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Ancien hôpital Laënnec Réfugiés

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Georges Lafont (1847-1924)


Architecte, élu républicain, fondateur de la société artistique et littéraire le Clou, président du Comité des fêtes, Georges Lafont est une figure représentative de Nantes à la Belle époque. Son portrait permet d’envisager de nombreuses facettes de la vie nantaise alors.

Georges Lafont est d’abord un architecte reconnu en Bretagne. Fils de Jules Lafont, entrepreneur des marchés publics à Nantes, et de Marie-Augustine Pajot, d’une famille de La Réunion, il débute ses études secondaires en 1858 au lycée de Nantes, au sein de l’école préparatoire au Commerce et à l’Industrie avant de rejoindre la filière classique des humanités. Ses talents de dessinateurs sont primés plusieurs fois, ce qui explique qu’il choisisse ensuite le métier d’architecte qu’il apprend à Paris, d’abord auprès de Charles Questel en 1866 puis à l’école des Beaux-Arts en 1867.

Portrait de Georges Lafont par Hippolyte Berteaux

Portrait de Georges Lafont par Hippolyte Berteaux

Date du document : 1898

Une carrière d’architecte reconnue

Après la guerre de 1870-1871 et le siège de Paris où il sert comme canonnier à la Villette, il installe son atelier d’architecte dans la propriété familiale, rue de la Rosière d’Artois, occupant les locaux laissés vides par le départ de la communauté israélite hébergée par son père entre 1852 et 1870.

Membre de la Société des architectes de Nantes entre 1882 et 1910, il consacre une part importante de son travail à construire la station de La Baule, dès 1878. Son « chalet », la villa Symbole, y accueille alors les voyageurs à la descente du train ; c’est la meilleure publicité pour son agence d’architecture qui se partage entre Nantes et cette nouvelle station balnéaire. Pour une clientèle d’industriels et de bourgeois en ascension sociale, il dessine de nombreuses villas, aussi bien à Nantes que dans les stations de la côte, des bâtiments industriels notamment pour Louis Lefèvre-Utile ; il embellit des demeures comme le château de Briord, pour Jean-Baptiste tienne.

Plan de la façade sur rue de la Maison Lefèvre-Utile de la rue Crucy par Georges Lafont

Plan de la façade sur rue de la Maison Lefèvre-Utile de la rue Crucy par Georges Lafont

Date du document : 1893

Homme de progrès attaché à l’instruction publique et au développement de l’hygiène, Lafont est aussi l’auteur de plusieurs écoles et hôpitaux dans le département, en particulier l’hôpital marin de Pen-Bron, auquel il travaille à partir de 1887, et des bâtiments du Bureau de bienfaisance de Nantes en 1899. Enfin, le chantier du théâtre de Quimper, achevé en 1904, illustre son goût pour les arts du spectacle.

Hôpital marin de Pen Bron

Hôpital marin de Pen Bron

Date du document :

La réputation de Lafont tient aussi à son rôle dans la formation d’architectes, élèves ou associés, comme Henri Vié, Ferdinand Ménard, André Chauvet, Francis Leray. Il exerce ainsi son influence sur une jeune génération d’architectes dans trois domaines : l’architecture balnéaire, l’architecture urbaine à destination d’une clientèle d’industriels et d’artisans, ainsi que l’hygiénisme et les questions sociales.

Enfin, Lafont jouit d’une reconnaissance professionnelle publique. Grâce à elle, il est promu chef de bataillon des sapeurs-pompiers en 1886, nommé inspecteur des édifices diocésains de 1891 à 1905 puis architecte adjoint des monuments historiques. Il prend aussi part à diverses commissions bénévoles chargées de conseiller les institutions politiques, à l’échelle municipale et départementale, que ce soit la commission municipale des logements insalubres, la conservation des édifices départementaux ou le conseil départemental d’hygiène publique.

Un citoyen influent dans la vie politique locale

Libéral, Georges Lafont est aussi un républicain au rôle fédérateur à Nantes. Il n’exerce qu’un mandat de conseiller municipal, entre 1900 et 1904, mais, face à un puissant camp conservateur, il apparaît comme une figure capable de rassembler des républicains alors très divisés. En février 1900, il parvient à réunir les républicains nantais dans un grand banquet commémorant la proclamation de la Deuxième République. Dans son canton, en mai suivant, il rassemble tous les républicains, y compris les socialistes, ce qui lui permet de triompher aux élections municipales : il est alors le candidat le mieux élu, recueillant plus de voix que Paul-Émile Sarradin, le maire sortant et ensuite réélu. En 1904, alors qu’il n’est pas candidat, il permet la victoire de la liste d’entente et d’union des groupes de gauche dans son canton. De même, en 1908, alors que son nom figure sur la liste des candidats républicains modérés, battus par les radicaux, il contribue à la victoire de son vieil ami Gabriel Guist’hau en appelant les républicains à voter pour le candidat radical plutôt que de céder aux sirènes des conservateurs, comme cela avait été le cas aux élections précédentes.

