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Sculptures figuratives extérieures de l'église Saint-Similien Place du Petit-Bois

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Évocation de Nantes dans les romans de Jules Verne


Nantes, la ville où Jules Verne est né le 8 février 1828 et où il a passé sa jeunesse, a bercé son imaginaire. Nantes, la Loire et ses îles, le port et les bateaux, l'agitation du quai de la Fosse, l'appel vers l'ailleurs... Tous ces éléments sont la source du rêve et le creuset de l'œuvre de Jules Verne.

Couverture du livre de Jules Verne  <i>Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin</i> 

Couverture du livre de Jules Verne  Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin 

Date du document : 1901

Le Comte de Chanteleine

Publiée en 1865 dans le Musée des Familles cette nouvelle est, comme le sous-titre l’indique, un épisode de la révolution… dans l’Ouest évidemment. Bretons, Vendéens et Nantais savent combien la région a été profondément marquée par la Révolution française. Quand Jules Verne écrit Le Comte de Chanteleine on peut dire qu’il sacrifie un peu à un genre régional. Il est l’écho du milieu dans lequel il a vécu. Dans beaucoup de familles nantaises les souvenirs de 1793 étaient particulièrement vivants. La famille Verne n’était-elle pas très liée avec celle des Lucas-Championnière, descendants du général vendéen, voisins de campagne à Brains de l’Oncle Prudent ?

Mais on retrouve aussi dans cette nouvelle des thèmes bien verniens : le refuge dans l’île et le mariage dans la grotte (les célèbres grottes de Morgat). Et le coup de théâtre qui sauve les condamnés, l’annonce du 9 thermidor, c’est par le télégraphe qu’elle est transmise. Ces télégraphes qui, sous forme de jouets, avaient enchanté l’enfance du petit Jules Verne.

Les Forceurs de Blocus

Jules Verne eut l’occasion de rencontrer dans le port de Nantes un corsaire britannique, originaire de Glasgow, Hamilton Tessier. Celui-ci relâchait à Nantes pour faire réparer ses navires. Sa vie était un roman qu’il racontait volontiers. Il avait été forceur de blocus. Sa fille Jenny l’accompagnait dans ses voyages. A une escale à Lorient elle fit la connaissance d’un jeune professeur qu’elle épousa contre la volonté de son père. Elle vint habiter Nantes quand son mari, M. Voisin, fut nommé proviseur du Lycée. Ce sont les descendants du corsaire Hamilton et de Jenny Voisin qui affirment que Les Forceurs de blocus furent inspirés à Jules Verne par un récit de leur ancêtre. La Jenny du roman serait la Jenny bien réelle, dont le nom n’aurait même pas subi de transformation.

La Famille Raton

En 1887 Jules Verne lut à Liège une nouvelle que devait publier par la suite le Figaro illustré. C’était un « conte de fées », en fait une satire des ambitions humaines sous le masque d’une histoire de bêtes. Pas un rat qui échappe au démon de l’ambition sauf un…  le seul philosophe de la bande. Il est vrai qu’il est goutteux ! Comment ne pas penser à ce vieux magasin nantais dont l’enseigne a toujours fasciné les imaginations enfantines « AU RAT GOUTTEUX ». Jules Verne y a-t-il pensé ou l’association d’idées inconsciente, surgie des souvenirs d’enfance, l’a-t-elle influencé ? Il est bien évident que cette famille Raton a des cousins nantais.

Nord contre Sud

Ce roman date aussi de 1887, c’est, bien sûr, l’histoire de la guerre de sécession en Amérique, le Sud esclavagiste contre le Nord libéral. Toutes les sympathies de Jules Verne vont aux anti-esclavagistes. Mais l’honnête Perry, régisseur de la plantation Burbanks, toujours prêt d’ailleurs à faire aux esclaves une vie heureuse, s’inquiète des conséquences que peut avoir l’abolition de ce qui lui semble une des garanties de l’ordre social. Il est sûrement permis de deviner derrière Perry, en filigrane, Nantes ville de négriers. Les relations de la famille Verne dans le milieu des négociants et armateurs laissent facilement supposer que Jules Verne enfant, adolescent, jeune homme, a dû être le témoin de controverses passionnées où se faisaient entendre partisans de la liberté et défenseurs de la tradition esclavagiste, sachant très bien que ces derniers n’étaient pas forcément des tigres altérés de sang mais souvent de braves gens dans la vie quotidienne, comme Perry. Le problème de la traite est un problème nantais, cela permet à Jules Verne de nuancer sa défense.

