Un projet de marché-gare controversé

En 1953, l’État décide d’implanter des Marchés d’Intérêt National dans dix-neuf grandes villes de France. Ces établissements ont pour but d’améliorer la commercialisation des denrées périssables en rassemblant dans un ensemble cohérent les activités commerciales des producteurs et des vendeurs, de les doter d’installations rationnelles, d’une bonne desserte ferroviaire et routière, ainsi que d’un frigorifique polyvalent. Ils sont tout d’abord conçu sur le modèle des marchés-gares américains qui fonctionnent comme des bourses aux fruits et légumes, informées des demandes du marché national.

De ce fait, dès 1954, tous les acteurs nantais concernés par la question sont approchés et consultés. La réception du projet de création d’un nouveau marché-gare à Nantes est très négative : d’aucun pense que le projet n’améliorera ni la distribution des produits, ni la réduction des frais généraux, ni le prix de vente au consommateur. En outre, le modèle américain, adapté à des métropoles de plus d’un million de consommateurs très éloignées des lieux de production, semble en inadéquation totale avec le système français et plus spécifiquement la région nantaise. Tous préfèrent envisager l’amélioration des halles du Champs de Mars.

Afin d’élargir les horizons et les réflexions, la Chambre de commerce organise des voyages dans différentes villes de France pour ses adhérents touchés par la question. Elle entretient une correspondance fournie et amoncelle une vaste documentation. Ces exemples ne font que renforcer producteurs et vendeurs dans leur décision : les marchés-gares et leur corollaire, la vente au cardan, ont surtout été préjudiciables au producteur qui ne vend pas plus mais vend moins cher avec des frais plus importants.

L’implantation du MIN sur l’ancienne île Sainte-Anne

À la fin des années 1950, la doctrine des marchés-gares se précise et évolue vers la mise en place des Marchés d’Intérêt National. Les protagonistes sont toujours aussi hostiles à ce projet mais, la Ville, à la demande du gouvernement, commence à préparer l’implantation d’un MIN. Le choix du lieu d’implantation sur l’île Saint-Anne est liée à la situation exceptionnelle de cet emplacement : à la confluence de deux bras de Loire, à proximité de la gare de l’État et des quais Wilson et des Antilles où sont implantés les hangars à primeurs.

En outre, il offre également la possibilité d’acquérir plusieurs hectares appartenant à la SNCF et situés dans l’enclave de la gare de l’État.

Après une longue phase d’étude et d’acquisition de terrains, le MIN de Nantes est déclaré d’utilité publique en 1965. Il s’installe sur 16 hectares (9 dépendant du domaine public communal et sept du domaine public ferroviaire). Le projet est confié à Louis Arretche et à Charles Friesé. Les deux architectes sont chargés d’implanter sur cet ancien secteur ferroviaire les équipements nécessaires au fonctionnement du MIN : centre administratif, installations pour la fédération des maraîchers (bureaux, école ménagère, hall de conditionnement, quai routier et quai ferroviaire) et installations frigorifiques qui se composent d’une station de production du froid destinée à alimenter en glace le marché et notamment le hall de conditionnement, un frigorifique de stockage nécessaire au marché et un frigorifique polyvalent avec liaison directe avec le port permettant le stockage momentané ou à long terme de denrées débarquées sur le quai Wilson.

Les architectes conservent les anciens réservoirs à eau de la gare de l’État et s’attachent particulièrement au dessin de la bourse, qui remplacent la rotonde ferroviaire et marque depuis la rue la vocation du lieu. Les magasins sont rassemblés dans des halles desservies à la fois par la route et le rail. Ces halles sont pourvues de quais latéraux routiers et ferroviaires, et d’une grande allée centrale desservant de part et d‘autre les magasins des grossistes. Le carreau de vente directe des producteurs est un marché couvert desservi uniquement par route. Il sert à l’écoulement sur place des denrées apportées par les producteurs correspondant à la part de production consommée directement dans la région sans qu’il y ait d’expéditions ni de stockage puisque l’acheteur enlève directement la marchandise. Enfin, le bloc du froid est conçu pour un développement de sa capacité.

À son ouverture, le 31 mars 1969, les équipements couverts du MIN totalisent 16 800 mètres carrés : 5000 mètres carrés de hall d’exposition principal, environ 2500 mètres carrés de bâtiments administratifs (hall des ventes, bureaux de gestion, bureaux de sociétés, hall d’informations et de télécommunications, bureaux pour succursales de banques), 4500 mètres carrés de bâtiments pour la fédération des maraîchers, 4800 mètres carrés de magasins desservis par la route et la voie ferrée. Il est pourtant considéré tout de suite comme trop étroit.

Dès 1985, il s’agrandit de 4 hectares pour implanter un libre-service ainsi que des entrepôts frigorifiques. En 1993, il est projeté de créer une voie de raccordement au futur pont de Rezé.

Intimement lié à la gare ferroviaire, le MIN est fortement impacté par la fermeture de celle-ci en 1994. Trop à l’étroit dans ses locaux, il est déplacé sur l’emplacement de l’ancien abattoir de Rezé en 2019.

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021