Couvent des Oblates
C’est à la frontière de l’ancienne commune indépendante de Chantenay et de Nantes, sur la pente abrupte du sillon de Bretagne dominant la Loire que les sœurs Franciscaines Oblates s’installèrent en 1887 dans la propriété de la Hallée.
Peu après leur arrivée, les religieuses entreprirent des travaux considérables qui se prolongèrent près de quatre décennies, bâtissant, détruisant, reconstruisant, mais sacrifiant par-là même de vieux logis.
La Hallée et la maison de la Baronnerie
À l’origine, le domaine regroupait essentiellement deux terres : à l’ouest, le clos de la Hallée et à l’est, la maison de la Baronnie des Frères Minimes de Nantes. Sous l’Ancien Régime, la Hallée appartenait, au grand fief du Bois de la Musse né en 1572, de l’union des seigneuries du Bois de la Musse et du Plessis la Musse. Ce fief qui comprenait outre Chantenay, Saint-Herblain, Couëron et Saint-Étienne-de-Montluc fut érigé en baronnie puis en marquisat en 1651.
Un siècle plus tard, en 1778, les religieux vendaient en adjudication, la maison de la Baronnerie et ses dépendances à Jacques Templé de la paroisse de Rezay avec obligation de construire des édifices.
Futur site d’implantation de la Communauté des Oblates
Date du document : 1778
En 1792, après la constitution des communes, Chantenay demanda son rattachement à Nantes, qui refusa. Toutefois, dès 1791 la ville avait annexé le rocher de Miséry, repoussant ainsi ses bornes sur la paroisse de Chantenay jusqu’au chemin longeant la Baronnerie. Cette annexion, qui résulte de la loi du 15 mars 1791 portant sur la réorganisation des paroisses de Nantes et Clisson, s'inscrit dans la continuité des décisions prises par l'assemblée de la commune de Nantes pour les élections municipales de 1789 et 1790 qui incluaient parmi les électeurs nantais les habitants du quartier de l'Hermitage et d'une partie de la paroisse de Chantenay.
Le 5 octobre 1793 , J. Jacques Templé marchand cordier, fils du précédent propriétaire se défit de son bien, ce qui donna lieu à une longue description de la propriété, avec tous ses bâtiments et son manoir à la tourelle d’escalier. Le vendeur se réservait, entre autre, la possibilité de « tirer de la carrière ouverte dans la pièce en friche ou Rocher nommé la pature […] la quantité de trente trois toises de pierre […et de ] combler la perrière des cailloux qui en sortiront […] si mieux n’aime la laisser ouverte ». C’est peut-être la dernière solution qu’il choisit en prolongeant la carrière qui forme maintenant une grande allée bordée d’arbres.
Couvent des Oblates vu depuis le côté des Soeurs Professes
Date du document : début du 20e siècle
Le 3 janvier 1801, le domaine était revendu à M. D’haveloose alors juge suppléant au tribunal de première instance de Nantes et à son épouse pour les trois quarts, et à M. Bernard Branger négociant, pour un quart. Dix mois plus tard, le 26 octobre 1801, M. D’haveloose rachetait à M. Branger la partie qu’il possédait.
La Hallée, quant à elle, connaissait une mutation totale. Le 23 août 1799, les frères Crucy, Mathurin architecte, Louis et Antoine négociants achetèrent à la « citoyenne Marie-Eulalie Salomon Derval, un bordage (une terre avec habitation) nommé la Hallée situé commune de Chantenay composé d’une maison de bordier, jardins, terres et prés, « borné à l’est par les terres dépendantes de la Baronnie […] au midi par la nouvelle chaussée ou chemin qui conduit à Chantenay et au nord par le terrein appellé Pati Dugast ». L’acte de vente ne mentionne pas la superficie.
En 1809, en raison de difficultés financières, les trois frères Crucy mettaient fin à l’indivision jusque là de règle entre eux. La Hallée, devenue le Gay- Lieu, échut à Antoine le plus jeune. Après son décès en 1815, le Gay-Lieu, vendu judiciairement, fut adjugé le 23 avril 1817 à Auguste Ulric Pelloutier, indienneur, consul général et chevalier de l’Aigle Rouge de Prusse. À cette époque, la propriété s’étendait sur 19 632 mètres carrés.
Toutefois, la famille Pelloutier jouit peu de temps de sa récente acquisition. En effet, le décès prématuré du maître des lieux obligea à une nouvelle vente judiciaire de la Hallée qui tourna le 22 mars 1820 en faveur de M. François-Aimé Panneton, propriétaire demeurant alors à la Boissière-du-Doré.
La réunion des deux terres
Le 4 septembre 1822, M. Panneton achetait à M. et Mme D’haveloose la Baronnerie en pleine propriété et jouissance pour les terrains les plus au sud, et sous forme de viager la maison de maître, les divers logements, ménageries, jardins et la terre labourable dont les vendeurs gardaient l’usufruit leur vie durant, à charge pour eux de payer les différentes impositions. L’acquéreur était cependant autorisé à tracer des allées dont les orientations et les largeurs étaient précisées et à « former une demie lune devant la terrasse touchant à sa maison […] afin que les voitures arrivant par la grande allée tracée en face puissent tourner plus facilement pour entrer dans la cour de la Hallée ».
