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Place du Commerce Statue du Général Cambronne

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Papotière


Complètement remanié par la création de l’institut Dobrée et les aménagements du 20e siècle, la Papotière est néanmoins l’un des derniers témoins du morcellement seigneurial de Doulon du Moyen Âge à la Révolution.

Un domaine pour la noblesse de robe

Dès le Moyen Âge, La Papotière – un lieu-dit situé à environ 1 kilomètre du bourg de Doulon – constitue, comme beaucoup de seigneuries doulonnaises, une assise foncière pour la noblesse de robe nantaise. La propriété dont dépendent le marais et son moulin est baignée au sud par l’étier de Mauves et à l’ouest par le ruisseau de l’Aubinière.

En 1480, la seigneurie est propriété de Pierre Landais, trésorier et ami du duc de Bretagne. Il semble s’y être réfugié au moment de sa disgrâce, avant son arrestation et sa pendaison sur la Prairie-au-Duc. Au 16e siècle, la propriété appartient à Florimond le Charon, général des finances en Bretagne. Puis, au 17e siècle, elle passe à la famille Barnabé dont les membres seront successivement général des finances et président aux comptes. Le patronyme familial se complexifie dans le courant du siècle en Barnabé de la Papotière. À la mort de René Barnabé en 1709, la propriété échoit à sa fille Louise, femme de Thomas de Grou.

À la suite du décès de Thomas de Grou, sa femme loue la propriété à différents particuliers dont, en 1768, Guillaume de Liépure, écuyer, sieur du Bois Pacé, directeur et receveur général des domaines et contrôles en Bretagne. Puis, en 1788, ses héritiers Charles Philippe Valleton et sa femme Rosalie de Grou ainsi que Joseph de Branges et Marie-Perrine de Grou vendent la propriété à Julien Lelubois de Marsigny, conseiller et secrétaire du roi et de ses finances pour la somme de 73 000 livres.

Un « château » et un parc

Au 17e siècle, la Papotière a sans doute été remodelée pour créer un domaine dans l’air du temps intégrant des innovations comme des toits à la Mansart, des pavillons, et un parc dessiné d’allées débouchant sur des saut-de-loup.

On accède à la maison – qui est qualifiée de « château » en 1788 – par une allée plantée d’ormes.

La bâtisse formée de plusieurs corps de logis et pavillons est précédée d’une cour et entourée d’un parc clos de murs. Érigé sur un niveau de cave, le rez-de-chaussée comprend une salle à manger ou grande salle, un salon « de compagnie », un office, une cuisine, une arrière-cuisine ainsi qu’une chambre cossue précédée de deux cabinets et d’une garde-robe et meublée par un lit à baldaquin, une glace à trumeau, une tapisserie et un tableau au mur, six fauteuils et sept chaises. Un escalier à double volée dessert les niveaux supérieurs. Le premier palier constitue sans doute un entresol. Le cabinet des archives qui conserve une armoire avec les papiers du domaine et la chambre de la cuisinière y sont installés. À l’étage noble, deux chambres reprennent la distribution des pièces du rez-de-chaussée. Le grenier est mansardé. Au-devant des pièces de réception, des parterres de buis s’étalent ; une chapelle et une ménagerie s’élèvent à proximité.

Le parc est planté, sans doute dès le 17e siècle, d’arbres ornementaux dit « bois de décoration » et de très nombreux arbres fruitiers vivriers dont les fermiers prenaient soin : des dizaines de pommiers, 44 cerisiers, des dizaines de pruniers, des pêchers, des abricotiers, des noisetiers en touffe, plusieurs figuiers et des grenadiers. Autour de la maison, de nombreux jasmins grimpent sur des treilles, tandis que le portail principal est encadré de cyprès et de filaria en espalier. Des charmilles plantées dans les années 1760 encadrent un saut-de-loup qui dégage la vue depuis l’étang de la Papotière vers la Prairie-de-Mauves. La présence du pavillon des valets et de la ferme « du coing du parcq » anime la déambulation.

Du 19e siècle au 20e siècle, un lieu dédié à l’éducation

Après la Révolution, le domaine échoit à la famille Becdelièvre, immenses propriétaires terriens nantais dont les terres doulonnaises sont vendues morceaux par morceaux jusqu’au milieu du 20e siècle.

En 1852, les frères de Ploërmel créent une première école à la Papotière. Celle-ci a vocation à former des enfants qui seront plus tard appelés à la vie religieuse au sein de l’Institut. La tentative ne donna que peu de résultats et fut abandonnée en 1857 au profit d’une école classique. Pour créer cette école, les frères se déplacèrent dans le quartier de Toutes-Aides en 1859.

