Art déco
« Folles », les années 1930 le sont à Nantes, puisque cette décennie comble une partie de la Loire et détourne le cours de l’Erdre, rejetant le plaisir de l’eau urbaine hors de son centre historique. Si robes et coiffures s’allègent, si les couleurs haussent le ton, la bonne pierre claire et le lourd béton peint en blanc restent les matériaux privilégiés des constructeurs.
À mi-hauteur de la rue Racine, l’immeuble de la Caisse générale accidents (CGA) témoigne de l’ambivalence nantaise vis-à-vis de l’Art déco, ce style radicalement dépouillé adopté dans les années 1920-1930. Pour édifier en 1933 le siège de cette compagnie régionale d’assurances des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics, les architectes Henri Vié père et fils, composent une façade classique s’apparentant à celles des grands hôtels balnéaires si bien que seuls le lettrage surmontant le porche, la composition de celui-ci et le retrait des étages supérieurs datent extérieurement la construction. C’est donc par les degrés successifs du hall d’entrée recouvert de mosaïque à décors géométriques, les cloisons en pavés de verre, les portes pleines et lisses en bois dotées de poignées d’aluminium et surtout dans l’ample verrière circulaire de béton et de pavés de verre blanc, jaune et orange, surplombant une salle dont la mezzanine est pourvue de ferronneries géométriques, que s’exprime pleinement l’adoption des principes de ce courant esthétique.
Façade de la Caisse générale accidents, rue Racine
Date du document : 19-08-2012
Un an plus tard, René Ménard et Maurice Ferré édifient le groupe scolaire intégré à l’ensemble paroissial Sainte-Thérèse. S’ils choisissent de construire l’église selon un style néobyzantin, ils apparentent l’école aux constructions scolaires ou à caractère social qui fleurissent alors aux limites de Paris ou dans les banlieues ouvrières. Des volumes simples et puissants alternativement bas et haut, sont soulignés par les fines lignes horizontales des planchers en béton. Les masses construites en briques sont allégées par des ouvertures géométriques et des baies d’angles pourvues de pavés de verre et parfois surmontées de garde-corps en tubes métalliques.
La verrière de l’immeubl de la Caisse générale accidents
Date du document : 19-08-2012
En 1936, les six immeubles de logements sociaux composant le groupe de l’Hermitage se perchent sur les derniers contreforts du sillon de Bretagne pour mieux dominer la Loire, les chantiers navals et leurs cales de lancement établis sur la rive opposée. Leurs auteurs, les architectes Gabriel Guchet et Gérard Guénault, choisissent d’amplifier la taille des immeubles par la régularité de la disposition des fenêtres, l’affirmation des balcons et le retrait du dernier niveau courant qui évoquent les immeubles à gradins alors très en vogue. Ils surmontent le tout de deux ateliers d’artistes. Cet ensemble dense (1 057 habitants à l’hectare), affiche de nouvelles valeurs : le renforcement des valeurs collectives et le rôle accordé aux artistes dans le développement harmonieux de la cité. Cette réalisation entre en écho avec la Maison radieuse édifiée dans les années 1950 pour marquer dans le paysage nantais la permanence d’une dimension sociale progressiste animant une partie de ses décideurs.
Façade art déco de l’immeuble du 10 bis rue Kléber
Date du document : 20-08-2012
Plus modestement, ces deux architectes signent des immeubles de rapport en centre-ville, notamment rue Paul Bellamy, qui utilisent le béton et déclinent également les signes esthétiques usuels de l’Art déco. Comme pour l’Art nouveau, ces éléments décoratifs seront apposés sur les compositions plus classiques d’immeubles, notamment dans leurs étages supérieurs, et de maisons individuelles, essentiellement pour monumentaliser une entrée, affirmer l’encadrement d’une fenêtre, donner une rigueur sommitale à un pignon.
Façade art déco de l’ancien central téléphonique, rue de l’Heronnière
Date du document : 20-08-2012
Les Nantais sont aussi mis en présence de ce vocabulaire géométrique par l’intermédiaire des boutiques, ces lieux en permanente évolution car sensibles aux modes. Objets, vêtements, publicités et emballages diffusent un esprit graphique épuré, mais ce sont surtout les grands lettrages, les couleurs vives, les formes simples aisément mémorisables qui gagnent les rues de la ville par l’intermédiaire des mosaïstes dont Isidore Odorico. Leur art se combine avec un travail sur la ferronnerie et les progrès de l’industrie verrière pour composer des façades particulièrement attractives. Il introduit les premiers codes couleurs publics : la boucherie et la charcuterie rougeoient, la poissonnerie s’affiche en bleu…
Cette palette graphique est aussi celle des plasticiens comme Jorj Morin qui conçoivent les affiches popularisant les produits de quelques grandes entreprises.
Dominique Amouroux
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
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