Section des Victimes du Devoir du cimetière Miséricorde
Le cimetière Miséricorde est connu pour les tombes de ses Nantais – de naissance ou d’adoption – qui ont marqué l’histoire locale ou nationale. Au gré des allées, on rencontre des hommes politiques, des industriels, des militaires, des journalistes, des artistes… qui ont marqué leur époque. Pourtant, parmi toutes ces sections, l’une reste pratiquement inconnue du grand public : la section des Victimes du Devoir.
Située près de l’entrée de la Pelleterie, non loin du carré israélite nouveau, elle est encadrée par quatre grands mâts blancs. Tous les ans, à la veille du 1er novembre, des drapeaux tricolores y sont hissés tandis que le Maire de la Ville y fait déposer une gerbe de fleurs. Celle-ci rend hommage à des citoyens qui, dans l’exercice de leur profession, ou par simple dévouement, ont perdu la vie lors d’événements particulièrement dramatiques : incendies, faits divers, accidents… survenus à Nantes ou hors Nantes.
Depuis la délibération du Conseil municipal du 17 mai 1893, la mairie a réservé cet espace pour « tous ceux qui auraient succombé dans l’accomplissement d’actes de courage et de dévouement ». La délibération rappelle que « ce terrain, d’une superficie de 140 m2, pourra contenir quarante tombes, nous avons le ferme espoir qu’il suffira, pendant bien des années, à sa destination ».
Entre 1893 et 1958, années de la première et de la dernière inhumations, 23 personnes ont été enterrées dans cette section. On y trouve un médecin, des militaires, des agents de la Sûreté, des civils ou encore des pompiers.
Vous trouverez ci-dessous les récits de leur bravoure.
Pierre JAMONEAU (Aigrefeuille 4 juillet 1863 – Nantes 27 décembre 1892)
Le 27 décembre 1892, un terrible incendie se déclare au chai Riom-Vincent et Gautier, situé rue Crucy où 13.500 hectolitres d’alcool sont entreposés. Les 10 pompes à incendie envoyées aussitôt sur place ne suffisent pas à circonscrire les flammes. Les cuves explosent les unes après les autres. Vers 10 heures, une véritable détonation projette l’alcool enflammée dans toute la rue. L’incendie est maîtrisé vers 16 heures mais au prix d’un très lourd tribut. On compte 46 blessés et un mort, Pierre Jamoneau, chauffeur chez Lefèvre-Utile, venu aider les pompiers. D’abord inhumé dans un caveau provisoire, il est transféré dans le carré des victimes du devoir ouvert en mai 1893.
Léon CHUPIN (Saint-Hilaire-du-Bois 8 juillet 1868 – Nantes 29 août 1893)
L’année 1893 est marquée par une grande épidémie de choléra à Nantes qui est la dernière du 19e siècle. Les services d’hygiène recensent 609 malades dont 396 décèdent. Parmi les victimes d’août 1893, on trouve le jeune interne Léon Chupin considéré par ses confrères comme « le meilleur parmi les meilleurs ». A 25 ans, il est titulaire de deux doctorats, décroche la première place au concours de l’Internat et obtient un prix à l’École de Médecine. Le 29 août 1893, en allant soigner un de ses patients à son domicile, il contracte la maladie qui lui est fatale. Afin d’éviter toute contagion, il est inhumé dès le 30 août au cimetière de la Bouteillerie avant d’être transféré à Miséricorde le 30 août 1898.
Charles BAHOLET (Nort-sur-Erdre 2 février 1890 – Nantes 10 août 1913)
Dans la nuit du 6 au 7 août 1913, des cambrioleurs s’introduisent dans un hôtel particulier du quartier Monselet, à l’angle des rues Alfred-de-Musset et Germain-Boffrand. Partis en vacances, les propriétaires ont demandé à leur voisin, M. Baholet, maréchal de logis de gendarmerie à la retraite, de surveiller la maison et d’entretenir le jardin. Surpris d’y voir de la lumière allumée et d’entendre des bruits inaccoutumés, il prévient la police avant de se rendre sur place avec son fils Charles. Ils sont rejoints sur place par un agent de la Sûreté, deux inspecteurs et deux gardes-champêtres. A peine entrés dans la maison, ils sont accueillis par des coups de revolver qui blessent trois personnes : le sous-brigadier Tessier, le garde-champêtre Gergaud et Charles Baholet. Celui-ci décède le 10 août 1913 suite de ses blessures.
Pierre MAINGUY (Brains 17 janvier 1871 – Nantes 12 octobre 1919)
Dans la nuit du 10 au 11 octobre 1919, la bijouterie Pavin-Pissot « A la montre de genève », située à Nantes 11-13 rue de la Barillerie, est cambriolée par un trio de voleurs : Dubois, Poutet et Laval. Le lendemain, 12 octobre, l’agent de Sûreté Mainguy et deux de ses collègues se rendent place de la République pour procéder à l’arrestation du principal suspect, Jean Marie Laval dit Bébert. Arrivés rue Louis-Blanc, ils se retrouvent face-à-face avec l’individu. Démasqué, Bébert sort un revolver de sa poche et tire sur l’agent Mainguy puis réussit à s’échapper. L’agent Mainguy meurt sur le coup. Bébert est arrêté à Paris le 29 octobre 1919. Transféré à Nantes, il est condamné le 17 mars 1920 à la peine de mort. En outre, il est déchu de la Croix de Guerre. Il est exécuté le 13 juillet 1920. Devant la tombe de l’agent Mainguy, Paul Bellamy, maire de Nantes, précise que ce crime « dicte d’imprescriptibles devoirs envers les fidèles serviteurs du public ».
