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Rue Dos d'Âne Danse

1879

Îles et rives de Rezé (1/2)


La commune de Rezé forme aujourd’hui une seule et même entité géographique. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Pendant plusieurs siècles, le centre-bourg de Rezé était protégé des inondations destructrices de la Loire par des îles aujourd’hui disparues sur lesquelles se sont développés les hameaux de Trentemoult, North House, Haute-Île et Basse-Île.

        Un port antique

Durant l’Antiquité, Rezé est un port sur la rive sud de Loire. Ce port apparaît au début de notre ère et se développe à partir de l’an 50. Certaines hypothèses avancent que sa façade sur le fleuve s’étirait de l’actuel centre bourg jusqu’au Port-au-Blé. Son agglomération devait au minimum atteindre 30 hectares alors qu’à la même époque, Nantes n’a qu’une surface de 18 hectares.

Dans l’état actuel des recherches, la présence des îles de Rezé à la période antique ne peut être attestée. Comme ailleurs dans la Loire, il y aurait des rochers et quelques bancs de sable, mais les îles qui couperont ensuite la Loire du Seil n’existent peut-être pas.

La formation des îles pourrait être à l’origine du déclin du commerce portuaire rezéen. Des bancs de sable commençaient-ils à s’étirer en parallèle de la rive, créant une boire qui prend sa source à l’embouchure de la Sèvre ? Le port rivulaire se serait alors transformé en port d‘étier accessible uniquement par petites embarcations à fond plat de type gabarre, au tirant relativement faible.

Grâce à sa spécialisation et à sa situation proche de la confluence et de la route des ponts, l’existence du Port-au-Blé est peut-être prolongée jusqu’aux premiers siècles du Moyen Âge. Puis, ce port, que les archives médiévales consultées ne mentionnent pas, s’est colmaté : au 15e siècle, de nombreuses saulées sont dénombrées sur les rives sablonneuses de ce Port-au-Blé dont le colmatage est encore lisible sur le plan Cacault en 1753.

Aujourd’hui, les aménagements successifs de la ville ont fait disparaître toutes les traces du port. En revanche, la survivance médiévale du lieu – aujourd’hui borné par les rues André Malraux et Maurice Garand – se lit encore dans son urbanisme complexe sillonné par de nombreuses sentes et impasses desservant des bâtiments anciens aujourd’hui enclavés.

La formation d’îles

Le colmatage précoce de ce port traduit peut-être les mutations du fleuve en œuvre sur la rive sud. En effet, c’est sans doute à la fin du haut Moyen Âge que les îles commencent à former une entité quantifiable. En 1285, Olive, veuve de Mathieu de l’Île, cède ses biens aux chevaliers du Temple. De cette donation vraisemblablement naîtra le toponyme d’« Île des Chevaliers » qui désignera la grande île séparant le Seil de la Loire durant tout l’Ancien Régime. Si le patronyme du dénommé Mathieu suggère que ses possessions se situent dans le fleuve, l’extension de l’île n’est pas connue et il n’est pas possible d’affirmer qu’elle s’étend comme aujourd’hui de l’embouchure de la Sèvre à Trentemoult.

La naissance et l’extension des îles protégeront le centre-bourg de Rezé et le coteau des inondations destructrices de la Loire. Ces nouvelles étendues de terre favorisent également les aménagements du fleuve : le plan de rétablissement de la navigation en Loire, pensé par l’ingénieur du roi Magin en 1753, s’appuyera sur de jeunes atterrissements pour modifier la confluence entre la Loire et la Sèvre. En effet, des bancs de sable épars se sont amoncelés et les travaux créeront un chenal qui adoucit et discipline l’embouchure de la Sèvre, divisant ses eaux entre le Seil et la Loire.

Les îles de Rezé, nouveau front rezéen sur la Loire

Prairies inondables, les îles de Rezé semblent n’avoir accueilli jusqu’au 17e siècle que deux hameaux, celui d’Ortiouse et celui de Trentemoult. Au 18e siècle, l’agrandissement de la surface émergée par l’amalgame d’atterrissements est propice à l’émergence de nouveaux lieux-dits.

