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Artisanes au 18e siècle à Nantes Aménagements portuaires au Moyen Âge et au 16e siècle (2/7)

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Toutes-Aides


Ce quartier au nom étrange et à la sonorité exotique s’organise autour d’une église au style incertain figée dans la digestion lente d’une antique chapelle à demi dévorée. Celle-ci faisait partie de la couronne de petits sanctuaires fondés autour de Nantes par les ducs de Bretagne pour implorer la Vierge : Notre-Dame de Bon Garant, Notre-Dame des Anges, Notre-Dame des Dons… Située dans la partie ouest de la paroisse de Doulon, la chapelle Notre-Dame de Toutes-Aides, reconstruite en 1639, abrite une statue de la Vierge, implorée autrefois par les marins et tous ceux que torturait l’angoisse, objet de pèlerinages jusqu’au début du 20e siècle.

La profonde transformation du 19e siècle

Autour de ce lieu de culte, un village s’était développé, coeur du quartier du Bas-Doulon situé entre le parc du Grand Blottereau à l’est et le ruisseau du Gué Robert à l’ouest (aujourd’hui canalisé en souterrain le long du boulevard Dalby). Au milieu du 19e siècle, cette zone bordière de Nantes connaît une périurbanisation alors que le reste de la commune de Doulon demeure un espace voué à l’agriculture. À partir de 1851, l’arrivée du chemin de fer (gares de Nantes et du Grand Blottereau), d’usines proches (Manufacture des tabacs en 1862), du tramway (dont le terminus-dépôt est installé en 1879 sur l’actuel boulevard Dalby) provoquent une explosion démographique, transforment le territoire, bouleversent le statut du quartier. La population quadruple en trente ans. Cigarières et ouvriers de la « Manu », cheminots, traminots, journaliers du bâtiment s’installent autour de la rue de la Ville-en-Pierre sur les flancs du coteau descendant de la chapelle Notre-Dame de Toutes-Aides au Gué Robert dans un habitat de garnis à forte densité, insalubre. Il s’agit pour la plupart de travailleurs, bretons souvent, venus des campagnes. Cette population ouvrière instable est mal accueillie par les ruraux de Doulon qui n’acceptent pas qu’en matière de décision municipale le nombre l’emporte sur l’enracinement. C’est l’origine d’un affrontement entre les deux quartiers.

Dessin de l'église Notre-Dame-de-Toutes-Aides

Dessin de l'église Notre-Dame-de-Toutes-Aides

Date du document : 1881-1893

À l’autre extrémité de la commune, le chef-lieu, Doulon, reste un bourg agricole peu à peu dépouillé de ses attributs par le quartier de Toutes-Aides. En 1873, un décret du président de la République décide de la partition de la paroisse : Saint-Médard à l’est, Notre-Dame de Toutes-Aides à l’ouest. L’année suivante c’est la commune qui est divisée en deux sections. Tout bascule vers celle de Toutes-Aides : les écoles, le pensionnat des frères de Ploërmel (futur hôpital Broussais en 1914), puis celui des sœurs de Saint-Gildas, le cimetière, le bureau de poste, une gare en 1877, la nouvelle mairie (1900). Symbole de l’émancipation de Toutes-Aides, en 1881 l’architecte François Bougouin accole une nouvelle église de style romano-byzantin à la vieille chapelle dont la façade disparaît bientôt (1893) derrière un clocher triomphant. La nouvelle paroisse a tout maintenant d’une petite ville : son marché hebdomadaire (place du Ralliement), son hôpital (Bellier en 1904) et sa petite bourgeoisie qui construit dans les espaces laissés vacants par l’habitat ouvrier ses lourdes demeures cernées de murs. En 1908 l’annexion de la commune de Doulon par Nantes ne fait qu’officialiser une réalité vécue par les habitants de Toutes-Aides : un quartier périphérique de la ville à dominante ouvrière, modestement embourgeoisé.