Le fondateur de la société artistique et littéraire du Clou

Par son action politique, même discrète, Lafont montre son influence, s’appuyant sur un réseau d’hommes de pouvoir qu’il réunit, pour nombre d’entre eux, dans la société artistique et littéraire le Clou dont il est le « Patron » inamovible entre 1884 et 1912. Cette société est assez fermée, réservée aux élites sociales, économiques, politiques et culturelles nantaises.

Ces messieurs se retrouvent dans l’atelier d’architecte de Lafont, impasse Rosière, tous les quinze jours pendant la saison théâtrale. Ils proposent aux membres de la société et à leurs invités – y compris des femmes, notamment pour un « Clou des dames » annuel – des séances organisées sur le modèle du spectacle varié, alors en vogue notamment dans les associations. Conférences savantes ou humoristiques, littérature, poésie, musique de chambre, monologues comiques, chansonnettes à la mode, pièces de théâtre, ombres chinoises, revues, tous ces genres se mêlent dans la recherche de la nouveauté et l’alternance des registres, même si le rire l’emporte.

Programme du 22 décembre 1902 de la société Le Clou

Programme du 22 décembre 1902 de la société Le Clou

Date du document : 22-12-1902

En théorie fermée aux journalistes, la société du Clou joue un rôle influent dans la vie artistique nantaise, en invitant au moins 2 500 à 3 000 happy few au cours de son existence, en diffusant ses programmes lithographiés signés par les meilleurs artistes locaux, en tissant des liens étroits avec la scène du théâtre de Graslin sur laquelle le hallebardier du Clou surgit à l’occasion, les bras chargés de fleurs à l’intention d’une vedette, et toujours muni de son clou doré géant.

L’animateur de la vie artistique et culturelle de Nantes et la Baule

Protecteur des arts, Georges Lafont anime la vie artistique et culturelle à Nantes et à La Baule au tournant du siècle. Grâce à ses talents d’organisateur, il contribue à la tenue de concours d’orphéons à Nantes entre 1882 et 1891, notamment en tenant le rôle clé de secrétaire général. Cette expérience le conduit à participer à l’animation des fêtes du Carnaval et de la Mi-Carême entre 1891 et 1902, présidant le Comité des fêtes entre 1895 et 1898 puis en 1900 et 1901. Sous son impulsion, ces fêtes sont davantage institutionnalisées par la mise en place en 1893 d’un Comité d’organisation très actif auprès des commerçants. Leur visibilité est renforcée par la création de nouveaux symboles (les couleurs bleu et jaune) et de moments forts comme l’élection de la reine des blanchisseuses, le banquet du bœuf gras ou la procession du roi Carnaval jusqu’à un bûcher fort républicain. Ces fêtes sont ainsi intégrées à une culture démocratique en formation dans l’opinion publique. Sur le modèle du Comité des fêtes nantais, Lafont crée une Société des fêtes à La Baule en 1896 et, trois ans plus tard, préside même la distribution des prix à l’école d’Escoublac représenté par un phonographe chargé de tenir son discours.

Programme de la Mi-Carême de 1901

Programme de la Mi-Carême de 1901

Date du document : 1901

La municipalité nantaise a aussi recours aux talents d’architecte de Lafont pour organiser des festivités qui nécessitent des monuments éphémères, comme celles qui sont prévues pour la réception du président Sadi Carnot en juin 1893, annulée au dernier moment, puis pour la visite du président Félix Faure le 20 juin 1897. Enfin, en qualité de conseiller municipal, Lafont reçoit la mission de coordonner l’ensemble des fêtes organisées à Nantes à l’occasion du Congrès de la Mutualité en mai 1904 : celles-ci culminent en une « fête fédérative » qui réunit 5 à 6 000 membres de sociétés mutuelles.

Théâtre de la Renaissance pendant le 8e Congrès des Mutualistes

Théâtre de la Renaissance pendant le 8e Congrès des Mutualistes

Date du document : 1904

Ainsi, Georges Lafont imprime sa marque dans la vie économique, politique et culturelle nantaise à la Belle époque et jouit alors d’une réelle reconnaissance dans l’Ouest de la France. Malade à partir de 1912, il se retire de la scène publique et décède en 1924. Sa mémoire est honorée depuis par la ville de Nantes. Entre 1924 et 2002, celle-ci décerne chaque année le prix Lafont, résultat d’un legs de l’architecte destiné à récompenser les meilleurs jeunes artistes nantais en peinture, sculpture, architecture et musique. La Ville de Nantes donne aussi son nom à une rue en 1961 puis à une école maternelle. Aujourd’hui, le Musée d’histoire de Nantes valorise sa collection d’objets d’art et de curiosité témoignage unique de son esprit libre et éclectique.

Frédéric Créhalet
2024

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Frédéric Créhalet

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