Pierre DUREAU (Nantes 16 mai 1883 – Nantes 13 octobre 1928)
Jusque dans les années 1950, la ligne de chemin de fer Nantes – Saint-Nazaire empruntait le quai de la Fosse. Pour sécuriser la circulation des trains, des passages-à-niveau étaient installés à chaque carrefour. Celui qui se trouve au bas de la rue de Strasbourg est gardé par Pierre Dureau. Ce 13 octobre 1928, à 15h10, les barrières sont abaissées pour laisser passer une locomotive qui arrive de Chantenay pour rejoindre la gare d’Orléans. Inconsciente du danger, une femme ouvre le portillon et entame la traversée des voies. Craignant un accident tragique, Henri Dureau se précipite pour sauver la femme imprudente. Dans sa course, il tombe sur les rails. L’un de ses pieds reste coincé dans un contre-rail. N’arrivant pas à se dégager, il se fait écraser par le train. Effrayée, la femme secourue s’enfuit. Malgré une enquête menée par les inspecteurs Martineau et Jehanne du commissariat spécial de la gare P.O., l’identité de la ménagère imprudente restera inconnue. Sur proposition du Préfet de la Loire-Inférieure, M. le Ministre de l’Intérieur accorde à la victime la médaille d’Or du dévouement.
Gasmi HADJ (Douar Sidi en Barck 12 avril 1913 – Nantes août 1958)
En pleine guerre d’Algérie (1954-1962), Nantes est le théâtre d’un fait divers dramatique. Le vendredi 29 août 1958, les pompiers retirent de la Loire le cadavre d’un ressortissant algérien. Le corps laisse apparaître une plaie par balle à hauteur de l’œil gauche et un poignet et un pied entravés par une chaîne. Après enquête, il s’avère que la victime, Gasmi Hadj Ben Belkacem, manœuvre aux Batignolles, avait refusé de payer la « cotisation » au Front de Libération Nationale. Kidnappé par un groupe de cinq membres du F.L.N., il est torturé puis tué avant d’être jeté dans la Loire. Les 5 kidnappeurs sont arrêtés le 3 septembre 1958 lors d’une rafle organisée par la Police judiciaire d’Angers et la brigade nord-africaine de la Sûreté urbaine. D’abord inhumé au cimetière Miséricorde le 2 septembre 1958 (section AE), il est exhumé et transféré dans le carré des victimes du devoir le 27 avril 1964.
Autres hommes inhumés dans la section des victimes du devoir :
Etienne HÉRY (Saffré 2 mai 1879 – Saint-Jean-Brévelay 28 avril 1901)
François TOURILLON (Châteaubriant 15 novembre 1879 – Saint-Jean-Brévelay 28 avril 1901)
Alain Marie LE HÉNAFF (Pleumerit 17 août 1884 – Lorient 8 février 1907)
Jean PERNÈS (Auray 4 novembre 1890 – Toulon 25 septembre 1911)
Joseph GAUTIER (Nantes 6 mars 1892 – Toulon 25 septembre 1911)
Louis OURY (Nantes 11 septembre 1890 – Mérada 9 avril 1912)
Hippolyte ALPHANDRY (Nantes 9 mai 1891 – Koudia-er-Riha 15 mars 1913)
Louis SAPART (Paris 30 août 1884 – Nantes 20 avril 1918)
Jean LE BUZIT (Plounévézel 17 février 1882 – Nantes 15 janvier 1919)
Jean BALANEC (Landudec 2 novembre 1885 – Nantes 6 décembre 1927)
Georges LANGELOT (Villeneuve-au-Chêne 30 octobre 1901 – Nantes 25 avril 1937)
Jean HERVÉ (Nantes 27 avril 1914 – Nantes 26 septembre 1941)
Joseph BOURSE (Marzan 15 juillet 1902 – Nantes 26 septembre 1941)
Clément VARNAJO (Lairoux 27 août 1898 – Nantes 16 septembre 1943)
Didier LEPAROUX (Nantes 24 avril 1923 – Nantes 16 septembre 1943)
Maxime AMOSSÉ (Guémené-Penfao 22 janvier 1895 – Nantes 12 août 1944)
Georges DERVAUX (Lanrelas 22 avril 1913 – Nantes 13 septembre 1945)
Xavier Trochu
Direction du Patrimoine et de l'Archéologie de la Ville de Nantes/Nantes Métropole
2018
En bref...
Localisation : Bourget (rue du) cimetière, NANTES
Date de construction : 1791
Auteur de l'oeuvre : Falaise (entrepreneur)
Typologie : architecture religieuse
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Rédaction d'article :
Xavier Trochu
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