
Vinaigre
La tradition vinaigrière nantaise est ancienne. Dans son Histoire de Nantes (1839) ainsi, Ange Guépin mentionne le trafic de vinaigre, ce qui renvoie aux importations hollandaises de vin qui, au 17e siècle, portent en partie sur des vins nantais expressément destinés à la fabrication de vinaigre. Et le vinaigre est, jusqu’au milieu du 20e siècle au moins, élément constitutif de toute sauce au beurre blanc…
Le Pays nantais, il est vrai, a toujours produit du vin, parfois pas de la meilleure qualité. Il se gardait mal, possédait un si faible degré qu’il s’altérait et se transformait naturellement en vinaigre, recherché depuis l’Antiquité pour ses vertus multiples, en sorte que vinaigriers et apothicaires ont parfois été confondus.
La fabrication est en tout cas attestée à Nantes depuis la fin du Second Empire au moins, avec l’entreprise Sarrazin, quai Moncousu. La Vinaigrerie orléanaise Rigault, installée à Pont-Rousseau, suit de peu et, dès les années 1880, trois autres vinaigreries se sont créées dans l’île Gloriette, rue des Olivettes et encore ruelle des Tanneurs, sur les bords de l’Erdre.

Etiquette de la Vinaigrerie Orléanaise
Date du document : vers 1870
Mais l’entreprise aujourd’hui emblématique de cette activité est créée en 1952 par Gilbert Caroff, rue des Chantiers de Crucy, dans le bas de Chantenay : une petite entreprise de trois personnes, un tonnelier et deux personnes à la fabrication dont le directeur lui-même, une entreprise très artisanale qui s’installe lentement dans le paysage commercial et industriel nantais. La technique est celle, traditionnelle, de l’usage des copeaux de hêtre, enroulés en spirales dans le fond des cuves et présentant la partie rugueuse à l’extérieur. Ces copeaux permettaient l’aération des acétobacter, bactéries qui transforment l’éthanol en acide acétique en présence d’oxygène. Une fois le vinaigre considéré comme prêt à la commercialisation, il est soutiré par le pied de cuve. En bonne gestion, les copeaux peuvent rester en fond de cuve pendant une quarantaine d’années. Cette méthode est aujourd’hui abandonnée. La base du vinaigre était fournie par des vins « piqués » venus du Bordelais et surtout d’Algérie par le port de Nantes, et le vinaigre livré chez les épiciers.
À cette échelle, Nantes ne rayonne évidemment pas, mais les frères Caroff tiennent à maintenir la tradition. La concurrence de grands groupes agroalimentaires provoque la fermeture de la société Caroff en 1971, puis sa reprise en 1973 par Gérard Caroff sous le nom de Caroff Frères et Cie. En 1998, cette société s’est intégrée à un groupe de vinaigriers de Reims : elle est encore l’une des quatre importantes sociétés françaises, produisant de manière industrielle (en 48 heures, le vin se transforme en vinaigre) 200 000 hectolitres chaque année. Du vinaigre de vin rouge ou blanc, du vinaigre de Xérès, d’alcool, de cidre ; du vinaigre à l’échalote, à la framboise, au citron, affiné en fût de chêne pendant deux mois. Si bien que l’odeur reste perceptible dans les rues du Bas-Chantenay…
Alain Miossec
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018
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Alain Miossec
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