Un vrai quartier

Dans les années 1970 la fermeture des usines (en 1973 Brissonneau et Lotz, qui employait encore 1 100 personnes en 1960, en 1974 la «Manu ») et la tertiarisation progressive des emplois nantais amorcent un lent processus de transformation de la composition sociale du quartier qui s’accélère à la fin du 20e siècle avec l’envol des prix de l’immobilier. Toutes-Aides est un quartier d’habitat individuel serré constitué de maisons, à un étage pour la plupart, les unes alignées sur la rue, les autres en arrière-plan en fond d’impasse. La construction s’est échelonnée sur un temps relativement long, depuis la fin du 19e siècle, laissant place, ici et là, à quelques parcs. Les maisons ont été rénovées, mais le dessin d’ensemble et les formes architecturales sont celles du début du 20e siècle et de l’entre-deux-guerres. L’habitat social est situé en périphérie, le long des voies ferrées, à l’exception notable de la cité du Verger, lotissement HBM de 90 maisons, construit à partir de 1928 près du parc de la Mitrie. Aujourd’hui, les immeubles poussent le long des boulevards et sur quelques anciennes propriétés.

Les commerces et les services se sont concentrés sur deux places (place de l’église, place du Ralliement) et deux alignements (la rue de la Ville-en-Pierre, au cœur du quartier, et le boulevard Dalby). La rue de la Ville- en-Pierre s’est développée en premier. Longtemps elle a servi de voie de liaison entre Doulon et Nantes par les rues d’Allonville et de Richebourg, empruntées par les maraîchers qui se rendaient aux marchés de la ville. Comme la place du Ralliement, elle a perdu ses commerces au profit du boulevard Dalby, pensé comme prolongement de celui de la gare (Stalingrad aujourd’hui), qui l’a aussi supplantée pour la circulation. Ici, les maisons ont un étage de plus, les immeubles sont plus nombreux, certains très récents.

En 1902, Émile-Léon Bellier, inspecteur général en retraite des Eaux et Forêts, fait donation au département d’un terrain, au sud de l’église, le long des voies ferrées, où il construit un hôpital (1904). Démoli par des bombardements en 1944, reconstruit en 1950, l’hôpital Bellier est aujourd’hui l’un des sept établissements du CHU. Il s’est spécialisé dans la gériatrie depuis 2002. Voisine de l’hôpital Bellier, l’ancienne usine Brissonneau et Lotz a laissé la place à la Semitan qui y a installé son siège et le dépôt des bus et trams.

Dans un quartier qui alterne maisons bourgeoises, pavillons, immeubles neufs et logements collectifs hérités du temps des cigarières, témoignant ainsi d’une réelle mixité sociale, les habitants aiment à se retrouver, pour les sorties de la vie quotidienne ou les manifestations des nombreuses associations qui fédèrent la population, au cœur de ce que certains appellent « le village » : sur la place de l’église. Place qui devance maintenant l’église par son rôle social, comme Toutes-Aides en devenant quartier a abandonné le «Notre- Dame » qui le devançait dans la traversée des siècles.
 

Jean Bourgeon, Georges Gayrard
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

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En savoir plus

Bibliographie

Doulon-Histoire, Du village à la ville. Doulon de la Révolution à la fin du 19e siècle, ACL, Nantes, 1985

Doulon-Histoire, Une paroisse au quotidien. Histoire de Saint-Médard de Doulon des origines
à nos jours
, ACL, Nantes, 1988

Jarnoux Alphonse, « Paroisses Saint-Médard de Doulon et Notre-Dame de Toutes Aides », dans Les anciennes paroisses de Nantes, vol. 2. Les paroisses hors de la cité, Impr. régionale, Bannalec, 1982, p. 93-112

Notre-Dame de Toutes-Aides : histoire d’une école, 1869-2000, Nantes, 2000

Raguenet A. (dir.), « Église de Notre-Dame de Toutes-Aides à Nantes, Loire-Inférieure. M. François Bougoüin, architecte », Monographies de bâtiments modernes, n°118, 1896, p. 65-72

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Rédaction d'article :

Jean Bourgeon, Georges Gayrard

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