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Monument aux morts de la Première Guerre mondiale


À la fin de la Première Guerre mondiale, partout en France, des monuments sont érigés pour honorer la mémoire des soldats morts au combat. Certaines communes lancent même des projets dès 1914 ! À Nantes, le maire Paul Bellamy attend la signature de l’Armistice pour prendre la décision de construire un tel monument. Pourtant, il faut patienter jusqu’en juillet 1927 pour que celui-ci soit enfin inauguré...

Le projet de Paul Bellamy

Dès 1918, le maire de Nantes, Paul Bellamy, décide d'ériger un monument aux morts de la Première Guerre mondiale. Lors du conseil municipal du 14 novembre 1918, le maire imagine « une œuvre imposante, simple, sévère et monumentale » dans un cadre naturel et propice au recueillement. Les discussions s’ouvrent alors.

La conception du monument est confiée à l'architecte Camille Robida, grand mutilé de guerre et vice-président de l'Union Nationale des Mutilés et Réformés (UNMR). L'entreprise Charrière doit réaliser l'ensemble du monument en granit. Il est également prévu que les noms des 5827 Poilus nantais morts pour la France soient gravés sur des tables mémorielles en calcaire et classés par ordre alphabétique selon un principe républicain d'égalité. Monument laïc, l’exposition d’un quelconque signe religieux est interdit. Par ailleurs, Paul Bellamy décide de compléter le monument avec une statue sculptée par Émile Guillaume : la Délivrance.

Monument aux morts, aquarelle de Camille Robida

Monument aux morts, aquarelle de Camille Robida

Date du document : 13/05/1925

Pour financer l'ensemble, la ville met en place une souscription et appelle les Nantais à y contribuer. Par ailleurs, comme dans toutes les villes françaises qui souhaitent rendre hommage à leurs morts, l’État subventionne une partie de la construction du monument. Au total, la Ville de Nantes débourse 550 000 francs et l’État contribue à hauteur de 33 000 francs.

Le débat autour du lieu du monument

Plusieurs lieux sont étudiés pour ériger le monument : le Champs de Mars, un lieu à proximité de la Loire, la place de la Duchesse-Anne, et l'extrémité du cours Saint-André. Le champs de Mars est exclu, car de nombreuses manifestations publiques y sont organisées, telles que des foires ou des marchés. Un lieu à proximité de la Loire est aussi écarté, car c'est un endroit trop bruyant et jugé non adapté au contexte de recueillement nécessaire pour un monument aux morts.

Proposition pour le Champ de Mars, dans l’axe de l’avenue Carnot

Proposition pour le Champ de Mars, dans l’axe de l’avenue Carnot

Date du document : 16/05/1922

La place de la Duchesse-Anne est un temps privilégiée, mais l'implantation d'un monument aux morts de 1914-1918 à cet endroit entraînerait la modification de celui érigé aux Nantais morts pendant la guerre de 1870. D'ailleurs, les anciens combattants de la guerre franco-prussienne font entendre leur voix et nombreux sont ceux qui écrivent au maire pour s'opposer à l'implantation du monument aux morts de 1914-1918 sur la place de la Duchesse-Anne. Toutes ces discussions font prendre un retard considérable au projet.

Finalement, l'extrémité du cours Saint-André, face à l'Erdre, est choisie. Les Tables se dresseront donc face au square Sully (actuel square du Maquis-de-Saffré) dans une continuité avec le monument de 1870, érigé à l'extrémité du cours Saint-Pierre, sans pour autant lui faire de l'ombre.

Pose de la première pierre du Monument aux morts (25 juin 1926)

Pose de la première pierre du Monument aux morts (25 juin 1926)

Date du document : 25/06/1926

Aujourd'hui, le monument aux morts de la Première Guerre mondiale s'inscrit dans une continuité avec d'autres monuments commémoratifs. La proximité du monument aux morts de 1870, au bout du cours Saint-Pierre, du pont Saint-Mihiel enjambant l'Erdre et du monument des Cinquante Otages inscrit un parcours mémoriel dans la ville.

