Jules Verne (1828-1905)
Jules Verne est sans doute la personnalité qui a donné son nom au plus grand nombre de lieux et édifices publics à Nantes. Malgré cette très grande visibilité et son universelle renommée, sa véritable personnalité et ses liens avec sa ville natale restent mal connus.
Portrait de Jules Verne
Date du document : 1882
Son père Pierre Verne, originaire de Provins, s’y était installé comme avoué en 1826, et avait épousé en 1827 Sophie Allotte de la Fuÿe appartenant à une lignée de négociants et armateurs. De l’île Feydeau aux coteaux de Chantenay, au sein d’une famille où l’on prisait fort les arts et les lettres, au milieu de ses frère et sœurs, de nombreux cousins et amis, il arpente les quais, embarque « par la pensée sur les sardinières, les chaloupes de pêche, les bricks, goélettes et trois-mâts » : l’« usine d’Indret, nos excursions sur la Loire et les vers que je griffonnais constituaient les trois principaux plaisirs et occupations de ma jeunesse ».
Creuset des premiers rêves, Nantes est aussi le lieu où ils viennent se fracasser sur l’indifférence de la bonne société. « Je pars puisqu’on n’a pas voulu de moi ; mais les uns et les autres verront de quel bois était fait ce pauvre jeune homme qu’on appelle Jules Verne ». En 1847, la quittant pour Paris à la recherche de la gloire littéraire autant que pour fuir les déconvenues sentimentales, il n’a pas de mots assez durs « cette inepte ville (…) habitée (…) par des crétins, des vachers, des albinos ». Durant les quinze difficiles années de bohème qui vont suivre, le lien sera maintenu par ses parents dont le soutien ne lui fera jamais défaut.
  Nouveau dictionnaire de versification et de poésie latines  
Date du document : 22-02-1845
Son mariage en 1857, et surtout la rencontre avec l’éditeur Hetzel en 1862 suivie des succès de librairie tant attendus, stabilisent cette âme tourmentée. Il retrouve le chemin de Nantes, et retrouve les grandes réunions familiales et amicales où retentit la gaieté d’antan. Lors de ces séjours réguliers, des romans aussi importants que De la Terre à la Lune ou Vingt mille lieues sous les mers sont en grande partie conçus et rédigés.
Auteur reconnu des « Voyages extraordinaires », auréolé de l’immense succès de librairie en 1873 du Tour du monde en quatre-vingts jours suivi en 1874 par le triomphe de l’adaptation théâtrale, Jules Verne n’est pas heureux en famille : le mariage de convenance s’est vite révélé mal assorti ; son fils Michel rejette toute autorité paternelle. Dans ce contexte il s’installe à Nantes de juin 1877 à septembre pour rechercher « le calme dans ce milieu d’une famille aussi unie que nombreuse ». Le conflit avec Michel ne s’apaisera pas, mais le romancier y trouvera l’inspiration pour Un Capitaine de quinze ans et Les Tribulations d’un Chinois en Chine. Il y achètera son dernier et plus beau bateau, le Saint-Michel III, dont Nantes restera jusqu’en 1886 le port d’attache d’où il partira chaque année pour ses plus grandes croisières.
S’ouvre ensuite « la série noire de ma vie » : attentat de son neveu Gaston qui le rend impotent pour le reste de ses jours ; difficultés grandissantes avec Michel qui compromettent sa situation financière et l’obligent à revendre le Saint-Michel III à perte ; mort d’Hetzel le 17 mars 1886. En février 1887 enfin il perd sa mère : « C’est le lien de toute notre nombreuse famille tout à fait rompu. Je n’ai pu me rendre à Nantes, car je marche bien difficilement ». Quelques mois plus tard, assez vaillant pour faire le voyage, il va régler la succession et vendre la maison de Chantenay.
