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Révolution de Juillet 1830 (1/2) Habiter Bellevue : 1960-2000

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Résistance


Compagnon de la Libération, Nantes entretient son capital symbolique de ville résistante, et nourrit une mémoire prenant le pas sur une histoire plus complexe.

À Nantes comme ailleurs

La Résistance nantaise est précoce, comme dans d’autres villes. Dès l’arrivée des Allemands le 19 juin 1940 et les premiers jours de l’occupation, des actes de sabotage, souvent symboliques, sont spontanément perpétrés. Les câbles téléphoniques de l’armée allemande sont une cible privilégiée. Pour réduire à néant les tentations patriotiques, les autorités allemandes mettent en place un système d’otages, qui doivent venir passer la nuit à l’hôtel de Vendée. Des amendes sont imposées à la Ville, des civils sont réquisitionnés pour la garde des objectifs visés, mais ces sanctions, collectives, restent relativement mesurées.

Au-delà de ces actes individuels spontanés, des groupes de résistance locaux tentent de s’organiser dans les premiers mois de l’occupation. Le premier est celui des anciens combattants animé par Léon Jost, Alexandre Fourny, Fernand Ridel qui, sous couvert d’aide aux prisonniers de guerre, met en place un réseau d’évasion. D’autres groupes, tel Nemrod qui se structure dès le mois de septembre 1940 autour de Jean Le Gigan, ou Bocq-Adam, pratiquent le renseignement et l’exfiltration des soldats alliés. Ces groupes ont des effectifs réduits et parfois communs. Ainsi Marin Poirier, cheminot, devient membre du Comité d’entente des anciens combattants. Il appartient aussi au réseau Bocq-Adam et participe à des actions directes contre l’occupant. Arrêté le 15 janvier 1941, en possession de documents compromettants, il est d’abord condamné par le Conseil de guerre allemand à quatre ans et demi d’emprisonnement. Après avoir fait appel, il voit sa peine aggravée par la cour martiale qui prononce la peine de mort. Marin Poirier est fusillé, le 30 août 1941, au champ de tir du Bêle. Il est le premier résistant exécuté dans la ville.

À l’automne 1940, la présence de mouvements nationaux, tel Libération, puis Libération-Nord en 1941, dessine une nouvelle étape : celle d’une Résistance plus structurée, plus organisée, mais aussi reflet de sensibilités idéologiques diverses. Les communistes, dont le parti a été dissous en 1939, sont très peu nombreux à Nantes en juillet 1940 quand Marcel Paul engage la réorganisation locale. La ligne officielle renvoie dos à dos Alliés et Allemands, mais des militants passent outre les consignes et s’engagent dans la lutte contre l’occupant. L’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941 change la situation. Le PCF crée le Front national pour l’indépendance de la France, les premiers tracts sont distribués à Nantes en juillet. Il prône dorénavant l’action armée contre l’occupant.

Le tournant d’octobre 1941

Un tournant est définitivement pris le 22 octobre 1941 avec l’exécution de cinquante otages (en réalité 48), en représailles à celle de Karl Hotz, commandant de la place de Nantes, abattu en pleine rue, le 20 octobre, par Gilbert Brustlein, accompagné de Spartaco Guisco et Marcel Bourdarias, trois jeunes résistants communistes parisiens. La nouvelle de l’exécution des otages choque profondément l’opinion publique. Elle marque une étape dans la perception que les Nantais ont des Allemands, jusque-là jugés « corrects ». Dès le mois de novembre 1941, le général de Gaulle élève Nantes au titre de ville « Compagnon de la Libération ». Elle est ainsi distinguée non pour un acte qu’elle a voulu, mais pour une répression qu’elle a subie. La violence exercée par les Allemands, avec l’aide de la police française, à l’encontre des « terroristes » ne dissuade pas les résistants. Le premier semestre 1942 est sans doute la période la plus intense ; le préfet note en mai : « Durant ces 15 derniers jours, un acte de sabotage était enregistré en moyenne quotidiennement. »

La répression s’accentue encore. En 1943, les traques contre les résistants prennent une ampleur sans précédent. De grands procès se déroulent alors à Nantes, tels celui « des Quarante-Deux », en janvier 1943, le plus grand procès de Francs-tireurs et partisans de la Seconde Guerre mondiale en France, au terme duquel trente-sept résistants sont condamnés à la peine capitale, et le « procès des Seize », en août de la même année.

En 1944, les membres des antennes liées au mouvement Libération, notamment les cadres de l’Armée secrète et de l’Action renseignements, sont arrêtés. Ces arrestations décapitent la Résistance nantaise. Dans le même temps, les Allemands tentent de lutter contre la création de regroupements, essentiellement dans les zones rurales, de jeunes hommes qui, pour échapper au Service du travail obligatoire, prennent le maquis. Celui de Saffré, d’abord organisé par Valentin Abeille, membre des Forces françaises de l’intérieur, regroupant plus de 320 membres au nord de Nantes, est réduit par une intervention « coup de poing » le 28 juin 1944. Les autorités allemandes réalisent là leur dernière grande opération contre la Résistance sur le territoire nantais avant de quitter définitivement la ville et sa région proche le 12 août 1944. Depuis le 25 juin, le Conseil départemental de Libération a décidé la création de six bataillons FFI. Nantes est doté du 5e bataillon, qui contribue à faire entrer les Alliés dans la ville.

Le bilan humain de la Résistance à Nantes est lourd, évalué à 498 fusillés et morts en déportation. Parmi ces victimes, la Ville a surtout rendu hommage aux Cinquante otages d’octobre 1941 qui l’ont hissée dans le panthéon des villes résistantes. Elle a choisi une mémoire du « martyre » qui exalte le sacrifice de victimes venant d’horizons différents, la solidarité d’une population rassemblée autour de ses notables. Cette mémoire de la douleur a longtemps empêché la remémoration collective d’autres actes commis contre les Allemands par des résistants, peu nombreux à Nantes comme ailleurs.

Krystel Gualdé
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteur réservés)

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En savoir plus

Bibliographie

Belser Christophe, Bloyet Dominique, Nantes et la Loire-Inférieure : les années noires, Patrimoines médias, 2014

Bloyet Dominique, Nantes : la Résistance, Ed. CMD, 1997

Haudebourg Guy, Liaigre Franck, « La résistance communiste en Loire-Inférieure (juin 1940 - juin 1944) », dans Bougeard, Christian (dir.), Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Centre de recherche bretonne et celtique, 2002, p. 89-102

Prin Sabine, Les socialistes et la Résistance en Loire-Inférieure, L’Ours, 2008

Sauvage Jean-Pierre, Trochu Xavier, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945 : déportés politiques déportés résistants, Comité de recherches historiques sur la persécution et la répression allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, 2001

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