Eugène, Louis et Alfred Godard

Le premier aéronaute de la famille Godard est Eugène (1827-1890). Issu d’une famille d’artisans originaire de l’actuelle Seine-Saint-Denis, il se destine à une carrière d’architecte lorsqu’il se découvre une passion pour les vols en aérostats en 1845. Il se lance alors dans une carrière professionnelle d’aéronaute et de constructeur de ballons.

Dès les années 1850, Eugène Godard sollicite la Ville de Nantes pour y mener des ascensions, qui participent à sa popularité croissante. Il propose notamment ses services pour la fête dédiée à l’empereur Napoléon III en 1858, finalement annulée. Après la guerre de 1870, il s’installe à Nantes avec son fils né en 1864, qui porte le même nom. Pour ce célèbre aéronaute, Nantes revêt en effet un avantage considérable. Elle est l’une des seules villes en France à disposer d’une alimentation en gaz et ce depuis 1837. La ville dispose également de nombreux terrains vastes. Ces deux éléments sont essentiels pour gonfler les aérostats et effectuer des ascensions.

Eugène Godard devient alors une véritable personnalité nantaise. Jules Verne écrit en 1874 à son sujet : « Une promenade aérienne et même un long voyage aérostatique n’offrent jamais de danger sous la direction d’Eugène Godard. Hardi, expérimenté, il sait où il va, il sait où il descendra, il choisit avec une perspicacité merveilleuse son lieu d’atterrissage. » Eugène Godard propose également de véritables spectacles, redoublant d’imagination. L’un d’entre eux consiste à embarquer dans le ballon des singes accrochés à de petits parachutes et lancés depuis les airs.

Eugène n’est pas le seul Godard de cette génération à s’investir dans l’aérostation. Les femmes de sa famille, ainsi que ses frères Louis (1839-1855) et Alfred (1838-1885), réalisent de nombreuses ascensions entre autres à Nantes. Ils créent ainsi une véritable tradition familiale perpétuée par leurs enfants respectifs. La popularité de la famille Godard leur permet de s’appuyer sur la confiance des autorités requérant leurs services. Leurs ballons se vendent dans le monde entier ! D’après leurs publicités, leur entreprise fondée en 1847 est considérée comme la plus importante et la plus célèbre au monde ! Ils construisent ainsi de nombreux et élégants aérostats pour leurs ascensions : rubans, soie ou encore ficelles décorent leurs ballons.

Les aéronautes de la famille Godard s’investissent également dans le domaine militaire. En effet, aux 19^e et 20^e siècles, les ballons sont des objets scientifiques, festifs mais également militaires. À ce titre, Eugène Godard s’engage auprès de l’Autriche à fournir l’empire en ballons en cas de conflit et il réalise plusieurs vols d’observation au-dessus de Paris lors de la guerre de 1870. Lors du siège de Paris à cette même date, la famille Godard fournit à la capitale 70 ballons pour la sortie des représentants et des membres du gouvernement ainsi que pour la poste aérienne.

La deuxième génération des aéronautes Godard

Le fils de Louis Godard s’implique de façon considérable dans l’aérostation. Il réalise plusieurs records scientifiques et sportifs et transporte de nombreuses personnalités au cours de ses vols au-dessus de la capitale, comme la célèbre actrice Sarah Bernhardt.

Eugène Godard fils réalise ses premiers vols avec son père. Il poursuit sa carrière d’aéronaute dans toute l’Europe. À l’occasion de l’Exposition de Barcelone de 1888, il effectue pas moins de 1742 ascensions, emmenant à son bord 21 000 personnes au total. Il acquiert une importante popularité et réalise plusieurs ascensions à Nantes.

Le 22 avril 1888, Eugène Godard fils s’envole de Nantes à bord de son ballon « Le Nouveau Monde », mesurant 1200 mètres cubes et capable de transporter quatre personnes. Pour cette occasion, le célèbre aéronaute, âgé seulement de 25 ans, est accompagné d’un étudiant en médecine du nom de William Frogier. En 1888, le public ne montre plus un aussi grand enthousiasme pour ce spectacle devenu fréquent. Pour autant, le seul nom de Godard et sa très grande réputation attire près de 6000 personnes venues assister à l’ascension. 

Le gonflement du « Nouveau Monde » n’est pas aussi simple qu’espéré. Il ne peut être gonflé qu’aux deux tiers en raison de la distance séparant l’usine à gaz du lieu de l’ascension. D’autre part, le vent complique les manœuvres, nécessitant l’assistance d’une vingtaine d’hommes afin de maintenir l’aérostat au sol. Eugène Godard supervise toutes ces opérations. Avec une heure de retard due aux différentes complications, l’aéronaute peut enfin lancer le départ. « Le Nouveau Monde » s’élève presque à la verticale, avant d’être rapidement emporté par le vent. Les deux passagers atteignent une hauteur de 2500 mètres. En raison des mauvaises conditions météorologiques, ils subissent un froid éprouvant, de l’ordre de -14°C à 3800 mètres d’altitude. Des chutes de neige les privent de toute étude scientifique. Ils se posent à Nozay, au nord de Nantes, après 1h30 de vol. Ce jour-là, ils parcourent l’équivalent de 45 kilomètres en 1h30, et subissent une différence de température de 34°C ! Eugène Godard, pourtant expérimenté, admet n’avoir jamais connu une ascension aussi éprouvante. 

Prestigieux aéronaute, Eugène Godard fils est reçu par d’éminentes personnalités et reçoit plusieurs récompenses, comme le « Diplôme d’Honneur » ou encore la « Croix d’Officier de Saint-Alexandre » remise en main propre par le prince d’Autriche François-Ferdinand. Il reçoit également le titre honorifique de « Chevalier de Medjidieh » de la part de Son Altesse le Khédive en 1895 au Caire, lors d’une ascension privée couronnée de succès, qui lui permet notamment d’être le premier aéronaute à pénétrer dans un palais oriental. Eugène Godard fils perpétue également le commerce de construction d’aérostats de sa famille. Ses constructions sont réputées dans le monde entier, tant pour leur sécurité que leur confort. 

La famille Godard laisse son empreinte sur l’histoire de l’aérostation, jouissant d’une popularité internationale. Ses membres réalisent de nombreuses ascensions et spectacles aéronautiques au travers la France et notamment à Nantes, l’une des villes les plus sollicitées par cette célèbre famille.

D’après les recherches d’Adeline Biguet, Archives de Nantes.

Léa Grieu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024