
Médailles de Notre-Dame-de-Bon-Secours (église Sainte-Croix)
Notre-Dame-de-Bon-Secours compte parmi les « madones nantaises » les plus vénérées de la cité. Outre ses statues, plusieurs objets témoignent de la dévotion particulière portée à la protectrice de Sainte-Croix et du Bouffay.
L’histoire mouvementée de la statue
La petite chapelle située sur l’île de la Saulzaie (devenue l’île Feydeau), à l’angle de l’allée Turenne et de la rue Bon-Secours, fut le siège d’un important pèlerinage dédié à Notre-Dame-de-Bon-Secours du 15e siècle à la Révolution. Là, les fidèles venaient nombreux prier une petite statue de la Vierge à l’Enfant. Sauvée de la destruction en 1793, cette statue médiévale fut cachée par des paroissiens, puis secrètement conservée par leurs descendants jusqu’en 1920 date à laquelle elle fut restituée à la paroisse. D’abord déposée dans les sous-sols de la cathédrale, elle fut réinstallée en 1945 en l’église Sainte-Croix, dans une petite niche située à gauche de l’autel dédié à Notre-Dame-de-Bon-Secours. Quant à la chapelle de l’île Feydeau, reconstruite en 1777, elle fut saisie et vendue en lots durant la Révolution. Convertie en logements et en boutiques, le bâtiment s’est progressivement dégradé jusqu’à sa rénovation récente.
Malgré la disparition de la statue et la fermeture de la chapelle, les Nantais restèrent attachés à Notre-Dame-de-Bon-Secours dont le pèlerinage « reprit dès le début du 19e siècle en l’église Sainte-Croix où la Neuvaine de prières fut rétablie en 1852 ». En 1863, une nouvelle statue est exécutée par le sculpteur Émilien Cabuchet (1819-1902), spécialiste de la statuaire religieuse. Après avoir été positionnée à divers endroit de l’église, cette statue est installée en 1903 dans la niche qu’elle occupe encore aujourd’hui. Cette belle sculpture en marbre est inscrite au patrimoine depuis 2015.

Vierge à l’Enfant de l’église Sainte-Croix
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Objets de dévotions
Les nombreux ex-voto qui tapissent les murs de l’église Sainte-Croix ne sont pas les seuls témoins de la dévotion particulière dont la nouvelle statue de Notre-Dame-de-Bon-Secours fait l’objet depuis plus d’un siècle et demi.

Ex-voto des murs de l’église Sainte-Croix dédié à Notre-Dame-de-Bon-Secours
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En effet, il existe aussi une petite médaille argentée représentant à l’avers la statue d’Émilien Cabuchet entourée de la légende N. D. DE BON SECOURS PRIEZ POUR NOUS. Le revers porte quant à lui la mention PAROISSE DE STE CROIX A NANTES autour d’une vue de la façade principale de l’église. Cette médaille faisait partie de ces petits objets de piété destinés à être vendus comme souvenir aux pèlerins visitant les lieux saints. La médaille ainsi ramenée constituait ensuite pour l’« acheteur-fidèle » le support de ses prières.

Médaille de Notre-Dame-de-Bon-Secours
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Même si cette médaille n’est pas signée, il est possible d’en déterminer l’origine : elle a été produite à Saumur par la société Mayaud frères.

Atelier de frappe de la Maison Ouvry Fils Aîné
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Le 9 décembre 2019, l’intégralité du fonds technique de Mayaud frères, un véritable trésor industriel, fut vendu aux enchères. Parmi les lots, 40 000 matrices servant à la frappe de médailles religieuses furent dispersées. L’une d’elles a servi à frapper la médaille présentée plus haut. Il s’agit d’une matrice gravée en creux, appelée coin. Placé dans une presse monétaire, appelée balancier, le coin permet de marquer le métal de l’empreinte de la médaille.

Matrice de la médaille de Notre-Dame-de-Bon-Secours
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Pour son fabricant, la production d’une médaille n’avait pas d’autre but que de tirer profit de la vente de cet article. Or, il faut garder à l’esprit deux choses : d’une part, la production de médailles coutait relativement cher, car les étapes étaient nombreuses et fastidieuses ; d’autre part, les médailles étaient des articles qui se vendaient à des prix très modestes. Aussi, la rentabilité d’une telle production n’était assurée que par un volume de ventes conséquent. De facto, cette petite médaille présentée ici est une preuve matérielle de la popularité du pèlerinage à Notre-Dame-de-Bon-Secours de Nantes, car seule une affluence conséquente a pu motiver l’entreprise Mayaud frères. Nul doute que des milliers d’exemplaires de cette médaille furent frappés. Pourtant, il n’en subsiste aujourd’hui que de très rares spécimens.
L’examen précis de la représentation de la statue permet d’affirmer que cette médaille est datable de la fin du 19e siècle, bien avant 1932 en tous cas. En effet, sur la médaille, la statue ne porte pas la couronne dont elle fut parée le 26 juin 1932 par Monseigneur Le Fer de la Motte, évêque de Nantes.

