Cheminots
Le train arrive à Nantes en août 1851. Et dès le recensement de 1856 on note la présence de chemineaux à Doulon, principalement des « poseurs de rails » d’origine rurale.
Poseurs de rails et cheminots
En 1893, dans le journal syndical Le Réveil des travailleurs de la voie ferrée, on parle tout à la fois de chemineaux, cheminoux et de cheminots. Ce dernier terme s’impose : c’est sous le pseudonyme de Jean Cheminot que s’exprime l’année suivante dans ce journal le porte-parole des travailleurs du chemin de fer.
En-tête de courrier, Association fraternelle des employés et ouvriers des chemins de fer français
Date du document : sans date
1910 : grève générale
Au début du 20e siècle deux compagnies se livrent une concurrence impitoyable à Nantes : l’État et Paris-Orléans. Pour fixer leur main-d’œuvre, elles concèdent des avantages sociaux non négligeables (service médical, pension de retraite, congés payés…). Cependant les salaires demeurent extrêmement bas pour la majorité des employés. En octobre 1910, la CGT lance la grève générale de « la Thune » (un salaire minimum de cinq francs). C’est le premier conflit qui secoue toutes les compagnies au plan national. À cette occasion, Jules Grandjouan réalise trois affiches qui s’adressent tant au public qu’aux cheminots.
Un autre conflit majeur éclate en février 1920. Le 1er mars, 3500 cheminots des deux compagnies se rassemblent dans la prairie de Mauves. Une répression cinglante s’en suit. Un gréviste sur quatre est révoqué ou licencié. Beaucoup se reconvertissent à l’usine des Batignolles à Nantes. D’autres mouvements de grève d’importance nationale mobilisent les cheminots nantais en juin 1947, août 1953, mai 1968, décembre 1986 et décembre 1995.
Cheminots résistants
Pendant la Seconde Guerre mondiale la résistance à l’Occupation allemande s’organise, pour certains, dès les premiers jours. Le cheminot Marin Poirier, fusillé le 30 août 1941, en est l’illustration. D’autres suivent : neuf cheminots nantais sont fusillés et onze meurent en déportation. Le quartier de Doulon, à l’est de Nantes, a longtemps été le principal lieu de résidence des cheminots. En effet, avec l’arrivée des Américains lors de la Première Guerre mondiale, la décision est prise d’établir un dépôt d’entretien des locomotives sur le site du Blottereau. Progressivement le quartier du Vieux Doulon s’en trouve modifié.
Match de jeunes rugbymen, au pied de la « cité cheminote » du Vieux Doulon, à deux pas de la gare de triage du Blottereau
Date du document : sans date
Une cité cheminote se développe à proximité du dépôt et du triage de wagons. Ce phénomène ne se reproduit pas autour de l’autre gare majeure, celle de l’État, qui bénéficie pourtant, elle aussi, d’un dépôt d’entretien des locomotives à vapeur, d’un triage et même d’un centre d’apprentissage.
Identité cheminote
Avec la fin de la concurrence entre les compagnies, ce site périclite au profit de la gare centrale de Nantes-Orléans et du site du Blottereau. La construction de l’identité cheminote s’opère notamment par des activités sportives et culturelles intenses. Elles font partie d’un mouvement paternaliste créé par les compagnies privées et poursuivi par la SNCF.
Dès le 1er janvier 1920 est créée l’USA (Union sportive armoricaine) qui deviendra Racing athlétique club des cheminots, très laïc par opposition à la Saint-Médard, le patronage du Vieux Doulon. En 1948, le Racc compte 431 membres sur un site, le Vieux Doulon, qui emploie plus de 1 000 cheminots. Se créent aussi, dès le début du 20e siècle, un orphelinat national, et par la suite un Comité régional artistique de l’Ouest, ainsi que les Jardins du cheminot, institution qui perdure. Jusque dans les années 1980, une coopérative d’achat réservée aux cheminots ponctue la vie familiale de toute la corporation avec des économats en gare de Nantes, à Nantes-État et au Blottereau. Depuis 1983, les activités sociales sont gérées par le Comité d’établissement régional (dont le siège est en gare de Nantes), comité qui joue également un rôle consultatif en matière économique.
Occupation des voies en gare de Nantes, lors du grand mouvement social de 1986
Date du document : 12-1986
Aujourd’hui, les cheminots n’habitent plus dans des quartiers spécifiques, mais leur présence au travail reste importante en gare de Nantes ainsi qu’au Blottereau avec un atelier de maintenance des trains express régionaux, construit en 2010 et, à côté de l’ancienne gare de Doulon, avec un atelier d’entretien du tram-train, créé en lien avec la réouverture de la ligne Nantes-Châteaubriant.
Carlos Fernandez
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Croix Alain (dir.), Doulon : histoire d’un village sans importance, catalogue d’exposition, Maison de quartier de Doulon, Nantes, 1982
Doulon-Histoire, Guillet Noël, Doulon : de l'indépendance à l'annexion. Cent ans de vie municipale, Association Doulon-Histoire, Nantes, 2000
Masse Jean-Paul, « Des gares au travail... », La vie du rail, n°1961, « Nantes », 27 septembre 1984, p. 23-29
Péron André, Nantes, ville de Far-West : le train, la ville, le fleuve, Ressac, Quimper, 1989
« Quartier Nantes-Doulon : de la Manu à la Noë-Mitrie », Annales de Nantes et du pays nantais, n°288, 2003
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Rédaction d'article :
Carlos Fernandez
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