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Étienne Destranges et Jeanne Salières Couvent des Récollets

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Guist'hau


« Guist’hau » : un quartier, un boulevard, un lycée… à la limite de l’hyper-centre de Nantes. Une statue, un buste de calcaire du docteur Guépin, se dresse au début du boulevard. Les deux hommes ne se sont pas rencontrés ; Guépin est mort en 1873, Guist’hau vivait encore à la Réunion, où il est né en 1863. Et pourtant, leur attachement à la République, et ses valeurs, leur dévouement aux Nantais les rapprochent.

Portrait de Gabriel Guist'hau, maire de Nantes

Portrait de Gabriel Guist'hau, maire de Nantes

Date du document : 20e siècle

Le quartier-promenade du 19e siècle

Leurs destins se croisent en un lieu, aménagé en 1789, grâce à la générosité de Nicolas Delorme, promenade appelée « cours du Peuple » en 1792, bordée de maisons, d’hôtels construits à partir de 1790. Le nom du boulevard change, selon les régimes politiques : à la Restauration, il devient promenade du Boulevard, puis boulevard Delorme, après 1830. Il détermine la croissance du nouveau quartier, son charme attire des habitants. Une allée centrale, aplanie, recouverte de sable, bordée de deux rangées d’ormes, sépare les voies de passage le long desquelles se dressent les constructions. En 1843, il est prolongé jusqu’à la rue Mondésir. L’atlas de Nantes, en 1878, le décrit comme « la seule promenade qui ait conservé les arbres plantés en 1789, lors de son ouverture ; dominant la ville, bordée d’hôtels riches et élégants. Aux jours de carnaval, l’aspect animé de ce boulevard est une des choses les plus curieuses de notre ville ».

 <i>Promenade du boulevard</i> 

 Promenade du boulevard 

Date du document : vers 1820

Ce lieu apprécié des Nantais est retenu pour honorer la mémoire d’Ange Guépin par une statue monumentale en bronze, financée grâce à une souscription publique organisée, à partir de 1888. Son inauguration, le 14 juillet 1893, donne lieu à une cérémonie qui célèbre les valeurs républicaines, à travers l’hommage au scientifique, médecin des pauvres, deux fois préfet des deux Républiques précédentes. Guist’hau est élu conseiller municipal depuis un an…

En novembre 1936, six mois après la victoire du Front populaire, le Conseil municipal adopte le changement de nom du boulevard pour honorer Gabriel Guist’hau qui n’a été maire de Nantes que deux ans mais a laissé une trace profonde et positive dans la mémoire collective.

Gabriel Guist'hau, républicain et progressiste

Gabriel Guist’hau découvre la ville en 1880, venant y étudier le droit. Inscrit au barreau nantais, il devient un avocat très réputé. Dès 1893, il développe le mouvement mutualiste en Loire-Inférieure. Dans un contexte d’essor de la classe ouvrière, de sortie d’une longue crise économique, les sociétés de secours mutuel représentent l’entraide, la prévoyance, l’assistance, la solidarité, en cas de maladie ou de grève. Président du comité d’organisation du 8e congrès de la Mutualité française à Nantes, en 1904, il anime plus de cent conférences dans le département. En 1908, l’ancien président de la République, Émile Loubet, honore de sa présence à Nantes le soixante quinzième anniversaire de la mutualité. Cette activité mutualiste lui confère une expérience, une notoriété, une popularité qui servent sa carrière politique.

Résolument républicain, il se rattache au courant radical, sans être doctrinaire ni idéologue. Il partage avec son ami Aristide Briand une conception pragmatique de la politique. Aux élections municipales de 1908, il choisit une stratégie d’union des gauches ; sa liste rassemble des républicains modérés et des socialistes. Lui seul est élu dès le premier tour ; sa liste passe au second et il est élu maire de Nantes, pour un mandat bref mais brillant.

Une brillante carrière politique municipale puis nationale

Le maire Guist’hau obtient ce que ses prédécesseurs recherchaient depuis plus d’un siècle : la cession par l’État du Château des ducs à la Ville. Il a une vision de la ville du 20e siècle. Il réalise le « grand Nantes » par l’intégration des communes de Chantenay et Doulon. Il œuvre pour la défense des industries nantaises en soutenant les industriels, et pour l’amélioration des conditions de vie des plus modestes.

Le mutualiste mène une politique en faveur de l’hygiène, de la santé, de l’enfance par la création de bains-douches, de lavoirs, de dispensaires, d’une crèche et d’écoles primaires publiques. Le juriste, spécialiste de droit maritime, s’attache au développement du port international. L’humaniste soutient, en 1910, l’aménagement d’un nouveau lycée pour les jeunes filles, dans un emplacement bien situé, possédé par la Société des enfants nantais. Le Conseil municipal vote les crédits pour racheter le terrain et les bâtiments situés entre les rues Colbert, Du Boccage et Bonne Louise et construire un lycée neuf, beaucoup plus spacieux, doté d’un internat, dont l’ouverture était fixée à la rentrée 1914… L’hôpital militaire rend les bâtiments à leur fonction, en 1919. Les travaux, ralentis par la guerre, s’achèvent en 1934.

Façade du lycée Guist'hau de Nantes

Façade du lycée Guist'hau de Nantes

Date du document : 22-10-2018

Élu député en 1910, dans le groupe des républicains radicaux-socialistes, Guist’hau refuse le cumul des mandats, il cède sa place de maire à Paul Bellamy, un adjoint. Jusqu’en 1930, les maires de Nantes sont issus de la liste Guist’hau de 1908. Ils prolongent son action, à l’échelle locale, tandis qu’il défend les intérêts de la ville à Paris.

Ses qualités personnelles lui valent d’être réélu jusqu’en 1924, ses choix politiques le conduisent dans les ministères de 1910 à 1924, comme secrétaire d’État à la Marine puis ministre de l’Instruction publique, du Commerce, de la Marine. La maladie l’oblige au retrait de la vie politique.

Le lycée des filles

En 1930, le lycée de jeunes filles, de plus de six cents élèves, est devenu une institution au rayonnement régional. Le Conseil municipal décide à l’unanimité de lui donner le nom de son rénovateur, Gabriel Guist’hau, afin de rendre hommage, de son vivant, à un grand maire. Il meurt le 27 novembre 1931. Ses obsèques, conformément à son vœu, se déroulent sans discours ni cérémonie, dans l’intimité familiale.

Le docteur Guépin, un symbole

En 1945, un des premiers actes des Nantais est de rétablir une nouvelle statue d’Ange Guépin, acte symbolique d’une mémoire républicaine sur l’ancien « cours du Peuple ».

Marie-Yvonne Bompol
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteurs réservés)

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En savoir plus

Bibliographie

Bompol Maryvonne, « Lycée général Gabriel Guist'hau », dans Dictionnaire des lycées publics des Pays de la Loire, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2009, p. 278-280

Ravilly Étienne, Sallier Dupin, Jacques-Yves de, « Gabriel Guist'hau et Paul Bellamy, 117e et 118e maires (1908-1914) », dans La Ville de Nantes de la monarchie de Juillet à nos jours, tome 1, Reflets du passé, Nantes, 1985, p. 247-273

Halgan Georges, « Le quartier Delorme à la fin du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, n°60, 1920, p. 155-162

Naud François, Les Parlementaires de Loire-Inférieure sous la Troisième République, Ed. régionales de l'Ouest, Mayenne, 2009

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Boulevard / Avenue Extension et limite urbaine Lycée Maire Nom de rue

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Rédaction d'article :

Maryvonne Bompol

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