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Enseignement primaire


La loi Guizot (28 juin 1833) organise l’instruction primaire publique et distingue deux types d’écoles : les écoles primaires élémentaires destinées à instruire les enfants des classes populaires et les écoles primaires supérieures permettant à ceux des classes « intermédiaires » de recevoir un enseignement supplémentaire. Chaque commune, seule ou regroupée, doit entretenir une école primaire élémentaire. Les villes de plus de 6 000 habitants et les chefs-lieux d’arrondissement doivent en outre créer une école primaire supérieure. Les écoles élémentaires permettent les apprentissages de base (lire, écrire, compter) et l’instruction morale et religieuse. Les écoles primaires supérieures y ajoutent des cours de dessin, de géométrie, de sciences physiques, d’histoire naturelle, des éléments d’histoire et de géographie et parfois des langues vivantes.

La domination de l’enseignement religieux

À Nantes, l’enseignement élémentaire n’intéresse pas les élus locaux jusqu’à la fin du Second Empire : en 1868, il n’existe qu’une école publique de garçons et aucune école publique de filles. Ils laissent la charge du primaire aux Frères des écoles chrétiennes, en leur accordant une subvention. Non seulement ces écoles des Frères rendent des services mais, pour reprendre le point de vue d’Évariste Colombel, maire de Nantes en 1850, « elles exonèrent la caisse municipale [des] dépenses majeures qu’elle aurait à supporter pour la création et l’entretien annuel d’un nombre d’écoles publiques communales en rapport avec les besoins de la cité ».

À l’inverse, l’enseignement primaire supérieur n’est jamais abandonné, malgré les critiques récurrentes dont il est l’objet de la part des défenseurs du lycée comme des Frères des écoles chrétiennes. L’école primaire supérieure de Nantes, la première créée en France en 1834, reçoit le soutien constant de la ville et de son maire, Ferdinand Favre, qui nomme les directeurs et veille scrupuleusement à ce que le programme accorde une part importante à l’enseignement de la chimie.

Le temps des écoles publiques

Il faut attendre le début des années 1870 pour que le monopole des Frères des écoles chrétiennes soit remis en cause et que l’éducation populaire devienne une priorité pour les républicains les plus avancés. Ce revirement brutal donne lieu à une forte mobilisation des défenseurs des écoles religieuses qui s’opposent aux programmes de constructions scolaires, portés par les maires républicains (Leloup, Lechat, Normand) et à la laïcisation de quelques écoles privées. 

Portail de l'école publique des Garennes

Portail de l'école publique des Garennes

Date du document : 1993

La période devient favorable aux écoles publiques. Plus que par le passé, les décisions nationales (les lois Bert, Ferry, Goblet des années 1880) sont suivies d’effets au niveau local : les budgets de l’enseignement primaire augmentent et la fréquentation scolaire s’améliore. La promotion d’une culture de l’école primaire, avec une extension des matières prévues au programme (chant, gymnastique, leçons de choses) et la création de nouveaux services (bibliothèques scolaires, cours du soir, caisse des écoles) aident à convaincre la population des bienfaits de la République.

Dessin,  <i>L'école publique de Saint-Joseph-de-Porterie</i> 

Dessin,  L'école publique de Saint-Joseph-de-Porterie 

Date du document : 1900

À la différence des campagnes, où les écoles religieuses sont en situation de monopole, les écoles publiques de la ville de Nantes accueillent plus de 40% des élèves dès la fin des années 1880, puis 60% au début du 20e siècle. André Siegfried, dans son Tableau politique de la France de l’Ouest (1913), indique que Nantes est « un îlot moderne au milieu d’un océan d’Ancien Régime ».La réalité est plus nuancée. Les trente premières années de la Troisième République permettent de faire évoluer la situation au bénéfice de l’enseignement public mais les écoles privées restent encore particulièrement bien implantées en ville.

Ecole publique François-Dallet

Ecole publique François-Dallet

Date du document : 01-09-2012

La stabilisation

La question de l’enseignement primaire continue d’alimenter la vie politique locale au 20e siècle. La défense de la laïcité et la volonté de faire progresser l’école publique mobilisent toujours radicaux et socialistes mais, dès les années 1900, l’élan républicain initial fait place à un point de vue plus pragmatique : le rôle des élus dans les décisions de construction et d’aménagement scolaires diminue car l’État définit les besoins, fixe les plans, détermine les budgets. Dans ces conditions, les élus limitent les dépenses et développent des actions spécifiques, comme les cantines (Guist’hau), l’accueil périscolaire ou les colonies de vacances. De leur côté, les catholiques n’ont pas renoncé à conserver un rôle important dans l’enseignement primaire et les écoles religieuses se relèvent sans trop de dommages des lois du début du siècle sur les congrégations. Après 1945, avec le soutien de la droite locale (en particulier sous les mandats d’Henry Orrion) puis de l’État qui leur reconnaît une place nouvelle (loi Debré de 1959), elles parviennent à faire face aux évolutions démographiques qui amènent à l’école des générations plus nombreuses.

Ecole primaire Longchamp

Ecole primaire Longchamp

Date du document : 28-10-2012

Affichette,  <i>Fête de l'enseignement</i> 

Affichette,  Fête de l'enseignement 

Date du document : 19-06-1904

Cours de gymnastique dans la cour de l'école des garçons, boulevard de la Fraternité

Cours de gymnastique dans la cour de l'école des garçons, boulevard de la Fraternité

Date du document : 02-08-1914

Cahier d'écolier

Cahier d'écolier

Date du document : 1916-1917

La répartition des élèves entre écoles publiques et écoles privées nantaises est assez proche aujourd’hui de ce qu’elle était au début du 20e siècle, avec 70% des élèves dans le public et 30% dans le privé. Cela n’a pas empêché la « guerre scolaire » de connaître encore de riches heures au cours des trente dernières années, avec notamment les grandes manifestations de 1983 (100 000 manifestants pour l’école privée en octobre et 100 000 manifestants pour l’école laïque en novembre). Mais les passions se sont progressivement apaisées : l’existence de deux catégories d’établissements n’est plus discutée et la question de la laïcité s’est elle-même déplacée sur d’autres sujets que le choix de l’école, en tout cas en ville, car un mouvement est apparu dans les campagnes depuis quelques années pour obtenir l’ouverture ou la réouverture d’écoles publiques.

Marc Suteau
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

Cours de morale, école de la rue Deshoulières

Cours de morale, école de la rue Deshoulières

Date du document : 1918

Cours de sciences, école de filles du boulevard des Poilus

Cours de sciences, école de filles du boulevard des Poilus

Date du document : 1939

Groupe scolaire Aimé Cesaire

Groupe scolaire Aimé Cesaire

Date du document : 19-02-2013

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En savoir plus

Bibliographie

Chalopin Michel, L'enseignement mutuel en Bretagne : quand les écoliers bretons faisaient la classe, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011

MacéFrançois, Les écoles primaires de Nantes : petite histoire événementielle et illustrée des créations scolaires depuis 1800, ACMANELA, Nantes, 2015

Maître Léon, « L'instruction primaire à Nantes avant 1789 », Revue de Bretagne et de Vendée, t. 35 (18e année, 4e série, t.5), 1er semestre 1874

Peneff Jean (dir.), Autobiographies d’enseignants d’écoles publiques et privées : catholiques ou patronales, Laboratoire d'études et de recherches sociologiques sur la classe ouvrière, Nantes, 1987 (Les Cahiers du Lersco, n°8)

Suteau Marc, Une ville et ses écoles : Nantes, 1830-1940, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 1999

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Laïcité République École

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Rédaction d'article :

Marc Suteau

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