L’inauguration du monument aux morts

Les Tables mémorielles sont inaugurées le 17 juillet 1927, lors du IIIe Congrès de l'Union Nationale des Mutilés et Réformés (UNMR). Durant la matinée, les sociétés patriotiques d'anciens combattants défilent sur les cours. Tous les corps d'armée sont représentés, mais aussi des sections d'anciens soldats étrangers ayant combattu pour la France. Le défilé est suivi des discours des personnalités politiques et militaires. À midi, un grand banquet a lieu. L'atmosphère du square est calme et les allées d'arbres étouffent les bruits de la ville, donnant une ambiance solennelle au lieu. La rue passant entre le cour et le square est condamnée et dallée pour laisser place à une esplanade qui peut accueillir la foule lors des commémorations.

Inauguration du monument aux morts de la guerre 1914-1918 (1927)

Inauguration du monument aux morts de la guerre 1914-1918 (1927)

Date du document : 17/07/1927

Plusieurs personnalités politiques sont présentes : le député-maire de Nantes Paul Bellamy, le préfet de la Loire-Inférieure Paul Mathivet, le ministre de la guerre Paul Painlevé et le général commandant du IIe corps d'armée Camille Ragueneau. Lors de l'inauguration, les différentes associations d'anciens combattants et de victimes se rassemblent et défilent aux côtés de l'armée, devant les Tables. Puis des chants commémoratifs sont entonnés. Les anciens combattants sont naturellement au centre de ces commémorations.

Partition du chant « Gloires aux mutilés de France »

Partition du chant « Gloires aux mutilés de France »

Date du document :

Les débats soulevés autour du monument aux morts de 1914-1918 reflètent les débats mémoriels qui ont eu lieu à Nantes. Les conflits de mémoire y sont fréquents et il n'y a pas de consensus mémoriel adopté. En effet, la municipalité de gauche a voulu un monument laïc et neutre, complété par la statue allégorique d'une femme nue. La droite nationaliste, cléricale et autoritaire reproche à la mairie de ne pas avoir fait bénir le monument, car selon elle, tous les soldats nantais morts au front étaient croyants, ou presque. Par ailleurs, L’Écho de la Loire estime que le monument aurait pu être érigé plus tôt, vu la simplicité du plan, et reproche un « style funéraire pur et simple » où « absolument rien ne rappellera le Poilu ». Toutefois, malgré les critiques, les anciens combattants veulent maintenir l'image de l'Union Sacrée. Mais l'érection de la statue de la Délivrance cristallise le conflit mémoriel et marque le début d'une affaire qui défraiera la chronique nantaise pendant plusieurs décennies.

Les Tables mémoriales aujourd’hui

Le monument aux morts, tel qu'il est aujourd'hui, n'est pas celui d'origine. En effet, des éléments pour rendre hommage aux militaires morts lors des conflits du 20e siècle ont été ajoutés successivement. Ainsi, un glaive en bas-relief rend hommage aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, une croix d’Agadez, ou Croix du Sud, a été rajoutée pour les victimes des conflits en Afrique du Nord de 1952 à 1962. Différentes plaques commémoratives ont été apposées pour rendre hommage aux victimes de la guerre d'Indochine, ainsi que pour les militaires morts lors d'opérations plus récentes.

Les Tables mémorielles ont aussi fait l’objet d’une restauration et ont été inaugurées le 11 novembre 2018. Elles s'étaient dégradées à cause d'infiltrations d'eau et ont été nettoyées. Les massifs de fleurs ont été retaillés ou remplacés et l'éclairage a également été changé afin de mieux mettre en valeur les Tables. À l'occasion des commémorations de 2018, les noms de quatre Poilus nantais sont également ajoutés sur les Tables mémorielles, portant le total à 5837 noms gravés.

De son côté, la statue de la Délivrance a elle aussi été restaurée à l’occasion du Centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Placée dans le square maquis-de-Saffré, elle fait désormais face au monument aux morts et permet d’en retrouver toute sa dualité.

Elven Pogu
Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2024

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Rédaction d'article :

Véronique Guitton ,  Delphine Gillardin ,  Elven Pogu

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