Lotissement des Bruyères
Le lotissement des Bruyères est achevé en 1973 dans le but de reloger des habitants des baraquements provisoires situés dans le parc du Grand Blottereau. Les petites maisons ont depuis été détruites à partir de 2009 pour laisser place à de nouveaux aménagements.
Un programme pour reloger les habitants du Grand Blottereau
Achevé en 1973, le lotissement « Les Bruyères » est la dernière opération concernant le relogement des habitants des baraquements à Nantes. Il se composait de 99 logements PLR (Programme à loyer réduit), 76 individuels et 23 collectifs, situés rue de Brest, rue du Guilvinec, rue de Morgat et rue de Camaret. Les plans dessinés par les architectes Georges Evano et Jean-Luc Pellerin révèlent un niveau de prestation modeste, lié au faible financement.
En mai 1971, le ministère de l'Équipement accorde un crédit pour la résorption de l'habitat insalubre, « en vue de la réalisation d'une cité de transit destinée au relogement d'occupants des baraquements du Grand Blottereau ». Deux terrains sont proposés par la Ville de Nantes. Une première option est envisagée à la Petite-Sensive. Elle n’est pas retenue du fait de la proximité du lotissement de La Rivière et d'une campagne de presse tendancieuse sur les problèmes posés par les habitants du Grand Blottereau. Les cités de transit sont finalement réalisés aux Bruyères et au Clos-Toreau.
Un lotissement en marge de la ville
Aux Bruyères, l'emplacement choisi est particulièrement isolé au milieu des champs, sans moyen de communication avec le quartier. L’aménagement d’un cimetière, d’une autoroute et d’une maison d'arrêt est planifié à proximité.
« L'isolement physique est d'autant plus accentué que la ligne de bus s'arrête au Chêne-des-Anglais et qu'il n'existe aucune cabine téléphonique. Le premier jour que j'y suis allé, il n'y avait qu'un chemin de terre avec des ornières, on y est allé à pied avec des bottes. Le conseil d'administration s'est dit : ce n'est pas possible de laisser parquer cette population avec une seule voie d'accès. Aussi l'Office a pris la décision d'acquérir les terrains du Bout-des-Landes pour désenclaver les Bruyères afin d'y réaliser d'autres logements et une autre voie d’accès ». (Témoignage d’un responsable des HLM cité dans l'étude du Centre d’études techniques de l’équipement (CETE) de 1984)
Cette impression d'avoir été rejetés « au bout du monde » n'a pas facilité la transplantation autoritaire des habitants du Grand Blottereau aux Bruyères. Bien sûr, les nouveaux logements en béton des Bruyères sont plus confortables que les baraquements en bois dégradés. En contrepartie, les habitants ont perdu les relations sociales qu'ils avaient au Vieux-Doulon. Ils ont le sentiment d'être exclus de la ville. Beaucoup de familles, découragées par le manque de moyens de transport, ne sortent même pas de leur lotissement et se ravitaillent, au prix fort, auprès des commerçants ambulants.
La composition sociologique, les barrières naturelles, le type d'urbanisation et les difficultés de liaison qui caractérisent le lotissement des Bruyères font que ses habitants se sentent « à part de Nantes ».
La cohabitation avec les ferrailleurs
Très rapidement, le problème des ferrailleurs accaparant les espaces libres par leur dépôt de ferraille divise les habitants des Bruyères. Les jardins sont petits et ne permettent pas aux ferrailleurs d'exercer leur activité : le tri et le stockage sont effectués sur les terrains libres de la cité, qui deviennent de véritables décharges incontrôlées.
À partir de 1978, les travailleurs sociaux et la municipalité engagent avec les habitants une concertation pour permettre aux ferrailleurs de travailler sans perturber l'environnement de l'ensemble des habitants. Après trois années de concertation avec l'élu référent du quartier, Maurice Milpied, les solutions suivantes sont proposées :
• Création d'une nouvelle cité au « Bois-Briand », route de Sainte-Luce, réalisée par la mairie et gérée par Nantes Habitat. Les habitants, logés dans des petites maisons individuelles, disposeront, à proximité, d'un terrain commun de 1400 mètres carrés équipé d'un hangar,
• Après le départ de la ferraille des Bruyères, la mairie et Nantes Habitat s'engagent à mener une opération d'aménagement des terrains libérés avec implantation de jeux et d'espaces verts.