Thomas Dobrée rachète le domaine dans la seconde partie du 19e siècle. Ce changement de propriétaire ouvre un nouveau destin pour la Papotière qui devient, du milieu du 19e siècle à nos jours, un lieu dédié à l’éducation.

L’institut Thomas Dobrée

En 1900, Hyppolite Durand-Gasselin, exécuteur testamentaire de Thomas Dobrée, crée l’Asile Thomas Dobrée pour Enfants protestants français moralement abandonnés. Dans le sillage de l’Union française pour le sauvetage de l’enfance créée en 1887, cet asile propose une réponse au problème de l’enfance maltraitée. Il s’inspire peut-être du projet de ferme-asile qu’avait développé Aristide Vincent à Brest dès 1848 : une congrégation religieuse encadre l’éducation d’enfants maltraités ou abandonnés par leur famille qui, par défaut d’éducation appropriée, pourraient devenir un danger pour la société au lieu d’être des sujets loyaux et contributifs.

La Papotière est un asile provisoire doté d’une école primaire et de plusieurs maisons servant de dortoirs, d’un bâtiment administratif et de bâtiments utilitaires. L’école se compose de deux bâtiments bordant une cour ombragée, un préau, des sanitaires extérieurs. Ces deux classes peuvent accueillir seize garçons et douze filles. En parallèle, les terres de la Papotière permettent de nourrir et de former les enfants aux métiers agricoles, avant de les placer à la campagne dans des familles d’accueil.

Élevée sur un niveau de cave, la maison du directeur a deux étages dont un rez-de-chaussée surélevé. Les enfants sont quant à eux accueillis dans des pavillons appelés « maisons de famille ».

L’ensemble est intégré dans un grand parc arboré.

Peu avant la Première Guerre mondiale, l’asile pour enfants est transformé en maison de retraite protestante.

Du projet avorté de sanatorium à l’Institut pour enfants handicapés

La Papotière est acquise par le Département avant 1925. Quelques années plus tard, la Ville de Nantes étudie la possibilité de transformer le lieu en sanatorium. Le projet ne verra pas le jour.

En 1938, les Frères de Saint-Jean-de-Dieu acquièrent la Papotière pour y créer un nouveau centre d’accueil pour les enfants handicapés. Ce centre n’était pas le premier créé par la congrégation : en 1858, les Frères de Saint-Jean-de-Dieu fondent à Paris leur premier « Asile des jeunes garçons infirmes et pauvres » – plus connu aujourd’hui sous le nom de Centre médico-social Lecourbe. La vocation des centres de Saint-Jean-de-Dieu est d’accueillir les enfants pauvres atteints des handicaps les plus divers, de leur fournir un environnement adapté, d’améliorer leur état de santé, de les éduquer et de leur apprendre un métier pour préparer leur avenir. Pour parvenir à ces buts, les religieux aménagent dans leurs centres des espaces variés : bloc opératoire, salles de soins, école, ateliers, salle de musique, de spectacle et de cinéma, salle de sport, piscine, etc.

En 1939, la communauté engage Yves Liberge, architecte nantais, qui dépose un permis d’agrandissement pour la Papotière. Les nouveaux travaux dotent l’établissement d’un pavillon médical avec une infirmerie, un cabinet de dentiste et deux salles de jour. Le bâtiment administratif de l’institut Dobrée – dénommé « Château » – est agrandi par l’adjonction d’une chapelle. La cuisine est également agrandie. Une galerie extérieure relie ce bâtiment aux pavillons de logement. Les espaces qui existaient entre ceux-ci sont complétés par de nouveaux bâtiments pour former un édifice longitudinal continu.

L’association Moissons nouvelles

L’association Moissons Nouvelles est créée en 1941 par des membres de la Jeunesse ouvrière chrétienne installés en zone libre, pour venir en aide à la jeunesse maltraitée par le conflit mondial. Interdite par le gouvernement de Vichy, l’association se déploie en Algérie et y gère des établissements destinés aux adolescents, filles ou garçons (centres artisanaux, centres d’apprentissages, lieux d’accueil sans hébergement et foyers). À partir de 1962, Moissons Nouvelles transfère ses établissements au gouvernement algérien et commence à ouvrir des établissements en France.

À la Papotière, l’association accompagne des jeunes de 14 à 20 ans rencontrant des difficultés d’intégration sociale et/ou des difficultés scolaires. L’établissement peut accueillir 46 enfants en internat et 18 enfants en semi-internat. Des salles de classe offrent aux élèves un retour à l’instruction classique et leur formation est complétée grâce à des ateliers pré-professionnels, un potager et un restaurant d’application. Un gymnase et des terrains d’activités sportives complètent les bâtiments.

Julie Aycard
Dans le cadre de l’inventaire du patrimoine du quartier de Doulon
2021

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