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Le dessous des sols : fouille archéologique au 22 boulevard Bénoni Goullin


Le diagnostic archéologique réalisé par la DPARC au 22, boulevard Bénoni Goullin, durant le mois de juin 2014, a été entrepris suite au développement d’un projet de construction d’immeubles dans un secteur de la ville relativement mal connu archéologiquement parlant. L’intérêt de l’opération était donc de confirmer la présence ou l’absence de vestiges dans cette partie de l’ancienne île de la Petite Biesse, qui se trouve aujourd’hui au centre de l’Île de Nantes.

Commentaire historique

L’île de Nantes fait figure de véritable désert archéologique, tant les observations s’y font rares. Ce secteur, pris entre les agglomérations de Nantes et de Rezé, qui retiennent toute l’attention des archéologues, est avant tout envisagé comme le support de la ligne de ponts permettant le franchissement de la Loire. Rien n’est connu, ou peu s’en faut, de l’occupation humaine des îles nantaises par le passé.

En l’absence de localisation du port antique de Nantes, l’ancienne Prairie au Duc figure parmi les lieux possibles et propices à ce type d’établissement. C’est pourtant la mention textuelle d’un camp viking installé aux 9e et 10e siècles sur l’île de Biesse, près de Nantes, qui retient traditionnellement l’attention des chercheurs ; son emplacement réel n’est toutefois pas connu, et sa présence n’est attestée qu’indirectement par la découverte de pièces d’armement lors de dragages en Loire. On sait par ces mêmes sources écrites que les îles de Nantes appartiennent au duc de Bretagne durant le Moyen Âge, et que certaines tombent dans le domaine royal au 17e siècle.

Au milieu du siècle suivant, ces îles sont encore des prairies plus ou moins inondables, bien souvent utilisées comme aires de pacage. La ligne de ponts et ses faubourgs forment une exception notable, puisque s’y étirent, en ruban, maisons, moulins, auberges, boutiques, filatures, tanneries, ateliers et établissements religieux (chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, prieuré de la Madeleine, aumônerie de Toussaint et couvent des Récollets). En partie occidentale de l’île de la Petite Biesse, sur laquelle est située la parcelle diagnostiquée, le plan Cacault de 1756 mentionne la prairie de Balagué et figure également, une vingtaine de mètres au sud-ouest, un moulin établi sur une butte artificielle.

Projection du plan Cacault

Projection du plan Cacault

Date du document : 22-01-2015

Compte-tenu de l’imprécision de ce plan pour les parties extra-muros, il est envisageable que cette construction occupe la zone du diagnostic.

Les îles sont remblayées à partir de la fin du 18e siècle, et les vastes étendues de prairies inondables sont mises à profit pour y développer des activités à caractère industriel. En 1835, le cadastre « napoléonien » montre de nouveau un développement important de l’occupation le long de la ligne de ponts, particulièrement aux abords du pont de Pirmil, ainsi qu’au nord, dans la Prairie au Duc, qui voit naître plusieurs projets urbains à partir des chantiers navals et des usines établis le long du bras de la Madeleine. De même, la gare de l’État est implantée sur l’île en 1887, remplaçant les installations provisoires de la Compagnie des chemins de fer nantais, dont l’État a racheté le réseau. Cette configuration reste relativement inchangée jusqu’au début du 20e siècle, lors de la réunion de la majorité des anciennes îles de Loire, qui ne forment désormais plus qu’une seule et même entité, l’actuelle Île de Nantes.

L’activité industrielle, jusqu’ici prédominante, s’efface en 1969 au profit de l’installation du Marché d’intérêt national, et les friches se multiplient aux alentours. Le quartier de l’Île de Nantes est aujourd’hui en pleine reconversion, puisque les projets y foisonnent, mêlant immeubles de logements, Palais de justice, École d’architecture, École des Beaux-Arts, Machines de l’île ou encore Hangar à bananes. Dernière évolution en date, le nouveau Centre hospitalier universitaire devrait s’y installer prochainement, en partie occidentale de l’ancienne Prairie au Duc.

Commentaire archéologique

Lors du diagnostic, six sondages ont été réalisés à la pelle mécanique, jusqu’à une profondeur moyenne de 4 m. Les résultats ainsi obtenus permettent de distinguer deux zones au sein de l’emprise, dont les observations, et par là même l’interprétation, diffèrent.

En partie orientale, aucun vestige n’a été mis en évidence, mais la stratigraphie est identique au sein des différentes ouvertures. En effet, au-dessous des aménagements récents (remblai sableux, niveau de circulation pavé et canalisation) se développe une succession de couches de sable fin coiffant un niveau d’argile bleue, dont seule la surface a été dégagée au fond de chaque tranchée.

Sondage de terrain à la pelle mécanique

Sondage de terrain à la pelle mécanique

Date du document : 16-06-2014

Cette couche argileuse est interprétée comme une accumulation de sédiments marins déposés lors de la transgression flandrienne, phénomène de remontée brusque et importante du niveau de la mer, qui passe alors de - 14 m à un niveau compris entre - 8 m et le niveau actuel. Survenue entre 5500 et 2000 ans avant notre ère, cette transgression entraîne une avancée du trait de côte sur le continent et le recul de l’estuaire jusqu’à Nantes puis Oudon, déposant au passage une épaisse couche d’argile bleue pouvant atteindre 15 m d’épaisseur. La couche sableuse sus-jacente caractérise un phénomène de remblaiement massif de la zone à l’époque moderne : elle correspond en effet à des épandages de sédiments issus des dragages de Loire, qui ont permis l’exhaussement et l’assainissement de la zone pour l’installation de futurs aménagements.

En partie occidentale, la stratigraphie se distingue de celle du reste de la parcelle diagnostiquée. En effet, seules des couches de remblais sableux ont été mises au jour, puisque le toit des argiles flandriennes n’a pas été atteint.

Paroi d'un sondage archéologique

Paroi d'un sondage archéologique

Date du document : 16-06-2014

Cette partie du terrain semble avoir fait l’objet d’un décaissement prononcé, dont l’origine n’a pu être déterminée. Toutefois, quelques aménagements ont été repérés parmi ces remblais, par le biais d’une fondation de maçonnerie composée de petits moellons de tuffeau taillés disposés sans liant, à proximité de laquelle a été découverte une couche argileuse comportant des inclusions de cailloux. Ces vestiges, d’époque récente, pourraient être attribués au moulin visible sur le plan Cacault de 1756 et à un chemin adjacent, conduisant éventuellement à l’un des ponts permettant le franchissement de la Loire.

Ce diagnostic archéologique, qui ne révèle donc que des vestiges d’époque moderne, voire contemporaine, permet malgré tout de mieux appréhender la dynamique de remblaiement récent des basses plaines ligériennes, alimentant ainsi le dossier concernant l’occupation et le comblement des îles de Loire à Nantes, encore très indigent.

Mathieu Laurens-Berge
Direction du patrimoine et de l'archéologie
2018

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En savoir plus

Bibliographie

Amouroux Dominique, Croix Alain, Guidet Thierry, Guyvarc'h Didier. Dictionnaire de Nantes. Rennes : Presses universitaire de Rennes, 2013. 1119 p.

Laurens-Berge Mathieu. Nantes (44). 22, boulevard Bénoni Goullin. Rapport de diagnostic archéologique. Nantes : DPARC, 2015. 61 p.

Le Boulaire Christian. Nantes (44). ZAC du Pré Gauchet, îlot 6. Rapport de diagnostic archéologique. Nantes : DPARC, 2015. 63 p.

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Rédaction d'article :

Mathieu Laurens-Berge

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