Ce projet n'a jamais vu le jour. En effet, en 1983, la nouvelle municipalité (Michel Chauty) croit régler cette question en se limitant à l'aménagement d'un terrain route de la Chapelle-sur-Erdre, entre le futur golf et les jardins familiaux. La construction d'un hangar est abandonnée. Ce que redoutait les ferrailleurs est arrivé : n'habitant pas sur place et ne pouvant surveiller leur ferraille triée et stockée, ils ont été victimes de vols. Rapidement, on a vu les voitures à « ferrailler » revenir aux Bruyères autour de habitations pour y être démontées.
Il faut le changement de municipalité en 1989 pour que la question soit à nouveau posée. La cité est alors « nettoyée », les caravanes en surnombre sont déplacées, des espaces de jeux sont aménagés. Le petit collectif insalubre, inhabité depuis 1984, source de nuisances pour les riverains, est démoli en juin 1991. Cette opération provoque un changement spectaculaire dans ce qui est devenu une zone de « non-droit » et améliore la vie des habitants de la cité des Bruyères. La situation reste stable jusqu'en 2001. Un certain relâchement du contrôle laisse s'installer, à nouveau, quelques caravanes.
La reconstruction du lotissement
Dans le cadre des opérations de relogement des habitants des cités provisoires construites après la guerre, la construction du lotissement des Bruyères a été réalisée avec des moyens faibles. Malgré quelques opérations de réhabilitation menées par Nantes Habitat, il apparaît au début des années 2000 que ces habitations sont devenues insalubres (humidité des murs, isolation insuffisante...). Un état des lieux réalisé en 2004 aboutit à la conclusion que la seule solution à envisager est la destruction totale avant la reconstruction. Ce projet suscite beaucoup d'interrogations de la part des habitants des Bruyères, certains craignent une hausse des loyers qui ne leur permettrait plus d'être relogés sur place.
Au printemps 2005, la démolition est décidée avec le projet de reconstruction. Cependant, la proximité de l'autoroute réalisée après le lotissement réduit l'espace constructible et ne permet pas l'implantation du même nombre de maisons. Tous les locataires ne peuvent donc pas retrouver un logement avec le jardin auquel ils tiennent tant.
Bon nombre d'habitants, estimant que l'état de délabrement des logements est le résultat du manque d'entretien par Nantes Habitat, veulent à tout prix une réhabilitation des locaux existants. À la crainte de laisser sa maison s'ajoute l'angoisse de quitter ses amis, ses voisins.
Les associations de locataires sont en première ligne pour défendre les « gens » des Bruyères. La réhabilitation n'ayant pu être obtenue, les discussions concernent les garanties pour le relogement temporaire, la prise en charge des frais de déménagement, le suivi de la reconstruction. Après de longues négociations, une charte est signée le 6 juin 2005 ; elle engage la Ville de Nantes et Nantes Habitat pendant toute la durée de l'opération, de la démolition au relogement.
Le nouveau quartier des Bruyères
La reconstruction du lotissement des Bruyères s’inscrit dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain comprenant également le secteur du Bout-des-Landes. Piloté par Nantes Métropole, cette opération poursuit plusieurs objectifs :
• Améliorer l’habitat existant par des rénovations de logements et l’embellissement des pieds d’immeubles,
• Diversifier l’offre de logements (le quartier accueille alors uniquement des logements sociaux appartenant à Nantes Habitat),
• Faciliter la circulation à l’intérieur du secteur et vers le grand quartier,
• Requalifier les espaces publics et les espaces verts,
• Dynamiser et rendre attractif le quartier.
La destruction du lotissement des Bruyères s’échelonne en plusieurs temps à partir de 2008, en fonction des rues concernées. Plusieurs projets sont entrepris sur les terrains libérés :
• Des promoteurs livrent 39 logements individuels et 4 immeubles comprenant 73 appartements, destinés à la location ou à l’accession abordable,
• En 2014, 30 parcelles de jardins familiaux et un verger, reliés par un cheminement doux aux jardins des Églantiers, sont inaugurées,
• Une cour artisanale regroupant une dizaine d’artisans est livrée en 2024 pour renforcer les activités économiques du quartier.
Francis Peslerbe, Noémie Boulay
Groupe Histoire des quartiers Nord de l’association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB) – Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2025
En savoir plus
Bibliographie
Peslerbe Francis, Association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB), Histoire des quartiers nord de Nantes. Entre Cens et Erdre, un quartier « mosaïque » des années 50 à aujourd’hui, livre 4, AASCEB, Nantes, 2007
Ressources Archives de Nantes
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Contributeurs
Rédaction d'article :
Francis Peslerbe, Noémie Boulay
Témoignage :
Madame B., Monsieur Poulain, Madame V.
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