Bandeau
Sophie Trébuchet (1772 –1821) Association Stade Nantais du lycée de Nantes

1058

Prairie d’Amont


Située entre la boire des Récollets et le bras de Pirmil, la prairie d'Amont est investie à partir de 1772 par le fabricant d’indiennes Pierre Gorgerat, puis par Vincent Gâche à partir de 1830. Néanmoins, cette vaste étendue herbeuse, soumise aux aléas des crues, conserve son caractère rural jusqu'au début des années 1960.

Une propriété quasi exclusive de Jean-Baptiste Étienne

En 1856, Gustave Étienne, propriétaire de la Raffinerie des Ponts, acquiert un petit pavillon au bord de la Loire sur la prairie d'Amont, qui devient sa résidence principale. Il en double la surface quatre ans plus tard. En 1867, il épouse Emma Voruz. Un fils, Jean-Baptiste, naît de cette union en 1870. Mais en 1871, Emma Étienne décède, suivie par la mort de son époux deux ans plus tard. Le couple disparu laisse un orphelin qui est alors placé sous la tutelle de son grand-père, Jean-Simon Voruz. Ce dernier prend très à cœur son rôle de tuteur et s’efforce de maintenir le patrimoine, conséquent, de son petit-fils. À partir de 1877, le grand-père acquiert de nombreuses parcelles sur la prairie d’Amont dont Jean-Baptiste Étienne devient le propriétaire quasi exclusif.

Plan parcellaire de la prairie d’Amont et de l’île Beaulieu

Plan parcellaire de la prairie d’Amont et de l’île Beaulieu

Date du document : 1946

Le point d’orgue de ces opérations est la construction, au début des années 1880, d’une maison de maître édifiée à la place de l’ancienne résidence de Gustave et Emma Étienne. Cette belle demeure est surnommée le château du « petit Étienne » par les habitants du quartier. Célibataire sans descendance directe, Jean-Baptiste Étienne lègue sa fortune et ses propriétés immobilières à son cousin Robert Say en 1949.

Bras de Pirmil devant la Prairie d’Amont

Bras de Pirmil devant la Prairie d’Amont

Date du document : années 1960

À la fin des années 1950, cette propriété de 1350 mètres carrés entre dans le périmètre de la ZUP Beaulieu. En 1957, un état des lieux en établit la description suivante : « Située en bordure même de la Loire, élevée sur caves, cette maison de maître est composée d'un rez-de-chaussée et de deux étages. Les extérieurs sont formés d’un parement de briques avec encadrement en pierre de Sibreuil, de balcons en fer forgé, d’une tourelle à poivrière dans l'angle sud-est, et d’une toiture en ardoise. À l’intérieur, l’ensemble comporte vingt-deux pièces habitables. Le sous-sol est formé de caves bétonnées avec large escalier en granit de quatorze marches, descendant directement vers le fleuve (…). Les pièces principales sont de conception luxueuse et leur aménagement est particulièrement soigné : belles cheminées sculptées, parquets en chêne, lambris, décorations. Cet immeuble n'est plus habité bourgeoisement depuis de nombreuses années. Par suite d'un manque d'entretien et de déprédations résultant soit de l'occupation allemande, soit de réquisitions postérieures, cet immeuble est en mauvais état et a perdu son caractère de maison bourgeoise. Une partie des dépendances tombe en ruines. » Au regard de cet état de dégradation, les autorités locales ont peu de scrupules à le livrer aux bulldozers en 1963.

Le même sort est réservé au petit hameau isolé de la rue de la Prairie-d’Amont, situé dans le prolongement de cette propriété. Cette petite entité, édifiée sur des terrains inondables, est en 1962 formée de 17 maisons, dépourvues de confort, louées par des familles d’ouvriers. La ZUP Beaulieu n’en fera qu’une bouchée.

