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Rue Alfred-Riom Ancienne école de Saint-Joseph-de-Porterie

1757

Hôtels de ville de Doulon et de Chantenay


Les hôtels de ville de Doulon et de Chantenay sont inaugurés respectivement en 1900 et 1904. Leur édification précède de peu l’annexion des deux communes à Nantes, votée en 1908. Ainsi, leur acte de naissance intervient à un moment clé de l’histoire des deux communes.

Les premiers hôtels de ville

Doulon et Chantenay n’ont pas attendu la loi du 5 avril 1884 qui oblige chaque commune à se doter d’un hôtel de ville, pour en posséder un.

L’emplacement de la mairie de Doulon dans la première moitié du 19e siècle reste incertain, même si l’on peut supposer que la cure joue le rôle de salle communale. Néanmoins, il ne s’agit pas encore d’un lieu dédié. En 1847, alors que l’école communale de garçons est construite à l’emplacement actuel de la mairie, deux pièces sont réservées pour la mairie. C’est donc le principe d’une mairie-école qui prévaut alors, comme souvent dans les petites communes.

Plan de Doulon

Plan de Doulon

Date du document : 07-12-1887

A Chantenay où la population est plus nombreuse, les édiles font construire dès 1827, une salle de mairie contiguë au presbytère Saint-Martin, au cœur du bourg, « considérant qu’il est important pour la commune de posséder un local où les papiers concernant l’administration soient placés dans un lieu convenable et qui n’a pas pu avoir lieu jusqu’à présent, à cause de la nécessité où s’est trouvée la commune de louer une chambre qui peut lui être retirée d’une année à l’autre » . En 1871-1872, pour répondre aux besoins croissants, une maison plus spacieuse est acquise près de l’église et transformée, alors que l’ancienne mairie est détruite. Cependant l’espace manque, obligeant à des agrandissements (1895) et des locations de bâtiments annexes.

Plan de Chantenay

Plan de Chantenay

Date du document : 1902

Répondre aux besoins de la population

A Doulon comme à Chantenay, construire un nouvel édifice répond à une attente première : celle d’une population dont la croissance est alors exponentielle. Entre 1851 et 1901, la population de Chantenay quadruple passant de 5 000 à près de 20 000 habitants, alors que celle de Doulon passe de 1 500 à près de 7 000 habitants.

Ces communes qui ont vu l’implantation des industries et du chemin de fer, attirent une main d’œuvre venue de Loire-inférieure et des départements de Basse-Bretagne et de Vendée. Ce sont donc principalement des ouvriers qui s’installent au plus près de leurs lieux de travail.

La croissance démographique doublée de la transformation sociale de la population a des conséquences sur le développement des services à la population. Les services municipaux s’étoffent au fil du temps. Par ailleurs, au cours du 19e siècle, les lois municipales successives tendent à renforcer les prérogatives des maires. Archives, bibliothèque, état civil, mais aussi secours populaire, etc : une salle commune n’y suffit plus.

Construire dans un lieu central : de vives polémiques

Construire l’hôtel de ville, c’est affirmer la place et le rôle du pouvoir municipal dans la commune. Le choix de son emplacement constitue souvent une pierre d’achoppement. Le lieu doit être « central » , c’est-à-dire desservir au mieux la population. Or, avec l’explosion démographique, le territoire s’est développé inégalement autant à Chantenay qu’à Doulon.

A Doulon, c’est le quartier ouest de Toutes-Aides, limitrophe de Nantes qui se développe et se densifie le plus rapidement.
Lorsque le projet de construire une nouvelle mairie est envisagé en 1869, le choix du Conseil Municipal se porte sur le Vieux Doulon, plus à l’est. Cette décision entraîne la protestation des conseillers municipaux de Toutes-Aides, qui estiment plus légitime de construire dans leur quartier, le plus peuplé de la commune. Le projet est finalement ajourné.

En 1896, un nouveau projet est proposé, avec, cette fois, comme lieu d’implantation une parcelle située en bordure du boulevard de ceinture, à deux pas de l’église de Toutes-Aides. Mais, le propriétaire du terrain en demande un prix jugé exorbitant. La municipalité choisit alors de maintenir l’hôtel de ville à son emplacement actuel, aux Portes, à proximité du passage à niveau de la gare de Doulon.

Projet de construction de la mairie de Doulon

Projet de construction de la mairie de Doulon

Date du document : 10-02-1898

A Chantenay, le développement urbain suit l’industrialisation qui touche deux quartiers opposés : le Bas-Chantenay au sud-ouest, la Ville-en-Bois au nord-est.

