Fortifications
La cité épiscopale de Nantes a connu une succession de trois châteaux et de trois enceintes. La position des châteaux successifs raconte le déplacement du danger attendu.
Dangers tous azimuts
Après les raids scandinaves, l’évêque Foucher construit vers 900 un château sur la colline, pour protéger la cathédrale. Pour préserver la ville d’un retour offensif normand venu de l’aval et contrôler la ligne des ponts, Conan le Tors met en place en 992 un nouveau château au Bouffay, à l’angle sud-ouest de l’enceinte antique. Dans leur conflit avec le roi de France, les ducs successifs déplacent le château vers l’amont du fleuve, pour le tourner contre le royaume.
À partir de la Tour Neuve, encore inscrite à l’intérieur de l’angle sud-est du périmètre antique au début du 13e siècle, une forteresse adaptée au canon et intégrant une vaste résidence palatiale est réalisée par François II entre 1466 et 1475. Devenue citadelle royale et ligueuse, elle connaît les affres des usages militaires. À la fin du 14e siècle, le duc Jean IV construit également la tour de Pirmil, qui forme tête de pont contre le Bas-Poitou français et joue un rôle ambigu pendant les troubles de la Ligue.
Carte des fortifications successives de Nantes du 3e au 15e siècle
Date du document : 20-02-2013
Quatre portes
L’enceinte urbaine d’environ 18 hectares (1 675 mètres de développé) se met en place à la fin du 3e siècle. Épaisse de quatre mètres pour vraisemblablement le double de hauteur, elle est partiellement fondée avec les matériaux de grands monuments publics, tandis que ses parements sont composés de petits blocs cubiques alternant avec des arases de brique. Percée d’au moins quatre portes, dont la porte Saint-Pierre vers Lyon, seule subsistante, elle est cantonnée de tourelles semi-circulaires pleines.
Les deux extensions de l’enceinte au nord et à l’ouest – pour atteindre 24 hectares – interviennent sous le mandat de Pierre Mauclerc, dans le premier tiers du 13e siècle ; la systématisation des tours cylindriques creuses de six à huit mètres de diamètre et des portes entre deux tours renvoie à cet égard au modèle de son mentor Philippe Auguste. La première réalisée est certainement l’intégration du quartier industriel du Bourg-Main, en rive droite de l’Erdre.
La seconde extension concerne l’intégration du Port-Communeau en amont. Au sud, la muraille antique bordant la Loire est reportée 15 mètres en avant, pour intégrer les infrastructures du Port-Maillard.
L'artillerie change la donne
En prévision des périls, cette enceinte urbaine est renforcée pour l’artillerie au 15e siècle. Reconstruction de la porte Saint-Nicolas de 1443 à 1450 en une vaste porterie entre deux tours, puis, à partir de 1477, renforcement des autres portes par des tours à canon et des boulevards : porte Saint-Pierre à partir de 1478, précédée d’un boulevard d’artillerie terrassé ; porte Sauvetout de 1482 à 1485, constituant désormais un réduit à quatre tours tourné vers la Bretagne ; enfin, de 1484 à 1486, au prix de grandes difficultés techniques compte tenu du substrat, porte de la Poissonnerie commandant l’accès aux ponts de Loire. Ces trois portes ont été revisitées par l’archéologie, la première mise en valeur par un jardin en fosse, la deuxième partiellement valorisée dans des travaux encore en devenir, la troisième dont l’implantation vient d’être confirmée. D’autres ouvrages ne sont connus que par la documentation graphique, comme, à l’angle sud-ouest, l’énorme tour du Connétable, transformée en amphithéâtre de chirurgie en 1743.
 Murs de la ville de la poterne de la Bléterie jusqu'à la porte Saint-Nicolas 
Date du document : sans date
Dans le dernier quart du 16e siècle, l’augmentation des portées d’artillerie expose la ville à un bombardement au-delà de l’Erdre depuis le coteau urbanisé du Marchix. Le pouvoir royal n’a de cesse de faire réaliser, contre la volonté de la ville, un vaste couronné en étoile à cinq fronts bastionnés ouvert du côté de l’Erdre, qui vient ainsi doubler la surface enclose. Son chantier, qui traîne en longueur (1572-1598), est l’objet de l’attention d’une multitude d’experts italiens puis français. Il en subsiste le seul front qui avait été revêtu de maçonnerie, le long de l’actuelle rue Paul Bellamy.
Porte Sauvetout
Date du document : 16-05-2012
À partir de la sécession du duc de Mercoeur, gouverneur de Bretagne devenu chef de la Ligue en 1592, les travaux s’accélèrent et s’étendent au château et à la vieille cité, où un certain nombre de cavaliers d’artillerie sont élevés intra-muros. Enjeu foncier pour l’embellissement urbain, avec la création des cours sur son tracé, mais aussi enjeu symbolique longtemps après l’obsolescence de sa fonction militaire, l’enceinte urbaine s’efface totalement à partir du milieu du 18e siècle.
Nicolas Faucherre
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Armide Aurélien, Guillet, Bertrand (dir.), Le château des ducs de Bretagne : entre grandeur et renouveau : huit siècles d'histoire, Presses universitaires de Rennes, Rennes, Éd. du Château des ducs de Bretagne, Nantes, 2016
Artillerie et fortification, 1200-1600, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011 (coll. Archéologie et Culture)
Dreillard Camille, « Les fortifications médiévales et modernes de la ville de Nantes : un état des connaissances historiques, archéologiques et topographiques », Revue archéologique de l'Ouest, n°34, 2017, p. 323-352
Dreillard Camille, Juteau, Fañch (ill.), « L'enceinte urbaine médiévale de Nantes : de la construction à la restitution », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°153, 2018, p. 101-131
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Nicolas Faucherre
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