La création d’une deuxième ligne de tramway

Depuis janvier 1985, le tramway est de retour à Nantes avec la création d’une première ligne Est-Ouest. Plébiscité par les Nantais, ce mode de transport se développe au début des 1990 avec l’aménagement d’une deuxième ligne ; celle-ci part de Rezé pour arriver à Orvault en traversant le centre-ville de Nantes. La ligne 2 est prolongée en tronçons successifs à travers les quartiers nord de Nantes, jusqu’à atteindre Orvault au mois d’août 1994.

Un tracé concerté avec les habitants

L’implantation de la ligne 2 fait l'objet de nombreuses réunions de concertation avec les responsables du projet, organisées par quartier. À Nantes Nord, les réunions concernent les secteurs Géraudière – Bout-des-Landes et Bourgeonnière – Boissière. Certaines rencontres sont ouvertes au public, tandis que d’autres réunissent uniquement des acteurs associatifs, parents d’élèves, directeurs d’établissements scolaires et commerçants.

Chacun a son idée sur le parcours et le positionnement des stations, le traitement de la voierie. Le partage de l'espace entre piétons, cyclistes, voitures et tramway sur la portion étroite de la rue des Renards, entre les rues Blaise-Pascal et de Sesmaisons, est source d'inquiétudes. Le plan de communication prévoit plusieurs dispositifs pour répondre aux questions des riverains pendant toute la durée des travaux :
• Installation d’un point Service Tram Tan Infos au 49 rue des Renards,
• Diffusion de « Tram Tam », un journal d’information sur l’extension du réseau édité par la SEMITAN,
• Disposition d’une signalétique « Éléphant », la mascotte du chantier,
• Réunions d’information.

Un projet structurant pour les quartiers nord de Nantes

En novembre 1992, la Ville de Nantes propose une modification du tracé de la ligne de tramway issu de l’enquête publique et de l’avant-projet détaillé de 1991. Le parcours envisagé diffère sur le secteur Chêne-des-Anglais et boulevard René-Cassin. Ce changement de cap doit s’accorder avec les orientations de la zone d’aménagement concerté (ZAC) de Nantes Nord, créée dans le cadre de la politique de développement social des quartiers. Ce programme d’aménagement, dont les travaux doivent débuter en janvier 1993, est confié à la société d’économie mixte Nantes-Aménagement. L’arrivée du tramway apparaît comme la « future épine dorsale du quartier » au cœur d’un projet ayant pour thèmes : 
• La construction et la réhabilitation d’équipements publics,
• La reconstruction et la réhabilitation de logements sociaux,
• Le désenclavement du quartier avec la transformation des voiries et l’arrivée du tramway,
• L’aménagement d’espaces publics.

L’ouverture de l’autoroute A 11 allègera du trafic routier sur la portion de rocade composée des boulevards René-Cassin et Albert-Einstein, permettant ainsi aux aménageurs de restructurer ces voies. Intégrés à la ville, ces boulevards urbains verront l’implantation de nouvelles activités sur leurs franges. Le tracé de la Ville de Nantes propose de créer une station supplémentaire sur le boulevard René-Cassin, arrêt qui porte actuellement son nom. Si cette proposition augmente le coût du chantier et le temps de parcours du tramway, elle présente également plusieurs avantages :
• Une meilleure desserte de la population,
• Le respect des espaces boisés, protégés par le Plan d’occupation des sols (POS) de la Ville de Nantes,
• La conservation du tracé de la route de la Chapelle-sur-Erdre,
• La création d’un pôle d’échange voitures-tramway à l’intersection d’axes majeurs, conformément aux objectifs de l’étude d’impact de 1991 : c’est l’actuel parking situé à l’angle des boulevards René-Cassin, Albert-Einstein et de la route de la Chapelle-sur-Erdre,
• La conservation de l’unité des espaces urbanisables les plus homogènes possibles.

Cette proposition est validée par le District de Nantes et la SEMITAN.

Un projet structurant pour les quartiers nord de Nantes

L'arrivée du tramway joue un rôle structurant dans le quartier Nantes Nord. Le tracé de la ligne prend en compte les bâtiments, espaces verts et routes existants. La voierie est traitée avec suppression des feux tricolores, implantation de ronds-points fleuris et rénovation de l'éclairage.

D’après Jean-Marc Ayrault, alors maire de Nantes et président du District de Nantes, le tramway participe à la vie économique et sociale de l’agglomération nantaise : « Il n’est pas seulement un nouveau moyen de transport, mais résulte d’un choix économique, social et urbain fait par l’ensemble de l’agglomération. […] Le tramway constitue un élément fort de cohésion sociale entre les différents quartiers. » Ainsi, il dessert 40% des emplois de l’agglomération et 50% des scolaires et étudiants de l’époque.

Rue Recteur-Schmitt, la création d’une station de tramway, dessinée par l’architecte Alain Diatkine, permet la conception d’une véritable « porte d’entrée sur la ville ». Le site est doté d’un parking-silo relais couvert comprenant 100 places réservées aux visiteurs et 150 autres pour l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM, aujourd’hui INSPÉ). Cet équipement permet aux habitants de la périphérie, détenteurs d’une carte de transport, de garer gratuitement leur voiture avant de prendre le tramway pour se rendre en ville. C’est le cinquième parking de ce type de l’agglomération, après celui de la Trocardière, Pirmil, La Haluchère et Beaujoire. D’après un article du Ouest-France du 15 mars 1994, « L’ouvrage ne manque pas d’élégance, ce qui n’est pas si fréquent dans ce type de réalisation : placage en marbre, lignes harmonieuses. » Un groupe de trois sculptures en bronze, imaginé par Crispin Guest, est positionné à l’entrée du parking. Ce chantier a par ailleurs été l’occasion de réaménager le parvis de l’église Saint-François-d’Assise.

Le prolongement de la ligne est particulièrement apprécié par les étudiants vivant dans les cités U de la Bourgeonnière et du Fresche-Blanc, qui devaient se contenter jusqu’ici du bus. « Plus confortable et plus rapide que le bus », le tramway offre la possibilité d’avoir un service de nuit jusqu’à minuit passé.

Rue des Renards, l’espace public a été partagé entre piétons, cyclistes, voitures et tramway. La démolition de deux immeubles HLM de l’ensemble des Renards a permis l'aménagement d'une placette avec une fontaine, face à la station « Boissière ». Une place publique a été aménagée à proximité de la station, donnant accès à une station de bus, de taxis et des cabines téléphoniques.

De nouveaux équipements publics (Médiathèque Luce-Courville, Pôle Santos-Dumont) ou privés (espace commercial Santos-Dumont) sont implantés le long de la ligne. Le parvis de la maison des Jeunes de la Géraudière est traité (avec suppression du mur de clôture) et valorisé (avec aménagement d’un parking de 40 places).

Une fin de chantier célébrée

La progression de la ligne 2 vers Orvault s'est faite en deux temps : arrivée à la Bourgeonnière le 14 mars 1994 (avec six mois d’avance sur les prévisions), et prolongement jusqu’à Orvault le 29 août.

Les travaux de prolongation de la ligne 2 se sont étirés sur cinq années. La fin de ce chantier est célébrée par deux jours de fête, les 2 et 3 septembre. Le 3 septembre, 4000 ballons représentant la famille Éléphant sont lâchés simultanément à 17h30 à partir de 7 stations : Château, Mangin, Saint-Mihiel, Boissière, Chêne-des-Anglais, Le Cardo, Grand Val.

Francis Peslerbe, Noémie Boulay
Groupe Histoire des quartiers Nord de l’association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB) – Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2025