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Livre Doré de la Ville 6 juin 1932 : la grande braderie

1750

Nantes la bien chantée : La jolie Marie-Rose


Le capitaine d’un navire accostant aux Antilles trouve une compagne et la ramène à Nantes où il l’épouse avant de repartir en mer.

N’en déplaise à bon nombre de braillards en vareuses et pulls marins, le chant dit « de marins » ne se résume pas au chant de travail et aux couplets plus ou moins paillards qui vantent avec plus ou moins de finesse les joies des grandes bordées. Un registre hélas trop souvent négligé contient de très belles chansons d’amour sous formes de scènes d’adieu ou de retour, récits de belles embarquées pour rester au plus près de l’être aimé, etc. Cette singulière chanson, bien que construite à partir du nom d’un navire, évoque une belle histoire d’amour et de navigation avec mariage à la clé.

Nantes dans le texte

Le fait de localiser l’action à Nantes est pertinent et poussons le bouchon jusqu’à dire que le choix de tout autre port l’eut été beaucoup moins. Pertinent. Les échanges entre Nantes et les Antilles furent tels pendant des décennies qu’il semble tout à fait logique que l’action se déroule entre Nantes et la Martinique dont la capitale est expressément citée.

Il s’agit peut-être de la seule occurrence de ce chant de marins qui n’est probablement pas très ancien, quoi qu’il faille toujours relativiser cette notion piégeuse. Le fait est que Marcel Canonnet (1902-2004) l’avait entendue dans son enfance. Partant de là, chacun jugera.

Chant de marin ou chant de mariage ?

L’auteur, un marin non dénué de talent, connaissait certainement l’une ou l’autre des nombreuses versions des Trois navires chargés de blé. La parenté entre les deux chansons est évidente mais la différence notoire est qu’il s’agit ici d’une histoire d’amour voyageur avec double traversée de l’Atlantique qui se solde par un mariage. Le répertoire traditionnel n’est pas avare de chansons reprises et adaptées pour construire d’autres chansons. Au reste, n’est-ce pas là l’une des caractéristiques du genre ?

Il est possible de voir dans la scène de l’embarquement, une allégorie sauce marine de la perte de la virginité. Les vers Dans le canot ont embarqué / La fille a passé la coupée peut, quoi que sans certitude, passer pour une image assez subtile de ce basculement, mais la lecture au premier degré semble tout de même de rigueur car cette scène précède fort logiquement celle du voyage qui ramène les amants de la Martinique à Nantes. On remarquera au passage que les noces sont célébrées à Nantes alors qu’elles auraient tout aussi bien pu l’être aux Antilles. La citoyenneté nantaise du capitaine ne faisant dès lors plus aucun doute, il n’y a plus qu’un modeste pas à faire pour déduire l’origine nantaise de la chanson.

Une création de circonstance

Celle-ci semble bien un exemplaire unique et n’est probablement pas très ancienne mais son auteur connaissait sans doute plusieurs chansons traditionnelles de facture plus folklorique et avait donc, en conscience ou non, une certaine notion des canons du genre. Ceci se remarque à l’étude de la coupe. La chanson fonctionne comme une chanson en laisse, selon un schéma que bien des chansons-types ont adopté. Tout ceci me fait pencher en faveur d’une chanson locale, composée par un marin, à l’occasion du mariage de son capitaine nantais et on se plait alors à penser que la formule de refrain construite sur le nom du navire fait plutôt référence au prénom de la jeune épousée.
Selon un usage bien établi et encore en vigueur, l’auteur de la chanson s’est donc largement inspiré d’une ou plusieurs chansons existantes pour construire son récit. Rendons hommage à cet auteur que l’histoire a, jusqu’à nouvelle information, condamné à l’anonymat.

Eléments de langage

Là encore, quelques termes techniques méritent un éclairage, même tamisé, histoire de ne pas rester étranger à certaines coquetteries du texte :
La coupée : passerelle (ou échelle) permettant de monter à bord
Déferler : déployer les voiles
Embosser : accoster à quai en s’aidant du courant pour faire la manœuvre (proue à contre-courant)

Hugo Aribart
Dastum 44
2019

Paroles

[forme]
A Fort-de-France était mouillé, ohé, hisse, ohé
Un beau navire, trois-mâts carré, belle fleur de rose
Un beau navire, trois-mâts carré, la jolie Marie-Rose

L’capitaine à terre est allé, ohé, hisse, ohé
Une jeune fille a rencontré, belle fleur de rose
Une jeune fille a rencontré, la jolie Marie-Rose

Etc.

[texte]
A Fort-de-France était mouillé
Un beau navire, trois-mâts carré
L’capitaine à terre est allé
Une jeune fille a rencontré

Des sourires ils ont échangés
Et longtemps ils ont bavardé

Dans le canot ont embarqué
La fille a passé la coupée

Les marins l’ont prise, enlevée
Toutes les voiles ont déferlées

Et le beau trois-mâts a vogué
Tout l’océan a traversé

En Bretagne il est arrivé
Au port de Nantes s’est embossé

Les amants se sont mariés
Les cloches de Nantes ont sonné

Et tous les marins ont dansé
Ils ont crié : vive la mariée

Puis l’équipage a embarqué
Avec l’apprenti timonier

Un tour du monde a commencé
Ils reviendront dans deux années
Elle reviendra dans deux années, la jolie Marie-Rose

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En savoir plus

Discographie

Canonnet Marcel, Chants des marins Nantais, Le Chasse-Marée, 1994, plage N° 17

Version sonore

Jeannette Lebastard, le 22 août 2018 à Nantes d’après la version recueillie par Raphaël Garcia auprès de Marcel Canonnet à Château-Thébaud (44) le 9 février 1991

Pages liées

Dastum 44

Les trois navires chargés de blé

Antilles

Tags

Musique Nantes dans la chanson

Contributeurs

Rédaction d'article :

Hugo Aribart

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