Deux ans de vacances

Dans ce roman l’on voit les jeunes robinsons de l’île Chairman se choisir un chef. Ils votent pour celui d’entre eux que Jules Verne nous présente comme le plus intelligent, le plus vif d’esprit. Ce jeune français s’appelle Briant : c’est, à une lettre près, le nom d’un camarade de Michel Verne au Lycée de Nantes, lorsque le fils de Jules Verne y fut inscrit en 1877 ; ce jeune homme, Aristide Briand, demeura en relation avec l’écrivain. Une tradition, bien respectable et séduisante de la critique vernienne, veut que le futur très célèbre Aristide Briand de Nantes et de Saint-Nazaire soit le modèle du jeune Briant du roman.

Illustration du roman de Jules Verne,  <i>Le superbe Orénoque</i> 

Illustration du roman de Jules Verne,  Le superbe Orénoque 

Date du document : 1898

Le Superbe Orénoque

Publié en 1898, trois ans après la réception à l’Académie française du poète José Maria de Heredia, ce roman nous entraîne de Chantenay-sur-Loire près Nantes jusqu’au Venezuela, sur les rives de l’Orénoque.

Chantenay où la famille Verne avait, place Saint-Martin, sa maison de vacances. Non loin de la Bourcardière, demeure des armateurs Guillon dont un fils deviendra le beau-frère de Jules Verne. Chantenay, source des premiers rêves de voyages du jeune Jules Verne. Chantenay, point d’attache permanent où l’écrivain reviendra souvent avec sa famille, où il écrira des pages de ses plus célèbres romans, comme Autour de la lune. Chantenay, symbole de son attachement profond à sa petite patrie et à sa famille.

Chantenay où, dans Le Superbe Orénoque, reviendra Jeanne de Kermor avant de partir à la recherche de son père en Amérique. Jeanne de Kermor, séparée de son père, et qui a perdu sa mère dans un naufrage, Jeanne de Kermor ou Juana comme l’appelle la famille qui a recueilli l’orpheline. Cette famille de colons fixés à Cuba porte, à une lettre près, un nom très connu : Eredia. Comment, là encore, ne pas penser aux liens de Heredia et de Nantes, liens que ne pouvait ignorer Jules Verne dont la famille était très liée avec les Chéguillaume, cousins des Heredia par le mariage du poète avec Louise-Cécile d’Espaigne. Ces liens de famille avec Nantes et des liens  d’amitié avec l’artiste nantais Toulmouche devaient régulièrement ramener la famille Heredia dans la région, en particulier près de Savenay à la belle propriété des Toulmouche, l’ancienne abbaye de Blanche-Couronne décrite par Gérard d’Houville (Marie de Heredia) sous le nom de Noirtresse.