Vierge à l’Enfant de l’église Sainte-Croix couronnée le 26 juin 1932
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Le couronnement
En signe de la dévotion particulière dont Notre-Dame-de-Bon-Secours faisait l’objet, ses statues, la médiévale et celle de Cabuchet, furent distinguées par un couronnement canonique, une distinction accordée par le pape en personne. Le couronnement canonique est interprété comme une marque de confiance dans l’intercession auprès de Dieu que la statue réalise pour les fidèles qui la vénèrent.
Le couronnement d’une statue sainte est un grand événement populaire qui rassemble toujours de nombreux fidèles et beaucoup de représentants du clergé.
Ce fut le cas à Nantes comme l’a titré le journal L’écho de la Loire le lendemain des solennités : « dans la ville en fête, les cérémonies du couronnement de Notre-Dame-de-Bon-Secours se sont déroulées avec un éclat majestueux au milieu d’une foule innombrable de pèlerins (édition du 27 juin 1932). La grand-messe se déroula durant la matinée en la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul en présence, notamment, de Monseigneur Gaillard, archevêque de Tours, des évêques de Nantes, de Laval, de Luçon, de Diego-Suarez (actuelle Antsiranana à Madagascar) et de l’abbé de Bellefontaine (Bégrolles-en-Mauges). Les autorités civiles étaient également venues nombreuses : l’Assemblée nationale était représentée par Jacques Le Clerc de Juigné, député du Pays de Retz ; le Sénat par Jean Babin-Chevaye ; le Conseil Général de Loire-Inférieure par François Le Cour de Grandmaison ; la Ville de Nantes par Arsène Antoine, conseiller municipal (il était également vice-président départemental de la Confédération française des travailleurs chrétiens).
Le couronnement des statues fut « l’instant principal de la journée. Crosse en main et mitre en tête, Mgr Le Fer de la Motte, après les incantations rituelles a saisi les pesants diadèmes, resplendissants des feux de leurs pierreries […] il couronne d’abord la vieille statue du 15e siècle, et puis la copie de celle de Cabuchet » (L’écho de la Loire du 26 juin 1932). Précisons que les précieuses couronnes avaient été exécutées par un orfèvre nantais : Auguste Evelin (L’écho de la Loire du 25 juin 1932), dont la boutique était installée 14-16 rue de la Marne. À l’issue de la messe, les statues couronnées furent portées à travers les rues et les ruelles décorées jusqu’à rejoindre le quartier du Bouffay et l’église Sainte-Croix où les vêpres furent célébrées.

Couronnement de Notre-Dame-de-Bon-Secours le 26 juin 1932
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Les paroissiens de Sainte-Croix participèrent aussi à la procession auprès des dignitaires de l’Église. Pour un tel événement, les paroissiens du Bouffay exhibèrent leurs bannières, mirent leurs plus beaux costumes et arborèrent tous un insigne à l’effigie de la statue couronnée. Cet insigne, spécialement réalisé pour l’occasion, est l’œuvre du médailleur lyonnais Adolphe Pénin dont la signature AP apparait à droite de la statue couronnée. Depuis trois générations déjà, la Maison Pénin éditait de très nombreuses médailles, elle était un grand concurrent des industriels saumurois.

Insigne du couronnement de Notre-Dame-de-Bon-Secours
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De marbre ou de métal, nombreuses sont les marques de la dévotion à Notre-Dame-de-Bon-Secours, « petite Madone de la Saulzaie, protectrice de Sainte-Croix et de Nantes » (L’écho de la Loire du 26 juin 1932).
Gildas Salaün
2025
En savoir plus
Bibliographie
Bouillat J.-.M J., « Émilien Cabuchet, statuaire (1819-1902) », Les contemporains, n°856, 1909
Abbé Lagrange, Manuel pour la neuvaine de Notre-Dame-de-Bon-Secours, Nantes, 1853
Pouille Jordan, « Dévotions et liquidation », La Vie, n° 3880, 9 janvier 2020, p. 14-19
D. A. C. C. Anjou Travail, Saumur, du chapelet d’hier à la médaille d’aujourd’hui, Longué, 1984
Webographie
Notice de la statue de la Vierge à l'Enfant dite Notre-Dame de Bon Secours sur la plateforme POP
« Les patenôtriers au cœur des Ardilliers » sur le site internet du Kiosque
« L’histoire méconnue des patenôtriers de Saumur » sur le site internet du Ouest-France
« Orfèvres Évellin » sur Wikipédia
De Penin à Penin, quatre générations de Graveurs Lyonnais
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Ancienne chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours
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Rédaction d'article :
Gildas Salaün
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