En 1869, quand le maire et la majorité du Conseil municipal choisissent de reconstruire la mairie dans le vieux bourg près de l’église Saint-Martin, les conseillers municipaux de la Ville-en-Bois s’insurgent. Ceux-ci arguent du fait que la population du Haut-Chantenay s’est fortement accrue et qu’elle a autant besoin de la proximité de la mairie que les habitants du Bas-Chantenay. Devant ce vent de contestation, la mairie recule et le projet est retiré.

En 1900, quand l’idée d’une nouvelle mairie est relancée à Chantenay par le maire radical Paul Griveaud, nouvellement élu, l’opposition au sein du Conseil municipal ressurgit. Les débats se cristallisent entre partisans de l’annexion de Chantenay à Nantes et opposants qui souhaitent maintenir l’indépendance de cette riche commune industrielle.

Ainsi, le nouveau maire radical Paul Griveaud souhaite bâtir un « bel édifice communal » « topographiquement au centre de la ville». Il choisit un terrain le long du boulevard de la Liberté. Mais les conseillers municipaux du Bas-Chantenay, notamment les industriels partisans de l’annexion, refusent ce nouvel emplacement situé en dehors de leur aire d’influence.
En 1902, ces vives tensions se soldent par la démission des conseillers opposés au projet du maire. Le projet peut donc se poursuivre.

Plan de Chantenay (2ème édition)

Plan de Chantenay (2ème édition)

Date du document : 1904

Quelle esthétique architecturale pour un bâtiment symbole ?  

Il existe à la fin du 19e siècle des modèles architecturaux que les hommes de l’art connaissent et qui sont une source d’inspiration. L’exemple de l’hôtel de ville de Paris reconstruit entre 1874 et 1882 par les architectes Ballu et Deperthes constitue à ce titre un bâtiment repère, connu et souvent copié. Néanmoins, force est de constater l’éclectisme et la variété des réalisations à travers la France. Il en est ainsi des deux hôtels de ville de Doulon et de Chantenay.

La conception de la mairie de Doulon est confiée à l’architecte Francis Leray. Ce dernier réalisera en 1908 l’hôtel de ville de Redon distingué dans l’ouvrage de références Monographies des bâtiments modernes de A. Raguenet. Mais en 1897 quand il est choisi pour la mairie de Doulon, l’architecte n’est pas encore reconnu.

Projet de façade Mairie de Doulon

Projet de façade Mairie de Doulon

Date du document : 10-02-1898

Façade principale de la mairie de Doulon

Façade principale de la mairie de Doulon

Date du document : 25-09-2009

En juillet 1898, les plans de l’hôtel de ville sont dressés. Il s’agit d’un édifice massif sur trois niveaux, disposé dans l’alignement de la rue, flanqué d’un côté par l’entrée de l’école de garçons, et de l’autre par la salle des pompes. Le bâtiment, de style éclectique, est inspiré par la Renaissance. On y accède par un porche qui ouvre sur un vestibule desservant la conciergerie, la salle d’archives, la salle des commissions et le secrétariat. L’étage noble où se situent le cabinet du maire et la salle du Conseil est souligné à l’extérieur par trois baies accolées précédées d’un balcon à balustrades. L’étage sous comble abrite une bibliothèque et un logement. Le campanile-beffroi, l’horloge, l’inscription « Hôtel de Ville » placée dans l’axe de la façade, signifient la place de cet édifice public dans la cité.

Projet de dégagement de la mairie de Doulon

Projet de dégagement de la mairie de Doulon

Date du document : 01-05-1899

Ce projet, approuvé par la commission départementale des Bâtiments civils, souffre cependant d’un manque de mise en valeur, du fait de l’exiguïté du terrain et de la proximité de l’école communale de garçons. Aussi, de nouvelles propositions sont formulées en mai 1899. C’est sans doute à cette occasion que les plans de l’édifice sont modifiés. L’architecte choisit de placer le bâtiment en retrait de la rue, dégageant un espace suffisant pour la création de deux ailes en retour. Il s’agit de donner plus de prestance à l’ensemble. Ces modifications révèlent une préoccupation constante quant au résultat attendu  : livrer un édifice en adéquation avec le rang de la commune.