Il ne reviendra plus à Nantes, mais le lien n’est pas rompu. En 1894 il charge son frère Paul de le représenter lors du lancement d’un voilier qui porte son nom, et accepte d’apporter son soutien au « monument à toutes les illustrations bretonnes ». De plus son frère continue à le conseiller pour ses romans maritimes les plus techniques comme L’Ile à hélice (1895). Il écrit alors les récits les plus marqués par son enfance nantaise : Le Superbe Orénoque (1898), qui nous entraîne de Chantenay–sur-Loire près Nantes jusqu’au Venezuela ; Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin (1901) où revivent les campagnes lointaines des baleiniers nantais et dont les protagonistes portent tant de noms nantais et même familiaux ; Bourse de voyage (1904) enfin qui met en scène le jeune Louis Clodion dont les parents sont armateurs au long cours à Nantes et l’oncle planteur aux Antilles.
Jules Verne meurt le 24 mars 1905 à Amiens, où il est enterré. Sa mémoire perdure également à Nantes et s’installe peu à peu dans le paysage urbain et culturel. En 1910 un monument commémoratif est érigé au Jardin des Plantes grâce à une souscription publique. Marguerite Allotte de la Fuÿe, nièce de l’écrivain, publie sa première biographie en 1928 pour le centenaire de sa naissance. En 1955 le cinquantenaire de sa mort est l’occasion de rappeler l’importance de son œuvre dans l’histoire culturelle et littéraire. Participant de « la construction de la mémoire nantaise » autant que de la redécouverte d’un écrivain qui sut dire les rêves de son temps et ouvrir à de nouvelles visions du monde en conjuguant la rigueur de la documentation et un fabuleux imaginaire poétique, la démarche permet de lui donner peu à peu toute sa place.
Musée Jules-Verne, côté Loire
Date du document : 20-03-2013
Depuis 1978 un musée lui est consacré sur la butte Sainte-Anne, là où le fleuve « devient la porte du large et le chemin de l’aventure » (Julien Gracq). La façade blanche baignée par la lumière du plein sud renvoyée par le fleuve, les chaînages de brique, les arcs surbaissés qui dessinent fenêtres et portes, la tourelle élégamment posée en vigie constituent une invitation naturelle à la contemplation de la ville et du fleuve, au voyage et à l’évasion. Dans ce cadre privilégié, « le très curieux Jules Verne » (S. Mallarmé) se livre peu à peu au visiteur à travers les objets de sa vie quotidienne, ses manuscrits autographes, les multiples produits dérivés inspirés par la force d’évocation et la notoriété de l’œuvre. Lui-même avait écrit en 1891 pour expliquer sa vocation littéraire : « Il y a cette circonstance que je suis né à Nantes, où mon enfance s’est tout entière écoulée (…) dans le mouvement maritime d’une grande ville de commerce, point de départ et d’arrivée de nombreux voyages au long cours ».
Agnès Marcetteau-Paul
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2020
(droits d’auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Cahiers du Centre d’études verniennes et du Musée Jules Verne, 10 numéros, de 1981 à 1996
Courville Luce (dir.), Exposition Jules Verne : centenaire : « De la Terre à la lune », 1865-1965, S. Chiffoleau, Nantes, 1966
Guérin Rémi, Jules Verne, testament d'un excentrique, M. Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2017
Jules Verne écrivain, catalogue d'exposition, Bibliothèque municipale de Nantes, Coiffard, Joca Seria, Nantes, 2000
Paumier Jean-Yves, Jules Verne, voyageur extraordinaire : la géographie des mondes connus et inconnus, Glénat, Grenoble, 2005
Bibliographie de Jules Verne sur le site du musée Jules Verne
Webographie
Patrimoine numérisé de la Bibliothèque municipale concernant Jules Verne
Saga Jules Verne réalisée par Olivier Sauzereau et Paul Cornet
Repères biographiques sur Jules Verne sur le site du musée Jules Verne
Parcours numériques ludiques conçus avec Baludik
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Rédaction d'article :
Agnès Marcetteau-Paul
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