Bandeau
Évariste et Georges Colombel Ancienne chocolaterie de la Compagnie Nantaise des Chocolats

5858

Chemin de fer


Près d’une vingtaine d’années séparent l’ordonnance royale du 31 juillet 1833, qui autorise l’étude d’une ligne Paris-l’Océan, de l’inauguration du Paris-Nantes les 17 et 18 août 1851. Ces années sont marquées par les hésitations et les revirements d’une ville qui peine à évaluer le rôle économique du chemin de fer et les enjeux de sa greffe sur le système urbain à un moment où elle est engagée dans une reconversion industrielle et confrontée à la création d’un avant-port à la fois souhaité et redouté.

Lithographie,  <i>Fêtes pour l'inauguration du chemin de fer Paris-Nantes, programme</i> 

Lithographie,  Fêtes pour l'inauguration du chemin de fer Paris-Nantes, programme 

Date du document : 1851

Le train et le port

Après avoir temporisé, Nantes réclame une desserte ferroviaire en 1837, craignant que le Paris-Orléans ne prive son port d’un hinterland « naturel » au profit de ses concurrents – Rouen et Le Havre – bientôt reliés à la capitale. Il ne faut pas moins de trois groupes de projets entre 1837 et 1847 pour fixer l’emplacement de la gare. La perspective d’une étroite articulation gare-voie maritime évolue, car elle suppose un trafic de transit alors que le port se tourne vers l’industrie.

La Chambre de commerce rejette farouchement le contournement du centre-ville proposé par la Compagnie des chemins de fer de Tours à Nantes. Elle redoute une ligne Saint-Nazaire-Tours avec simple embranchement vers Nantes qui ferait de « l’avant-port » un concurrent. La volonté de freiner le glissement de la ville vers l’aval explique le choix final de la prairie de Mauves, en 1848, avec raccordement à une gare maritime installée aux Salorges.

Lithographie,  <i>Le port de Nantes</i> , publiée dans Ports de mer d'Europe

Lithographie,  Le port de Nantes , publiée dans Ports de mer d'Europe

Date du document : vers 1870

1851 : entrée du train en gare de Nantes

Le train arrive à Nantes le 17 août 1851 après neuf heures et demie de trajet, arrêts non compris. En 1852, la Compagnie des chemins de fer de Tours à Nantes est absorbée par celle du Paris-Orléans.

Hantée par l’exemple du port de Rouen supplanté par Le Havre et voyant dans le chemin de fer une menace pour la navigation fluviale, Nantes exige d’abord d’être le terminus de la ligne avant de considérer son prolongement vers Saint-Nazaire comme le moyen de faire de cet avant-port son « faubourg ». Tardivement ralliée à cette position, la Chambre de commerce obtient l’appui du Conseil municipal pour rejeter tout contournement. C’est ainsi qu’en 1857 une grande ligne de chemin de fer traverse la ville de part en part sur un trajet jalonné par une multitude de passages à niveau et par les gares d’Orléans, des Salorges et bientôt de la Bourse !

La gare d'Orléans

La gare d'Orléans

Date du document : années 1900

Un nœud ferroviaire

Un nœud ferroviaire se met en place au rythme de l’ouverture de nouvelles lignes par des compagnies rivales. La Compagnie d’Orléans relie Nantes à la Bretagne-sud par Redon en 1862-1863 (avec embranchement Redon-Rennes par les voies de la Compagnie de l’Ouest), à la Vendée par la ligne de La Roche-sur-Yon (1866) et au Nord-Loire par celle de Châteaubriant (1877). La Compagnie des chemins de fer nantais la relie au Sud-Loire : à Pornic (1875), Paimbœuf (1876) et La Roche-sur-Yon (1880). La Compagnie française de chemins de fer à voie étroite ouvre vers le sud la ligne de Legé (1893). En 1885, la voie ferrée d’Angers-Nantes par Segré, ouverte par la Compagnie de l’Ouest, arrive par Doulon.

Travaux d'enfouissement de la voie ferrée devant l'usine LU

Travaux d'enfouissement de la voie ferrée devant l'usine LU

Date du document : 20e siècle

Enfin la Compagnie des Chemins de fer de l’Anjou ouvre la ligne Cholet-Nantes en 1899. La loi du 18 mai 1878 permet à l’État d’acquérir les réseaux de la Compagnie des Chemins de fer nantais, de la Compagnie de Vendée et de celle des Charentes. Il rachète ensuite la ligne de La Roche-sur-Yon à la Compagnie d’Orléans (1883) et le réseau de la Compagnie de l’Ouest (1908). En 1887, la « gare de l’État » est établie sur la Prairie-au- Duc.

Le passage du train devant la Bourse

Le passage du train devant la Bourse

Date du document : sans date

Grands travaux

Très vite la voie ferrée des quais devient un cauchemar tant par les accidents provoqués que par la gêne occasionnée pour la circulation urbaine et l’activité portuaire. Le doublement de la voie en 1917, à la demande des troupes américaines, aggrave encore la situation. La Ville s’oppose au projet de viaduc proposé par la Compagnie d’Orléans et lui préfère… un contournement !

