Royal de Luxe
Lorsque que la Compagnie « Royal de Luxe », fondée par Jean-Luc Courcoult, déménage de Toulouse à Nantes, en 1989, avec l’appui financier de cette dernière, elle est estampillée « théâtre de rue » : genre du théâtre populaire, urbain et de plein air, d’accès gratuit, dédié à tous les publics et qui renoue avec le succès depuis le début des années 1980.
Elle doit sa réputation naissante à des spectacles « de place » aux titres ravageurs – Les Mystères du grand congélateur (1980), Le Bidet cardiaque, La demi-finale de Waterclash (1983)… – qui déballent, dans un délire d’images en carton-pâte, baignoires à moteur, bagnoles pétaradantes, pluie, neige, vent, sang et larmes. Ils poussent le plus loin possible le télescopage entre réalisme et imaginaire, réalité quotidienne et fiction.
La saga des Géants
La première sortie nantaise de la Compagnie, en 1990, est un triomphe. Des pages d’un gigantesque livre, manipulé à vue par des assistants, surgissent, devant la cathédrale, des personnages emblématiques du récit historique français. L’impertinence jubilatoire de La Véritable Histoire de France emporte le public dans un capharnaüm de machineries et d’effets spéciaux, dignes du cinéma de Méliès, la dérision en plus.
Royal cherche alors le partage avec d’autres cultures. C’est l’aventure de Cargo 92 qui débarque en Amérique latine La Grande parade de l’Histoire de France. Ce sont aussi, en Afrique et en Chine, des spectacles « de petite échelle », comme notamment les Petits contes chinois revus et corrigés par les nègres.
C’est surtout la déclinaison de la Saga des Géants, qui lui apporte la consécration nationale puis internationale, à la suite du Géant tombé du ciel (1993). Le Petit Géant et la Petite Géante sont rejoints plus tard par l’Éléphant, dans La Visite du sultan des Indes sur son éléphant à voyager dans le temps (2005), la Girafe (2000), le Scaphandrier (2010) et le Péon mexicain, El Xolo (2011).
A venir, annonce Jean-Luc Courcoult en manière de suite, un grand singe, descendant du Yéti : King Kong de notre siècle : «… doux aux yeux presque humains mais espèce menacée, plus proche de celui imaginé par Jonathan Swift dans Gulliver que de celui menaçant du cinéma,… pour dire l’urgence d’agir pour la planète ».
Défilé de la troupe Royal de Luxe,  Les Girafes et Le Petit Géant 
Date du document : 19-02-2013
Fascination mécanique et puissance émotionnelle
De cette hybridation spectaculaire, on saisit la marque de Royal et de son théâtre : la qualité poétique de la rencontre du spectateur avec des images, avec l'histoire qu’elles racontent, l’échange par le regard, le détournement parodique du réel, le décalage avec la normalité des lieux produit par des rapports d’échelle disproportionnés, surgis de l’enfance, mais aussi l’exubérance du jeu des comédiens, les machines improbables au service de l’imaginaire et la présence de leurs manipulateurs dans l'image, qui la transforme et lui donne à la fois une capacité de fascination mécanique et une dimension émotionnelle et humaine.
Ce théâtre de plein air, imprévisible, multiplie les formes novatrices : Embouteillages, L’Autobus à la broche, La Maison dans les arbres, La Maison dans la Loire, La Révolte des mannequins, Rue de la Chute, Miniatures…
Il conduit aux « Parades de Géants », qui s'inscrivent dans des pratiques de défilés en extérieur comme il en existe en Flandres, en Italie, au Portugal, dans les Balkans, en Grèce ou en Inde… Ce ne sont plus cependant des géants rigides, de carnaval ou qui relèvent, pour certains, de la statuaire antique ou indienne, que l'on promène, mais des marionnettes géantes, à fils et urbaines, manipulées en direct, dans un spectacle de rue, par une pléiade d’assistants en livrée rouge, lilliputiens des temps modernes. La Parade, scénarisée à partir d'un récit qui prend la forme d'un conte urbain, se déploie sur toute une ville et s'adresse à la population tout entière.
Transmission et partage d'un imaginaire rallient les foules les plus diverses tout en s’inscrivant dans une stratégie de notoriété de la ville, mais aussi parfois interpellent. Ainsi quand le Petit Géant noir évoque et dépasse à la fois le passé négrier de Nantes.
En trois décennies, la Compagnie a acquis une notoriété unique et mondiale. La suite, attendue, dira comment elle saura contourner, dans cette nouvelle liturgie spectaculaire, une aseptisation culturelle de la fête, soluble dans la culture et concilier le gigantisme de certains de ses spectacles, leur effet de répétition avec le magnétisme qu’ils exercent.
Marc Grangiens
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Bover Jordi (photogr.), Le Royal de Luxe, Plume, Paris, 1994
Courcoult Jean-Luc, Quirot Odile, Royal de Luxe 1993-2001, Actes sud, Arles, 2001
Courcoult Jean-Luc, Quirot Odile, Royal de Luxe, 2001-2011, Actes sud, Arles, 2011
Leenhardt Pierre, Il était une fois... Cargo 92 : Royal de Luxe, Mano Negra, Philippe Decouflé, Philippe Genty sur la route de Christophe Colomb, Actes Sud, Arles, 2013
Webographie
Nantes, la métamorphose d'une ville - Auran/Ina : Le géant tombe du ciel à Nantes (suite)
Site de la compagnie Royal de Luxe
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Rédaction d'article :
Marc Grangiens
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