, «  L'ancien couvent des Cordeliers de Nantes  », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, n°92, 2014, p. 489-500

Mercier Frédéric, Nantes, rue des Cordeliers : rapport de sondage archéologique, Ville de Nantes, Direction du patrimoine et de l’archéologie, Nantes,  2013

Morvan  Haude, « Les sépultures dans le couvent des Cordeliers de Nantes », dans Nantes flamboyante (1380-1530) : actes du colloque organisé par la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique au Château des ducs de Bretagne, Nantes 24-26 novembre 2011, Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, Nantes, 2014, p. 179-188

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Archéologie

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Rédaction d'article :

Frédéric Mercier, Camille Dreillard

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