Les toponymes de Haute-Île et Basse-Île apparaissent au détriment de celui d’Ortiouze dont le nom se transforme au hasard des erreurs de graphie et peut-être des erreurs de prononciation des communautés étrangères installées à Nantes : Ortiouse devient Nortiouse puis Norkiouse ou Norquiouse et enfin Northouse dans la seconde moitié du 19e siècle. Les habitants de ces hameaux peuvent rallier le coteau par deux gués – l’un entre Trentemoult et les Couëts, l’autre entre l’île des Chevaliers et le Port-au-Blé – et par des bacs qui rejoignent le centre-bourg par le Seil et Pont-Rousseau par la Sèvre.

À cette époque, l’île de Trentemoult est encore séparée de celle des Chevaliers par une petite boire qui est à sec l’été. L’îlot qui mesure environ 13 hectares est fréquemment rongé par la Loire mais, bien que Trentemoult soit inondé ou isolé par les glaces tous les ans, une cinquantaine de foyers permanents y sont déclarés dès le 17e siècle.

Il ne semble pas y avoir d’autres exemples d’une telle démographie sur les îles nantaises jusqu’au milieu du 19e siècle. Pourtant, l’île est rudement éprouvée pendant les mois d’hiver, obligeant la majorité des habitants à se réfugier dans les « hauts champs », sur le coteau de Rezé. Ce cas unique s’explique par le fait que les habitants des îles rezéennes sont les véritables propriétaires de ces terres roturières dont ils ne réfèrent qu’au roi. Ils profitent également d’un droit de pêche en Loire accordé à tous les habitants de Rezé en 1397 par le Duc Jean V de Bretagne. Ce droit a été confirmé par lettres patentes d’Henri II et François Ier puis par l’ordonnance des Eaux et Forêts de 1669. Il a été redonné plus précisément aux habitants des îles de Trentemoult, Ortiouse et des Chevaliers au titre de la censive et mouvance de sa majesté. Ce régime légal et fiscal particulièrement favorable pour l’Ancien Régime explique à lui seul l’attrait de ces espaces peu propices à l’installation durable de communautés. De ce fait, au lendemain de la Révolution française, les îles, et en particulier Trentemoult, sont parmi les plus gros quartiers de Rezé.

Comme pour la majorité des îlots de la Loire nantaise, leurs rives sont consolidées par des enrochements dans la première moitié du 19e siècle et le trait du rivage se stabilise. La petite boire qui sépare Trentemoult de l’île des Chevaliers est comblée à cette époque.

Le Seil, qu’une chaussée pleine a coupé de la confluence à la fin du 18e siècle, n’est plus alimenté que par les remontées du fleuve lors des marées. La raréfaction de l’eau entraîne le comblement de cette boire qui s’accentuera avec la construction du viaduc de la voie ferrée en 1872. Ce comblement, qui doit raccorder les îles au coteau et faciliter les liaisons avec Rezé, engendre de nombreuses contrariétés pour les habitants des îles : envasement, odeur, fragilisation des rives, difficultés pour abreuver les bêtes. Ceux-ci demandent donc le rétablissement du Seil grâce à l’ouverture d’arches dans la chaussée ferroviaire.

Entre 1854 et 1858, la construction de deux ponts est lancée au-dessus du Seil pour désenclaver les îles : l’un dans le prolongement de l’actuelle rue de Californie vers le quartier des Couëts à Bouguenais, l’autre entre l’avenue de la Loire et le centre-ville de Rezé. Ces chantiers favoriseront l’extension de Trentemoult dont l’urbanisme dépassera peu à peu les limites de l’îlot originel. À côté du hameau à l’urbanisme tortueux, le lotissement orthogonal de la petite Californie naîtra à la fin du 19e siècle. En revanche, les autres hameaux resteront plus petits à cause de l’absence de quai et de levée mettant les habitations à l’abri.

Puis, les Ponts et Chaussées lancent en 1899 l’aménagement du port de Trentemoult avec la construction du quai. La levée engendrée mettra les habitations à l’abri des crues ordinaires.

Suite Îles et rives de Rezé (2/2)

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
 

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Bibliographie

De Corson, Guillotin, Les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Bretagne, Librairie Ancienne et Moderne L. Durange, 1902

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Tags

Crue et inondation Loire Port Quai Île

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Rédaction d'article :

Julie Aycard

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