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Pont du Général Audibert Église Saint-Similien (1/2)

1804

Rennes


Longtemps rivale, parfois indifférente, à présent désireuse d’un vrai rapprochement, Rennes entretient avec Nantes des relations complexes dont les enjeux ont varié selon les époques et les échelles : une province, la France, le monde.

La rivalité remonte à l’émergence du duché de Bretagne, au 10e siècle. Les deux villes sont le siège de lignées de comtes qui se disputent le titre ducal. Sous Philippe Auguste, le duché passe dans l’orbite française et Rennes prend progressivement des allures de capitale administrative. La situation se renverse avec la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364). Les Montfort l’emportent sur les Blois ; ils préfèrent Nantes où François II, à partir de 1466, remanie profondément le Château des ducs. C’est toutefois à Rennes que les ducs se font couronner tandis que des institutions comme les États ou le Parlement sont itinérantes.

À partir de la fin de l’indépendance bretonne, la localisation du Parlement devient un enjeu majeur. Un édit royal finit par l’installer définitivement à Rennes en 1561, même si, pendant les guerres de Religion, le duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne et tenant de la Ligue, se retranche dans Nantes où il constitue un Parlement concurrent de celui de Rennes, ville fidèle à Henri IV.

Dès lors, les destins des deux villes divergent : Rennes bénéficie de la centralisation française et devient la capitale politique, administrative et judiciaire incontestée de la Bretagne. Nantes, dont les attributs politiques se sont estompés, même si elle conserve la Chambre des comptes, joue au 18e siècle la carte du commerce international. En 1789, elle compte 80 000 habitants, le double de Rennes.

Avec la Révolution on passe de la rivalité à l’indifférence, faute d’enjeux. La Bretagne n’existe plus, Rennes et Nantes deviennent les simples chefs-lieux de leurs départements respectifs et poursuivent sur leur erre : Nantes, un grand port industriel ; Rennes, une ville un peu assoupie de magistrats et d’universitaires où naît en 1899 L’ouest-Eclair, l’ancêtre d’Ouest-France, le premier quotidien du pays.

La question régionale

Au 20e siècle, la question régionale réveille la concurrence entre les deux villes. Au lendemain de la Grande Guerre, Rennes devient le siège d’une sixième région économique réduite à l’Ille-et-Vilaine, aux Côtes-du-Nord et au Finistère tandis que Nantes prend la tête d’une cinquième région qui s’étend du Morbihan à l’Indre-et-Loire, de la Mayenne à la Vendée. Au terme d’une très vive polémique entre les milieux politiques et économiques des deux villes, le régime de Vichy procède à un redécoupage beaucoup plus favorable à Rennes. Elle devient la capitale d’une province à quatre départements tandis que Nantes et la Loire- Inférieure sont rattachées à la préfecture régionale d’Angers, une ville importante dans le dispositif administratif de l’occupant allemand.

On a là en germe les frontières des régions issues des diverses vagues de décentralisation de l’après-guerre : les Pays de la Loire pour Nantes, la Bretagne à quatre départements pour Rennes. Et c’est une nouvelle époque de relative indifférence qui s’ouvre : chaque ville est plus tournée vers Paris que vers sa voisine ; ce n’est qu’en 1991 que s’achève la route à quatre voies entre les deux capitales régionales distantes d’une centaine de kilomètres tandis que la liaison ferroviaire, via Redon, reste lente et mal commode.

Mais l’expansion des deux villes gomme leurs différences : Rennes s’industrialise, Nantes se tertiarise et gagne une université. Si Rennes choisit le métro et Nantes le tramway, leurs contrastes urbanistiques s’atténuent : c’est à Rennes qu’Alexandre Chemetoff mène l’un de ses premiers grands projets urbains, sur les bords de la Vilaine, avant de devenir l’un des artisans de l’Île de Nantes. De nombreux architectes, urbanistes, promoteurs interviennent simultanément dans les deux villes. Au cours des dix premières années du siècle, les déplacements routiers entre les deux villes, essentiellement d’ordre professionnel, augmentent de 50%, Plus de trois cents sociétés possèdent une double implantation à Rennes et à Nantes et les universités des deux villes ont présenté, sans grand succès il est vrai, des projets communs dans le cadre du Grand emprunt lancé par l’État en 2012.

À l’heure de la mondialisation, les élites politiques et économiques des deux villes sont maintenant convaincues que Rennes et Nantes ont tout intérêt à se rapprocher, car elles restent des villes moyennes à l’échelle européenne : 600 000 habitants pour l’agglomération nantaise, 400 000 pour l’agglomération rennaise. Une structure de concertation permanente s’est constituée en 2009 pour faire en sorte que la coopération l’emporte désormais sur la concurrence, notamment dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la recherche et des réseaux de transports. Mais pour que cette conviction soit partagée et que naisse le sentiment d’appartenance à un même bassin de vie, il manque encore la ligne ferroviaire à grande vitesse qui mettrait les deux centres-villes à 45 minutes l’un de l’autre. Ce projet pourrait se réaliser dans une vingtaine d’années, long délai dans le temps des hommes, bref dans celui des villes.

Thierry Guidet
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018

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En savoir plus

Bibliographie

Bensoussan David, «  Aux origines du découpage régional, la création d'une province de Bretagne par Vichy et ses antécédents », dans 11 questions d'histoire qui ont fait la Bretagne, Skol Vreizh, Morlaix, 2009, p. 94-120

« Nantes-Rennes : le grand rapprochement ? » Place Publique Nantes Saint-Nazaire, n° 17, septembre-octobre 2009, p. 7-64

Renard Jean, «Nantes-Rennes, je t’aime moi non plus »,Cahiers nantais, n°40, 1993, p. 139-148

Saupin Guy, «La perception du réseau urbain dans le conflit entre Nantes et Rennes pour la localisation
du Parlement au milieu du 16e siècle », Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers, 5e série, n°3, 1995, Les réseaux urbains dans le Centre-Ouest Atlantique de l'Antiquité à nos jours, p. 145-172

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Thierry Guidet

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