Gâteau Nantais
Le gâteau nantais est aujourd’hui considéré comme une spécialité emblématique de la ville de Nantes. Moelleux, parfumé au rhum et nappé d’un glaçage blanc, il évoque à la fois le raffinement de la pâtisserie française et l’histoire maritime de la cité ligérienne. Pourtant, en cherchant à retracer son origine, on s’aperçoit vite qu’aucune source fiable ne permet d’en déterminer la véritable création. L’histoire du gâteau nantais se situe quelque part entre mythe, traditions orales et industrialisation pâtissière.
Aucune origine attestée : un gâteau entouré de mystère
Il n’existe à ce jour aucune source historique ou archive culinaire permettant d’établir précisément quand et par qui le gâteau nantais, tel que nous le connaissons aujourd’hui — c’est-à-dire un gâteau moelleux aux amandes imbibé de rhum et recouvert d’un glaçage — a été inventé.
Les nombreuses recettes anciennes publiées sous le nom de gâteau nantais diffèrent largement les unes des autres. Certaines évoquent un gâteau sec à base d’amande, d’autres s’apparentent davantage à un quatre-quarts enrichi, parfois même sans rhum ni glaçage et/ou avec de la confiture d’abricot. La seule constante semble être la présence d’amandes, ingrédient caractéristique des pâtisseries bourgeoises du 19ᵉ siècle.
Des légendes bien ancrées, mais invérifiables
Plusieurs récits circulent autour de la naissance du gâteau nantais, mais aucun ne repose sur des documents contemporains ou des archives.
L’un des plus répandus attribue la création du gâteau à un maître fouacier nommé Jean Rouleau, établi rue Saint-Clément à Nantes, vers 1820. Cette création serait relatée par un certain Paul Eudel. Cependant aucune trace écrite de Jean Rouleau ni de son atelier ou encore de Paul Eudel n’a été retrouvée dans les registres de métiers ou les archives.
Une autre histoire raconte que les marins nantais seraient indirectement à l’origine du gâteau nantais. Ces derniers emmenaient en mer des biscuits, cuits deux fois et secs, qu’ils trempaient dans du rhum avant de les consommer. Cette pratique aurait ainsi inspiré la création de la spécialité pâtissière.
Enfin, le lien souvent évoqué avec la traite atlantique tient davantage d’un raccourci symbolique que d’une réalité documentée. Il est en revanche exact que la canne à sucre et le rhum, qui étaient largement présents à Nantes à l’époque, sont issus de l’exploitation coloniale. Ces produits restent importants pour le commerce et l’industrie nantais, puisqu’au milieu du 19e siècle la ville devient le premier centre français de raffinage du sucre.
Lefèvre-Utile : le seul repère historique avéré
L’unique élément vérifiable de l’histoire du gâteau nantais est son industrialisation à la fin du 19e siècle. La maison Lefèvre-Utile (LU), célèbre biscuiterie nantaise fondée en 1846, a effectivement fabriqué des gâteaux nantais de façon semi-industrielle dans son usine à Nantes, de 1882 jusqu’en 1972.
Des boîtes d’emballage d’époque attestent cette production. Les mentions “Gâteau Nantais – Lefèvre Utile” figurent sur certains emballages, confirmant l’existence d’une production et d’une commercialisation.
Boîte de gâteau nantais Lefèvre-Utile
Date du document : 1890-1910
Cette période marque aussi le retour du gâteau dans les foyers nantais : la version produite par LU, moelleuse, pur beurre et pur rhum, a sans doute contribué à fixer la recette telle qu’on la connaît aujourd’hui. Cependant, rien ne permet d’affirmer si LU a inventé cette version moderne ou l’a simplement popularisée à partir d’une recette régionale déjà existante. L’absence d’archives techniques ou de fiches de production connues empêche toute certitude à ce sujet.
L’entreprise vend, entre autres, le dessert nantais dans sa première biscuiterie ouverte en 1850 et située au 7 rue Boileau. Les gâteaux nantais de la rue Boileau sont régulièrement cités dans les ouvrages du 20e siècle comme une véritable référence.
Plateau pour gâteau nantais représentant « Five o’clock sur l’herbe » d’Eugène Martial Simas
Date du document : 1898
Le gâteau nantais est alors un produit haut de gamme (tout comme les autres biscuits commercialisés par LU), consommé dans les salons ou à l’occasion de fêtes. On le retrouve régulièrement au menu des réceptions officiels et les publicités du début du 20e siècle le mettent tout particulièrement en avant à l’occasion des fêtes de fin d’année ou encore de l’Épiphanie.
Publicité de la Grande Épicerie Centrale à l’occasion de l’Épiphanie
Date du document : 03/01/1908
Après la Seconde Guerre mondiale, les publicités de LU soulignent une qualité comparable à celle d’avant-guerre et incarnent le gâteau nantais sous les traits d’une femme antillaise.
Publicité pour le Gâteau Nantais de LU
Date du document : 21/04/1950
LU marque durablement l’histoire et la recette du gâteau nantais, de nombreuses personnes disent ainsi, dans la deuxième moitié du 20e siècle, tenir directement leur recette personnelle de Patrick Lefèvre-Utile, à la tête de la marque jusqu’en 1969.
LU arrête la production du gâteau nantais au début des années 1970, certainement pour des raisons économiques, de baisse de consommation ou encore de simplification de la chaîne de production. En effet, la recette pâtissière nécessitait une ligne de production dédiée et différente de celles des autres biscuits secs commercialisés par la marque.
Un héritage devenu emblématique
Ce que l’on peut affirmer, c’est que le gâteau nantais tel qu’il est aujourd’hui connu — moelleux, imbibé de rhum et recouvert d’un glaçage blanc au rhum — est une création du 20ᵉ siècle, sans doute consolidée par la version industrielle de LU. Malgré l’affirmation de cette version du gâteau nantais, chaque maison a encore aujourd’hui sa propre recette et des divergences existent : avec ou sans confiture d’abricot ou encore avec du rhum blanc ou ambré.
Depuis les années 1980, il a été redécouvert et réinterprété par les pâtissiers nantais, devenant une véritable spécialité régionale et un symbole de l’identité culinaire locale.
Peut-être faut-il voir dans ce flou historique la véritable essence du gâteau nantais : une pâtisserie qui, à l’image de la ville dont elle porte le nom, s’est enrichie au fil des échanges, des influences et du temps. Une confrérie du gâteau nantais, actuellement en cours de constitution, se destine à faire connaître cette spécialité nantaise d’un plus large public tout en défendant une charte de qualité.
Cet article a été réalisé avec l’aimable coopération d’Yvon Garnier, d'Arnaud Biette et de Patrick Rambourg.
Pauline Chevalier Bouyer
2025
Album : Recette du gâteau nantais
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Pauline Chevalier Bouyer
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