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Victoire Durand-Gasselin-Friesé (1908 - 1998) Pierre Boaistuau (1517 – 1566)

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Aménagements portuaires du 19e siècle (6/7)


L’apparition des ports secondaires du réseau portuaire nantais a durant longtemps été déterminée par l’exploitation des ressources du fleuve et de ses rives, et leur mise en relation avec un arrière-pays rural. Leur maintien dans le temps repose sur le dynamisme des échanges à une échelle locale, rarement régionale.

Les ports secondaires face à l'augmentation du trafic fluvial et maritime

Tout au long du 18e siècle, l’augmentation du trafic sur le bassin de navigation du réseau portuaire nantais, entraîne une augmentation d’échelle des échanges. Certains petits ports s’affirment comme des carrefours entre des voies maritimes, fluviales et terrestres. Ils permettent d’acheminer par voie d’eau les marchandises produites depuis l’hinterland vers le grand port de Nantes. D’autant plus que le franchissement du fleuve n’est encore seulement possible qu’au niveau de la ligne des ponts à Nantes.

Aussi, dès les premières décennies du 19e siècle, plusieurs ports de l’aire métropolitaine aval opère ou intensifie une spécialisation fonctionnelle de leurs activités portuaires. Les ports des villages de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau (Boiseau, La Rivière et La Télindière), disséminés le long du bras de Boiseau et peuplés par de nombreux herbagers exploitant les prairies des îles et des rives du fleuve, affirment leur spécialisation dans le stockage et le commerce du foin. Une partie de ces récoltes est directement acheminée à Nantes par des « bateaux de foin », des embarcations à fond plat adaptées au transport de ce type de marchandise comme les toues ou les plates.

Le port de la Télindière se distingue dans l'exportation de produits issus d'une industrie locale de transformation du roseau des îles de Loire et dont l'activité se concentre au village de la Télindière. Cette industrie repose sur la confection de nattes en roseau appelées « courtines », largement utilisées depuis les 17e et 18e siècles, pour l'emballage et la conservation des denrées périssables stockées dans les cales des navires.

Plus en amont, le village de Port-Lavigne sur la commune de Bouguenais continue d’être le centre d’un commerce actif de marchandises en provenance du Pays de Retz (sel et vin), sans compter les autres marchandises produites localement et exportées vers le port de Nantes (foin, roseau, bétail, sable).

Photographie aérienne de l'écart de Port-Lavigne et de l'étier de Bouguenais

Photographie aérienne de l'écart de Port-Lavigne et de l'étier de Bouguenais

Date du document : 18-02-2020

Sur la rive nord, d’anciens avant-ports de Nantes progressivement déclassés durant la seconde moitié du 18e siècle, connaissent un essor de leur trafic portuaire par l'implantation d’industrie à proximité de la Loire. C’est le cas du port de Couëron avec l'établissement d’une verrerie dès 1784 et de Basse-Indre où des forges sont construites en 1823 en aval du bourg, à l’emplacement d’anciens chantiers de construction navale.

D’autres sites portuaires conservent leur fonction de passage sur la Loire et de mise en communication des deux rives. Ainsi, dès le début du 19e siècle, le binôme Port-Launay – Le Pellerin, en aval de Nantes, est confronté à des problématiques de sécurité liées à la trop grande fréquentation du passage d’eau. En effet, ce passage constitue alors le seul point où l’on puisse traverser le fleuve entre Nantes et Paimboeuf, en particulier pour le passage du bétail que l’on élève sur les vastes prairies des deux rives.

Plan d'alignement pour plantation des rives, Port-Launay

Plan d'alignement pour plantation des rives, Port-Launay

Date du document : 1855

En amont de Nantes, les ports ne semblent pas connaître cette dynamique de spécialisation fonctionnelle sous l’influence de l’essor commercial du port de Nantes. Seuls les ports de Thouaré et de Mauves entretiennent leur ancienne fonction de passage vers les ports de la rive sud. Que ces sites se spécialisent ou qu’ils maintiennent des fonctions multiples au caractère bien souvent saisonnier, ils apparaissent très vite inadaptés face à l’augmentation du trafic au sein du réseau portuaire nantais.

Durant les premières décennies du 19e siècle, ces ports secondaires demeurent constitués d’une simple grève submersible comme lieu d’échouage pour les petites embarcations à fond plat. Mais à partir des années 1830, plusieurs conseils municipaux relaient auprès de l’administration des Ponts et Chaussées, les réclamations et les plaintes des diverses communautés riveraines (agriculteurs, pêcheurs, marins) dont les activités sont largement dépendantes des échanges et des communications par voie d’eau.

Ainsi en 1837, un projet prévoyant la construction d’un môle, de cales et de murs de quai au port du Pellerin est dessiné afin d’améliorer « le chargement et déchargement des navires et bateaux ». Avant la construction de ces ouvrages, le port du Pellerin était simplement formé d’une longue plage s’étendant le long du bourg et bordée par les terrasses des maisons construites au pied du coteau. Des chaussées en empierrement constituaient les seuls équipements rudimentaires liés à la fonction portuaire du site.

