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Étienne Destranges et Jeanne Salières Cassegrain

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Monument aux Morts


La commémoration des « morts pour la France » accompagne la construction de la République. Ainsi, le 29 juin 1794, les républicains nantais rendent hommage à leurs « frères morts pour la patrie » dans la défense de Nantes contre l’attaque vendéenne survenue un an auparavant. C’est après la guerre de 1870 que sont édifiés des monuments pour glorifier les soldats citoyens et conforter la République.

Le 21 avril 1897, Félix Faure, président de la République, inaugure un mémorial sur le cours Saint-Pierre. Sur un piédestal où sont représentés quatre soldats, le sculpteur Georges Barreau a figuré un homme terrassant un aigle. Vingt-sept ans après la débâcle, ce monument, fruit d’une souscription publique lancée par les anciens combattants de 1870, participe au mythe de la « glorieuse défaite » et à l’idée de la revanche. Son message est assez explicite pour qu’il soit démonté en août 1940 et caché dans un entrepôt municipal. Restauré, il retrouve son emplacement en 1987.

La prégnance des enjeux de mémoire est illustrée par la polémique autour de la construction du monument aux morts de 1914-1918. Dès le 14 novembre 1918, le maire, Paul Bellamy, fait voter le principe d’un monument qui n’est inauguré que neuf ans plus tard. Le choix du site, le cours Saint-André, n’est adopté qu’en 1925 après consultation des dix-huit associations d’anciens combattants. La question de la symbolique est encore plus épineuse : les anciens combattants veulent maintenir l’image de l’Union sacrée par un monument neutre susceptible d’être accepté par tous. La presse de droite dénonce un projet qui ne célèbre pas la victoire et ne fait pas référence à la religion ; celle de gauche milite pour une représentation de la douleur engendrée par la guerre. Le choix de l’architecte, l’ancien combattant Camille Robida, de concevoir de simples Tables mémoriales où les noms des 5 854 morts se succèdent dans l’ordre alphabétique par souci d’égalité républicaine, est accepté par défaut. La décision de Bellamy d’adjoindre au monument aux morts une statue, La Délivrance, relance la polémique en 1927. Après une très violente campagne de presse, la statue est renversée par des membres des Jeunesses patriotes dans la nuit du 10 au 11 novembre 1927. Malgré ces péripéties, les Tables mémoriales s’imposent comme un sanctuaire de la mémoire de la Grande Guerre ravivée chaque 11 Novembre.

Monument aux morts, cours Saint-Pierre

Monument aux morts, cours Saint-Pierre

Date du document : 12-03-2012

Si en 1918 la municipalité a rapidement adopté le principe de la construction d’un monument, après la Seconde Guerre mondiale elle s’empresse d’attendre face à des demandes émanant d’acteurs très différents : soldats, résistants, déportés, « fils de tués ». L’hypothèse d’un monument commun aux victimes de la guerre est évoquée au début des années 1950. En 1955, les propositions d’une commission regroupant 48 associations restent sans suite. Une simple plaque « Aux victimes de la guerre 1939-1945 » est apposée devant les Tables mémoriales de 1914-1918. Quatre autres plaques évoquent « les théâtres d’opérations extérieures » et achèvent de faire de ce monument un mémorial de toutes les guerres du 20e siècle.

Cette extension de la signification du monument du cours Saint-André ne lui confère pas le monopole de la mémoire héroïque ou douloureuse : les monuments aux otages au Pont-Morand, aux résistants fusillés au Bêle, aux déportés à la Chauvinière rappellent que les victimes des guerres ne sont pas seulement des soldats.

Didier Guyvarc’h
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018

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