Le passage du train quai Brancas

Le passage du train quai Brancas

Date du document : sans date

Tandis qu’un remaniement global de l’équipement ferroviaire nantais est envisagé, le comblement des bras nord de la Loire à la fin des années 1920 offre la possibilité de faire passer le train par une tranchée et un tunnel. Après la création de la SNCF et l’unification des réseaux ferroviaires en 1937, les travaux sont retardés par la guerre. L’ouvrage est inauguré le 17 décembre 1955.

Huile sur toile,  <i>Le passage à niveau de la Belle Croix</i> 

Huile sur toile,  Le passage à niveau de la Belle Croix 

Date du document : 1952

1989 : arrivée du TGV

Endommagée par les bombardements de 1944, la gare d’Orléans est reconstruite entre 1965 et 1968. Nantes est à trois heures de Paris avec l’électrification du tronçon Nantes-Le Mans (1983), temps réduit à deux heures avec le train à grande vitesse (1989). Son arrivée s’accompagne de la création d’une gare sud et révèle les espoirs et les inquiétudes d’une ville encore traumatisée par la fermeture de ses chantiers navals (1987), point d’orgue de sa mutation vers le tertiaire.

La construction du tunnel ferroviaire de Chantenay

La construction du tunnel ferroviaire de Chantenay

Date du document : 1938

L’emprise ferroviaire issue des choix faits par le passé pèse encore aujourd’hui sur les grands projets d’urbanisme. Les quartiers Madeleine-Champ-de-Mars, remaniés, sont toujours coupés du centre-ville par la tranchée d’accès au tunnel ferroviaire. Un Grand projet de Ville signé en 2001 a pour ambition d’ouvrir sur la ville le quartier Malakoff-Pré Gauchet enclavé entre Loire et voies ferrées. Enfin le devenir de la plate-forme logistique de l’ancienne gare de l’État, enjeu urbanistique important à la pointe ouest de l’Île de Nantes, fait l’objet de négociations entre la Ville et Réseau ferré de France.

La construction du tunnel ferroviaire de Chantenay

La construction du tunnel ferroviaire de Chantenay

Date du document : 03-1941

L'étoile ferroviaire régionale

La loi Solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000 fait des Régions les autorités organisatrices des transports régionaux. L’utilisation de l’étoile ferroviaire nantaise pour les déplacements urbains et périurbains permet de desserrer l’étreinte automobile par un renforcement des dessertes et par des intégrations tarifaires.

Aboutissement de la collaboration Région- Communauté urbaine (en partenariat financier avec l’État, le Conseil général et la SNCF), le Train express régional Nantes-Vertou est inauguré en 2003 (avec prolongement en 2006 vers Clisson) tandis que la réouverture de la ligne de Châteaubriant par un tram-train a lieu en 2014. Après l’avoir si longtemps entravée, voilà le chemin de fer qui facilite la circulation urbaine… 

André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2013
(droits d'auteur réservés)

Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.

En savoir plus

Bibliographie

Bernard Jean, Sigot, Jacques, Nantes : le train, CMD, Montreuil-Bellay, 1997

Caudal Gaëlle (réd.), Pays de la Loire. Service régional de l'inventaire général du patrimoine culturel, Nantes-Châteaubriant : une ligne à redécouvrir, Éd. 303, Nantes, 2014

Nennig Jean-Pierre, Le chemin de fer : Nantes-Le Croisic et Guérande (1851-2001), Ouest éditions, Nantes, 2001

Péron André, Nantes, ville de Far-West : le train, la ville, le fleuve, Ressac, Quimper, 1989

Saouzanet Anne-Sophie, Les liens ferroviaires du sud de la Bretagne avec Nantes, L’Harmattan, Paris, 2002

 

Pages liées

Cheminots

Gares

Métallurgie

Inauguration du chemin de fer à Nantes

Tags

Chemin de fer Comblement Gare Restructuration du territoire

Contributeurs

Rédaction d'article :

André Péron

Vous aimerez aussi

Chantier naval Raguenault et Chaptois

Architecture et urbanisme

Des chantiers installés au début du 20e siècle sur l’Île de Versailles, il reste peu de traces ; on les suppose principalement dédiés aux canots. Raguenault et Chaptois ont aussi...

Contributeur(s) :Gérard Krebs

Date de publication : 31/08/2022

1017

Biscuiterie Nantaise

Architecture et urbanisme / Les incontournables

La marque BN est un témoin et un acteur de plus de cent ans d’histoire industrielle.

Contributeur(s) :Didier Guyvarc’h

Date de publication : 01/03/2019

10788

Casier judiciaire national

Architecture et urbanisme / Les insolites

Lieu emblématique pour le système judiciaire français, la construction du casier judiciaire national est également le témoin de la métamorphose du village de Doulon en quartier urbain...

Contributeur(s) :Julie Aycard

Date de publication : 07/04/2022

1925