A Chantenay, le parti pris architectural est plus largement critiqué. La conception de la nouvelle mairie se veut sobre comme le rappelle la délibération du 16 septembre 1900 : « le bâtiment serait spacieux, construit sans aucun luxe, il aurait une grande salle pour le public, pour faire des conférences, pour donner des fêtes …Ce serait la salle du peuple, sans grande architecture mais confortable et, nous aurions un salle du conseil où il y aurait plus de place... » Ce programme paraît contradictoire avec les propos de la délibération du 21 octobre 1900 : « D’abord, une façade splendide, un terrain plat sur le boulevard, au levant ».

Chauvin, ingénieur-géomètre, architecte de la ville à qui le maire a confié le projet, a de toute évidence retenu les premiers propos. Mais lorsqu’il présente ses plans en 1901 à la commission départementale des Bâtiments Civils, celle-ci émet de nombreuses réserves. L’année suivante, le projet légèrement revu reçoit le même accueil frileux. Outre des maladresses de conception, l’esthétique d’ensemble déçoit.

« Quoique la commission des Bâtiments civils ne soit pas appelée à donner son avis qu’au point de vue technique et graphique et non sur des questions d’esthétique ou de dispositions artistiques extérieures, nous nous permettons cependant de faire remarquer que tout en restant dans les limites des ressources disponibles, la Commune de Chantenay aurait pu être dotée d’un édifice répondant mieux comme dispositions intérieures aux nouveaux services municipaux et ayant surtout, même avec une grande simplicité, le caractère spécial qui convient aux édifices de cette nature dont les types sont si nombreux en France. »

En approuvant ce point-de-vue, les membres de la commission reprennent une idée enseignée par Jean-Nicolas Louis Durand dans son Précis d’architecture, selon laquelle un hôtel de ville doit se trouver en harmonie avec ce qui l’entoure et en conformité avec son rang. Ainsi, la façade est agrémentée d’ornements sculptés et dotée d’un portique à 4 colonnes de granit rose, afin de lui donner plus de prestance.

Projet de construction de la mairie de Chantenay

Projet de construction de la mairie de Chantenay

Date du document : 1902

Façade principale de la mairie de Chantenay

Façade principale de la mairie de Chantenay

Date du document : 28-05-2012

Inaugurations : « le chant du cygne »

Doulon, le 24 avril 1900, M le Préfet s’adresse à M le maire Millet pour louer les vertus du pouvoir municipal, républicain et patriotique : « Vous avez renoué la traditions de nos premières communes qui se constituèrent afin d’obtenir la liberté et de vivre sur le pied d’égalité en pratiquant la fraternité pour s’affranchir du joug et des brigandages des seigneurs féodaux….. ce fut le commencement de la patrie... »

Chantenay, le 4 septembre 1904 : M Pelletan ministre de la Marine préside les cérémonies inaugurales de la nouvelle école de la Fraternité, de l’hôpital et de la mairie de Chantenay. Après avoir franchi un arc de triomphe symboliquement dressé à la frontière avec Nantes, après avoir contemplé la devise française « Liberté, Égalité, Fraternité » complétée de « Paix, Travail » inscrite sur la façade de l’Hôtel de ville, il rejoint la grande salle de cérémonie de la mairie où se rejoue le pacte républicain.

Plan de Nantes

Plan de Nantes

Date du document : 1909

Si le cérémonial républicain donne à Doulon et à Chantenay l’illusion de leur indépendance, le processus d’annexion est déjà en cours. Le rattachement des deux communes à Nantes est proclamé en 1908. Ainsi ces deux hôtels de ville incarnent tout à la fois l’affirmation du pouvoir municipal sous la IIIe République, mais aussi sur le plan local, la fragile tentative d’indépendance des communes de banlieue face à la ville centre.

Irène Gillardot
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2020



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En savoir plus

Bibliographie

Doulon de l’indépendance à l’annexion, Association Doulon-Histoire, Nantes, 2000

Doulon. Du village à la ville, Groupe de recherches historiques de la maison de quartier de Doulon, Paris, 1985

Le Chantenay de Griveaud, Archives Municipales de Nantes, 2004

Bienvenu Gilles, « Mairies », in Dictionnaire de Nantes, Nantes, 2013

Gloc-Dechezleprêtre Marie, « Hôtels de ville au 19e siècle : architectures singulières », in Livraison d’histoire de l’architecture, n°1, 1er semestre 2001, p. 27-49

Pages liées

Paul Griveaud (Charolles, 1847 - Nantes, 1909)

Doulon

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Bellevue - Chantenay - Sainte Anne Doulon - Bottière Mairie

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Rédaction d'article :

Irène Gillardot

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