Henry Orrion (1891 – 1971)
La carrière politique du maire et député de Nantes Henry Orrion, de Vichy à la Cinquième République, illustre d’une part la précocité des droites françaises à se retrouver après les choix différents faits entre 1940 et 1944, d’autre part l’emprise du mythe d’une France massivement résistante sur la mémoire collective jusqu’aux années 1970.

Portrait de Henry Orrion, maire de Nantes
Date du document : 20e siècle
Ce Vendéen fait des études de droit. Combattant en 1914-1918, il reçoit la Croix de guerre. Négociant en droguerie à Nantes, il prend des responsabilités dans le syndicalisme patronal. Fervent maréchaliste, il fait partie de la délégation spéciale, la municipalité désignée par Vichy et dirigée par Gaétan Rondeau en mai 1941. À la démission de celui-ci, Orrion lui succède le 16 octobre 1942, presque un an après l’exécution des 48 otages. Décoré de la francisque à Vichy le 16 septembre 1943 en présence de Pétain, il garde sa fonction jusqu’à sa révocation en août 1944. Aux élections municipales d’octobre 1947, il est élu à la tête d’une liste RPF, le mouvement créé par De Gaulle au printemps de la même année. Il reçoit deux fois le chef de la France Libre au cours de ce mandat municipal. Réélu maire en 1953, il devient aussi député en 1958, et maire pour la troisième fois en 1959 sous l’étiquette UNR, le parti gaulliste fondé un an auparavant.
Ce parcours politique met en évidence le jeu des constructions mémorielles. Si en 1947, la SFIO et le PCF rappellent avec force le passé vichyste du candidat RPF, seuls les communistes, isolés par la Guerre froide, reprennent cette référence en 1953. Les gaullistes ont donné leur absolution à Henry Orrion dès 1944, via Michel Debré, commissaire de la République. Peu à peu l’image du bouclier pétainiste et de l’épée gaulliste, fondement d’un mythe très accueillant, prend forme. À son décès, le 23 mars 1971, L’Éclair et Presse Océan estiment dans un même article que « son plus grand souci était avant tout de protéger la cité, dans la mesure de ses moyens, contre l’emprise croissante de l’occupant », et rappellent la caution donnée par Michel Debré. Son rôle pendant les années de guerre, objet de critique à la Libération, devient le fondement de son image posthume. En lui rendant hommage officiellement le 26 avril 1971, son successeur André Morice reprend le titre de «maire des bombardements » que lui a déjà conféré la presse. Il va encore plus loin lorsqu’il propose de donner son nom à un boulevard de Nantes : « Il fut aussi un maire courageux à une époque où l’on ne plaisantait pas avec la vie des hommes, où des otages risquaient leur vie, on l’a vu dans le martyrologe de notre ville, M. Orrion n’a pas craint de se présenter comme otage pour épargner la mort à un certain nombre de Nantais. »
La focalisation mémorielle sur les deux années fondatrices de sa carrière occulte partiellement son action municipale de la Reconstruction aux Trente Glorieuses, entre disparition du pont transbordeur, symbole de la Nantes industrielle, et renaissance de l’université, prémices de la métropole.
Didier Guyvarc'h
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteurs réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Archives municipales de Nantes, De Gaulle à Nantes : le regard de la presse nantaise, catalogue d’exposition, Ville de Nantes, Nantes, 1990
Belser Christophe, La collaboration en Loire-Inférieure, 1940-1944, Geste éd. La Crèche, 2005
Bovar André, Nantes 1944-1965 : chronique d’une renaissance, Opéra, Haute-Goulaine, 2006
Cressard Benoît, Eudes, Olivier, Nantes sous l’occupation, Ouest-France, Rennes, 1981
Guyvarc’h Didier, La construction de la mémoire d’une ville, Nantes, 1914-1992, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve-d’Ascq, 1997
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Didier Guyvarc'h
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