
La Cloche
Vider un bock de bière ou une fillette de muscadet, fumer une pipe, un cigare ou une cigarette en écoutant les histoires ou élucubrations de diseurs et autres chansonniers, voilà la raison d’être de la revue de la Cloche en 1895, année de sa naissance. L’esprit frondeur restera, le décor évoluera, avec une scène, des sketches joués par des comédiens, entrecoupés de ballets dansants.
La Cloche s’inspirait du Clou, une société artistique fondée en 1884 par l’architecte Georges Lafont et disparue au début des années 1910. Le soir du 13 janvier 1895, en quittant un concert, deux amis, Charles Poher, premier président, et Paul Peltier, décident de créer la Cloche dans l’esprit des soirées flamandes données dans le Nord. C’est au café de l’Univers, rue Jean-Jacques Rousseau qu’a lieu la première représentation publique. Un coup de cloche annonce chaque numéro, d’où probablement le nom de la revue. La plupart des premiers fidèles sont recrutés parmi les musiciens et chanteurs-élèves du Conservatoire et chez les solistes du théâtre Graslin.
À la sortie de la Première Guerre mondiale, la Cloche se met à brocarder la politique municipale et s’intéresse aux événements locaux et nationaux ayant marqué l’année. Elle a son siège dans divers cafés du centre-ville, mais c’est rue Voltaire, dans les salons Turcaud, puis dans les salons Mauduit, rue Arsène Leloup, que la société artistique organise des opéras, des opéras comiques et de grands bals thématiques. Elle investit aussi le cinéma Le Paris après avoir occupé la salle du théâtre Graslin. Elle y joue 35 ans. Félix Martens, Fernandel, Ginette Garcin, Betty Mars ou Georges Ulmer, stars du music-hall, s’y sont produits en invités d’honneur.
Aux premiers revuistes et auteurs, Georges Péaud et Auguste Bouvron, succèdent les satiristes Aubernon grand-père, père et fils, Eugène Bourasseau, André Aubin, Marcel Guépin, William Clavier… Un ancien de Presse Océan, J’Aubernon, et son acolyte Eugène Bourasseau écrivent longtemps en duo, développant des titres jeux de mots : « Ça cloche à l’unisson », « Nos cloches en place tiquent », « Ça cloche, que des chautises » (clin d’œil à Michel Chauty, maire de 1983 à 1989) ou, pour le centenaire, fêté en 1995 dans les salons Mauduit, « Ça cloche et ça 100 ans ».
La pérennité de cette revue, exceptionnelle dans l’Ouest, interroge : soupape pour une ville corsetée ou, au contraire, tradition de persiflage dans une cité à l’esprit libre ? La revue s’est professionnalisée tout en conservant son esprit associatif. Elle continue d’attirer un public important, de l’ordre de 30 000 spectateurs pour une trentaine de soirées, de trois heures chacune, données chaque année en décembre et en janvier : public d’habitués aux cheveux poivre et sel mais aussi familial et, pour une poignée, de curieux. Les Nantais restent fidèles à ce rendez-vous du Moulin rouge local qui parle d’eux, de leurs édiles et de la ville.
Stéphane Pajot
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
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