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Agnès Varda (1928-2019) Musulmans

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Saint-Philibert


Le naufrage du Saint-Philibert, l’une des plus grandes catastrophes maritimes contemporaines, a marqué de façon durable la mémoire nantaise mais, paradoxalement, il n’a pas recueilli dans la mémoire nationale la place tenue par d’autres catastrophes, tel l’incendie du Bazar de la Charité de 1897 qui n’a fait « que » 130 victimes alors que le naufrage a entraîné au moins 500 décès. Il est vrai que dans le cas du grand magasin parisien, les victimes appartenaient presque toutes à l’aristocratie, tandis que les noyés du Saint-Philibert étaient en majorité des gens du peuple, et qui plus est des militants de la gauche nantaise.

La société Les Loisirs, récemment constituée par l’Union des coopérateurs de Loire-Inférieure, la Bourse du travail, les syndicats locaux, la Libre pensée et la Ligue des droits de l’homme, affrète le 14 juin 1931, pour une sortie à l’île de Noirmoutier, le Saint-Philibert, un bateau non ponté. Le temps se fait menaçant vers dix-sept heures, au moment du retour, au point que quarante-six personnes ne réembarquent pas ; le capitaine François Ollive aurait décidé le départ sous la pression des passagers, mais ce n’est peut-être qu’une des multiples rumeurs qui se propagent après le drame. Le Saint-Philibert se retourne vers dix-huit heures trente près de la bouée du Châtelier, douze kilomètres au large de la pointe Saint-Gildas : seuls huit survivants peuvent être repêchés.

Deux cents corps de naufragés sont récupérés en une semaine mais la mer ne cesse de charrier des cadavres pendant l’été et la triste et funèbre litanie du retour de ces cadavres entretient l’émotion à Nantes et dans toute la région : une chapelle ardente est même installée au Château des ducs de Bretagne. Le drame inspire plusieurs complaintes, et provoque la mévente des crustacés soupçonnés de se nourrir des cadavres… La presse cléricale, et certains bulletins paroissiaux, estiment que Dieu a puni les impies qui n’ont pas honoré la Fête-Dieu. L’Écho paroissial de Joué-sur-Erdre écrit même : « N’est-ce pas le châtiment du Bon Dieu pour toutes les orgies et insanités commises publiquement pendant la traversée ? N’est-ce pas sa réponse directe à tous les affreux blasphèmes lancés […] par le journal local du Parti socialiste la veille de l’excursion ? » 

Navire “Le Saint-Philibert” renfloué

Navire “Le Saint-Philibert” renfloué

Date du document : 1931

La catastrophe révèle donc bien les clivages politiques dans la région de Nantes à cette époque, et sa mémoire est donc sélective. D’un côté, une plaque commémorative est posée dans le cimetière de Saint-Jacques, lieu d’une commémoration annuelle, le 14 juin. Mais, de l’autre, le procès tenu en 1933 exonère l’armateur en dépit des graves défaillances (insuffisance des moyens de sauvetage à bord, absence de radio, équipage pas en règle…), et le navire, renfloué, reprend sous d’autres noms une carrière qui ne s’achèvera qu’en 1979.

Alain Bergerat
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018

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