Plan du port du Pellerin

Plan du port du Pellerin

Date du document : 1897

En 1846, le conseil municipal de Couëron, appuyé par le sous-préfet de Savenay, sollicite le soutien de l’administration des Ponts et Chaussées pour la construction d’une cale en tablier de 80 mètres de long devant le bourg. Pourtant, les ingénieurs du Service spécial de la Loire estiment alors que « l’importance des intérêts en souffrance n’est point assez grande pour motiver, à elle seule, une telle dépense de l'administration ». Et à l’ingénieur en chef Jégou d’ajouter dans son rapport : « Nous avons peu d’espoir de voir jamais réaliser un grand mouvement commercial dans cet endroit ; et nous ne proposerions certainement pas l’établissement de travaux, quelque minimes qu’ils fussent, si nous n’avions en vue l’emprisonnement définitif des sables dragués. Pour nous, les quais que l’on exécutera en aval de l’enracinement de la digue, seront de simples lieux de dépôts pour les produits de dragages ». Les travaux d’amélioration du port de Couëron furent donc envisagés, dès l’origine, comme une conséquence des dragages du lit du fleuve pour en améliorer sa navigabilité. C’est donc par l’appropriation et la réutilisation des produits de dragages que l'administration des Ponts et Chaussées consent à créer des cales et des quais au port du bourg de Couëron. Cette position est confirmée en août 1867 dans un rapport de l’ingénieur sur les quais de Couëron : « Si ce quai n’avait d’autre utilité que d’améliorer le port de Couëron, j'hésiterais à proposer de le construire aux frais de l’État. Mais il se trouve dans la catégorie des ouvrages que nous exécutons depuis 20 ans devant les villages riverains du fleuve, dans le but principal d’employer les volumineux produits des dragages. Ces ouvrages ont été très utiles aux riverains. Ils ont transformé complètement les rivages, mais ils n’ont entraîné de la part de l’État, qu’une très faible dépense. »

Plan général d'amélioration du Port de Couëron

Plan général d'amélioration du Port de Couëron

Date du document : 1846

Ces premiers travaux d’amélioration des ports secondaires du réseau portuaire nantais modifient souvent radicalement le dessin et la configuration des rives. En 1854, des travaux sont entrepris sur le rivage du bourg de Basse-Indre pour la construction d’une cale en tablier et d’un quai. Ce dernier est remblayé au niveau des crues les plus élevées et donc, de fait, bien plus élevé que la plage submersible faisant jusque-là office de port. Ces travaux d’exhaussement et de terrassement du quai eurent pour conséquence d’enfouir plusieurs maisons de presque 1 mètre en-dessous du niveau de la nouvelle chaussée. Plusieurs habitants demandèrent des indemnités afin de surélever leur maison.

Plan relatif à l'achèvement des quais de Basse-Indre

Plan relatif à l'achèvement des quais de Basse-Indre

Date du document : 1861

Les demandes de travaux utilisent bien souvent l’argument que la construction de nouvelles infrastructures portuaires contribue à embellir les différentes localités. Elles sont envisagées comme un moyen de donner de la valeur aux terrains au droit desquels ces travaux seraient exécutés, et peut-être même, à favoriser l’établissement de nouvelles industries.

Ainsi, l’étude des sources disponibles permet d’observer une véritable campagne d’aménagement, d’adaptation et d’entretien des infrastructures des ports secondaires de l’aire portuaire nantaise par l’administration des Ponts et Chaussées. 

Sur près d’une cinquantaine d’années, soit des années 1840 à 1890 environ, ces petits ports ne constituent plus seulement de simples lieux d'interface entre des voies maritimes, fluviales et terrestres dans le cadre d’échanges locaux, mais deviennent des espaces véritablement adaptés à leur fonction portuaire par la mise en place d’équipements et d’aménagements dédiés (cales, quais, chaussées, terre-pleins). La plupart de ces anciens ports pouvant être qualifiés de forains ou saisonniers s’inscrivent désormais, par leurs infrastructures, dans le paysage rivulaire.

Toutefois, les moyens mis en œuvre dans cette dynamique d’évolution des ports secondaires semblent se concentrer sur des sites en aval du port de Nantes, et plus largement à l'échelle de l’estuaire de la Loire. En amont, seul le port de Mauves, situé sur la rive nord, connaît d’importantes campagnes d’aménagement. D’abord en 1852 avec la construction d’une cale double à tablier haut, puis d’un quai pavé formant le musoir de culée du pont de Mauves au début des années 1880.

Mauves : le port, le côteau et la Loire

Mauves : le port, le côteau et la Loire

Date du document : Fin du 19e siècle

De manière quasi-systématique, les demandes formulées par les communes riveraines sont examinées, instruites puis acceptées si elles participent aux intérêts du commerce maritime du grand port de Nantes et qu’elles ne nuisent pas aux intérêts de la grande navigation sur le chenal. Il existe des intérêts, souvent contradictoires, de l’État, du département de la Loire-Inférieure, des représentants d’industrie et des conseils municipaux, durant le dernier quart du 19e siècle. L’État tend à se désengager des travaux d’amélioration et d’entretien des petits ports, au profit de projets industrialo-portuaires plus conséquents à l’échelle de l’estuaire.

Suite Ports de Nantes au 20e siècle (7/7)

Julie Aycard, Julien Huon
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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