Maisons du quai Prairie d’Amont 

Maisons du quai Prairie d’Amont 

Date du document : 1958

La prairie d'Amont engloutie par la ZUP Beaulieu

La question de l’aménagement des prairies en amont de la ligne des ponts jalonne les débats des conseils municipaux à partir des années 1880 notamment avec le projet du transfert de l'abattoir de Talensac et le prolongement de l'avenue Carnot. Mais il faut attendre le plan d’urbanisme de la Reconstruction pour que la conquête urbaine de la prairie d’Amont soit amorcée. Ainsi, au cours des années 1950, à l’instar de la rue de Vertais, les rues de la Loire et de la Prairie-d’Amont disparaissent, en partie, pour laisser la place à l’immeuble concave de la place Victor-Mangin agrandie. Un premier jalon est alors posé pour l’urbanisation à venir avec la création de la ZUP Beaulieu-Malakoff en 1961.

Ce vaste projet urbain englobe en effet l’ensemble des prairies situé en amont du boulevard des Martyrs-Nantais-de-la-Résistance et finalise la conquête des îles de la Loire entreprise depuis le 18e siècle. Les prairies de Biesse, d’Amont et l’île Beaulieu vont alors être rassemblées sous un seul vocable : Beaulieu.

 

Plan de la ZUP Beaulieu représentant l’avancée des travaux d’aménagement

Plan de la ZUP Beaulieu représentant l’avancée des travaux d’aménagement

Date du document : 1972

En 1963, l’architecte Jacques Riehl propose de créer une ceinture urbaine privilégiant tours et barres pour libérer les sols tout en réservant des espaces verts pour implanter des équipements sportifs. Dans un premier temps, la priorité est donnée à la construction d’un grand ensemble sur le quartier Malakoff, dont les prairies étaient incluses dans la ZUP. Sur l’île Beaulieu, les travaux avancent plus lentement. Les terrains doivent être exhaussés de 4 à 5 mètres de haut pour être protégés des crues. Des millions de mètres cubes de sable sont pompés dans la Loire et acheminés avant le démarrage des constructions. Ce vaste chantier est précédé par l'ouverture d'une nouvelle ligne des ponts en 1966. Projetée depuis 1778 et longtemps évoquée comme prolongement de l'avenue Carnot, cette dernière est conçue, depuis les années 1930, « comme l'épine dorsale de tout un quartier à créer entre le bras de la Madeleine et le bras de Pirmil », confirme le conseil municipal du 23 juillet 1954.

Immeubles du boulevard Georges-Mandel sur l’île Beaulieu

Immeubles du boulevard Georges-Mandel sur l’île Beaulieu

Date du document : années 1970

Rasés à la fin de l'année 1963, le hameau de la prairie d'Amont et le château du « petit Étienne » dans lesquels vivaient 35 familles, laissent place, au tout début des années 1970, aux immeubles de la NAMET et aux collectifs « Beau Rivage », tandis que le boulevard Georges-Mandel est tracé à l'emplacement de ce que les riverains appelaient le quai Prairie-d'Amont.

Nathalie Barré
Archives de Nantes
2022



Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.

En savoir plus

Bibliographie

Archives de Nantes, Le quartier des Ponts, coll. Quartiers, à vos mémoires, Nantes, 2021

Pages liées

Ligne des ponts : un espace aménagé (2/4)

Dossier : le quartier République – Les Ponts

Tags

Beaulieu-Mangin Extension et limite urbaine Logement social et grand ensemble Pont Île

Contributeurs

Rédaction d'article :

Nathalie Barré

Rédaction d'article :

Joëlle Dagorne ; Lucette Piveteau

Vous aimerez aussi

Usine de confection Tricosa

Architecture et urbanisme

La société familiale Tricosa, fondée à Paris en 1948, est spécialisée dans la confection féminine haut de gamme. Au début des années 1960, elle décide de décentraliser une partie de...

Contributeur(s) :Philippe Bouglé , Nelly Lejeusne

Date de publication : 08/12/2022

1929

Les Castillans forment un groupe important dans le duché breton à la fin du Moyen Âge. Ils sont sans doute les seuls étrangers à avoir donné naissance à une communauté ayant développé...

Contributeur(s) :Laurence Moal

Date de publication : 05/04/2024

36

Ancienne féculerie Levesque

Architecture et urbanisme

Dans la seconde moitié du 19e siècle, une usine est construite à proximité du quai du Cordon-Bleu afin de traiter la mélasse, un sirop obtenu grâce au processus de fabrication du sucre,...

Contributeur(s) :Évelyne Robineau

Date de publication : 04/05/2021

793