Trois semaines auparavant, après avoir quitté leur maison de Chantenay, près Nantes, ils avaient été s’embarquer, à Saint-Nazaire, sur le Pereire, paquebot de la Compagnie transatlantique, à destination des Antilles. De là, un autre navire les avait transportés à La Guayra, le port de Caracas. Puis, en quelques heures, le chemin de fer les avait conduits à la capitale du Venezuela.
(…)
 Le lit de l’Orénoque, très élargi, offrait alors un aspect qui devait frapper Jean de Kermor et le sergent Martial en leur qualité de Nantais. De là vint que celui-ci ne put retenir cette observation :
« Hé ! mon neveu, regarde donc un peu où nous sommes aujourd’hui… »
Le jeune garçon, quittant le rouf, se plaça sur l’avant de l’embarcation, dont la voile gonflée s’arrondissait derrière lui. L’atmosphère, très pure, laissait apercevoir les lointains horizons des Ilanos. Alors le sergent Martial d’ajouter :
« Est-ce que, par hasard, nous sommes revenus dans notre cher pays de Bretagne ?…
- Je te comprends, répondit Jean. Ici, l’Orénoque ressemble à la Loire…
- Oui, Jean, à notre Loire au-dessus comme au-dessous de Nantes !… Vois-tu ces bancs de sable jaune !… S’il naviguait entre eux une demi-douzaine de chalands, avec leur grande voile carrée, à la queue les uns des autres, je croirais que nous allons arriver à Saint-Florent ou à Mauves !
-    Tu as raison, mon bon Martial, et la ressemblance est frappante. Toutefois, ces longues plaines qui s’étendent au-delà des deux rives, me rappellent plutôt les prairies de la basse Loire, du côté du Pellerin ou de Paimboeuf.
- C’est ma foi vrai, mon neveu, et je m’attends à voir paraître le bateau à vapeur de Saint-Nazaire – le pyroscaphe, comme on dit là-bas, un mot qui est fait avec du grec, paraît-il, et que je n’ai jamais pu comprendre !
- Et, s’il vient, le pyroscaphe, répondit le jeune garçon en souriant, nous ne le prendrons pas, mon oncle… nous le laisserons passer… Nantes est maintenant où est mon père… n’est-ce-pas ?…
 - Oui… là où est mon brave colonel, et lorsque nous l’aurons retrouvé, lorsqu’il saura qu’il n’est plus seul au monde, eh bien… il redescendra le fleuve avec nous en pirogue… puis sur le
Bolivar… puis il prendra avec nous le bateau de Saint-Nazaire… et ce sera bien pour retourner cette fois en France…
(…) Ire partie – chapitre VI « D’îles en îles ».
Dix jours après, ils étaient à la Havane, près de la famille Eredia, et vingt-cinq jours plus tard en Europe, en France, en Bretagne, à Saint-Nazaire, à Nantes.
Et alors Germain Paterne de dire :
« Sais-tu bien, Jacques… c’est cinq mille kilomètres que nous avons faits sur l’Orénoque !… Est-ce que cela ne t’a point paru un peu long ?…

Illustration de George Roux pour le roman de Jules Verne,  <i>Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin</i> 

Illustration de George Roux pour le roman de Jules Verne,  Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin 

Date du document : 1901

Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin

Sur le Saint-Enoch des marins sont embarqués… marins de romans mais leur identité appartient bien à la vie réelle, leurs noms apparaissent  sur les pages des registres d’état-civil des archives de Nantes, sur les vieux faire-part. Ne revit-on pas les souvenirs de sa jeunesse, en vieillissant : depuis que sa mère est morte, en 1887, Jules Verne n’est jamais revenu à Nantes et c’est depuis cette date que Nantes apparaît si souvent dans ses romans. Avec Jean-Marie Cabidoulin, Allotte (un cousin des Verne), Ducrest (mari d’Anna Verne et donc beau-frère de Jules Verne), Ollive (capitaine du bateau de Jules Verne, le Saint-Michel III), Bourcart et Coquebert (deux vieux Nantais) etc. partent à la recherche du serpent de mer.

Bourses de voyage

En 1904, un an avant sa mort, Jules Verne publie ce roman qui met en scène un jeune garçon Louis Clodion (un nom qui rime avec Guillon, belle famille de la plus jeune sœur de Jules Verne) dont les parents sont armateurs au long cours à Nantes et l’oncle planteur aux Antilles : une situation reproduite dans bien des familles nantaises. Jules Verne se souvient peut-être aussi du temps où, élève au collège Saint-Stanislas et au Collège de Nantes (futur Lycée), il avait de nombreux camarades dont le nom sur les palmarès jaunis est suivi de la mention : de la Martinique, de la Guadeloupe, de Cayenne, de la Nouvelle-Orléans… Merveilleuse ville de Nantes, porte ouverte sur l’aventure, le rêve et le voyage, Nantes capitale des Voyages extraordinaires et patrie de Jules Verne, sa source inépuisable d’inspiration !

Luce Courville
Bibliothèque municipale de Nantes / Centre d’études verniennes
1972

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