Le plan cadastral de 1833 permet de visualiser à la fois les deux propriétés constituées de leurs différentes parcelles et les bâtiments existants. À l’ouest la maison bâtie par les Crucy, à l’est les grand et petit logis évoqués par les Minimes ainsi que diverses constructions plus ou moins anciennes. La Hallée couvre alors 27 937 mètres carrés et la Baronnerie 29 730 mètres carrés. Avec la réunion des deux terres, le nom de Hallée va supplanter celui de Baronnerie ou Baronnie selon les textes si bien que seule la rue Fontaine des Baronnies en garde la mémoire.
Détail du futur site du couvent des Oblates sur le cadastre parcellaire de la commune de Chantenay
Date du document : 1833
L’acquisition du domaine par les Oblates
En 1879, Mlle Berthe-Anaïs Panneton, après avoir hérité de son père, de sa soeur et de son frère, se retrouva seule détentrice de la Hallée. Le 1er juillet 1886, elle céda aux époux Chaignon, plan à l’appui, 3809 mètres carrés dans la partie sud-est de sa propriété, à la lisière de la commune de Nantes et, le 26 août suivant, la partie la plus vaste à la « Société civile des Services Hospitaliers », créée un an plus tôt pour devenir la personnalité juridique des Sœurs Franciscaines Oblates. La venderesse se réservait alors l’usage du porche, de la grille d’entrée et des terrains au bout vers l’ouest. À cette date, la Hallée, amputée au sud de parcelles ou de portions de parcelles vendues à des particuliers et à la « Compagnie des Chemins de Fer d’Orléans » pour l’extension de la voie ferrée, couvrait environ 51 142 mètres carrés. Elle comprenait une « maison de maître, cours, bâtiments de servitudes, vastes dépendances, grand jardin d’agrément, jardin potager, parc et plusieurs borderies. Le tout presqu’entièrement entouré de rues et de chemins ». Cette brève présentation ne permet pas de connaître ce qui restait des anciens logis et du manoir. Par ailleurs, l’acte de vente ne mentionne pas les numéros des parcelles vendues.
Le 1er mars 1887, les religieuses prenaient possession de leur nouveau domaine et le 1er mai 1888 avait lieu la pose de la première pierre de la chapelle bâtie, nous dit-on, selon les plans de la fondatrice de la congrégation Mlle Sophie-Victorine de Gazeau, soeur Marie-Thérèse en religion. Le bâtiment d’inspiration néo-gothique, comme la plupart des édifices religieux de cette époque, a été élevé à l’est de la maison Crucy sur les terres de l’ex-Baronnerie.
C’est à partir de l’aile ouest édifiée entre mai 1890 et avril 1891, sur des terrains alors non bâtis, à proximité de ce qui devait être la maison Crucy, que le couvent dit « Notre- Dame du Chêne » prit forme en se développant vers l’est pour rejoindre la chapelle. Un document photographique non daté, mais antérieur à l’édification de l’aile orientale, montre une partie de la maison Crucy, toute blanche avec sur son flanc est, une étroite construction qui semble faire la liaison avec la chapelle.
Jardin des Soeurs Professes du couvent des Oblates
Date du document : début du 20e siècle
Démolition et (re)construction
Les Archives Municipales conservent pour les années 1922, 23, 24 et 25 des demandes de permis de construire, formulées soit par la « Société civile des Services Hospitaliers », soit par l’architecte Joseph Bougoüin, accompagnées des plans et des élévations des bâtiments. En revanche, rien n’a été trouvé concernant la première époque des travaux, si ce n’est, en juin 1901, un courrier de la Supérieure au Maire de Chantenay indiquant la construction d’une infirmerie et d’une petite étable sans que le lieu soit précisé.
Le 10 mai 1922, M. Bougoüin demandait « de faire construire une aile à un bâtiment sis à la Hallée, place de la Brianderie pour la Sté civile des Services Hospitaliers ». Il s’agissait alors de l’aile est, ce qui tendrait à prouver l’achèvement de l’avant-corps. Auparavant, l’entreprise Drouin s’était livrée à de nombreuses démolitions d’octobre 1921 à avril 1922 pour entreprendre rapidement les travaux de reconstruction. Dès août 1922, les ouvriers étaient parvenus au premier étage et en octobre aux lucarnes.
En 1923, les démolitions se poursuivirent, dont celle d’un vieux château. S’agissait-il du vieux manoir à tourelle évoqué en 1793 ? En juin de la même année, la « Société civile des services hospitaliers » sollicitait « l’autorisation de poursuivre les travaux de construction de bâtiments à usage collectif » et quelques mois plus tard, en 1924, celle de bâtir « des étables et dépendances avec greniers au-dessus et une maison isolée avec serre ». Cette maison avec serre, bâtie après la grande aile, était destinée au prédicateur. Elle était nommée il y a peu encore maison de l’aumônier.
Au cours de l’année 1924, le livre-journal de l’entreprise Drouin mentionnait la construction du clocheton au sommet de l’avant-corps, celle de la nouvelle conciergerie attenante à la chapelle et toutes celles figurant sur la demande du permis de construire.
Élévation de la façade principale de la maison du Prédicateur du couvent des Oblates
Date du document : 07-12-1923
En décembre 1925, une nouvelle demande était déposée, pour la construction de la maison du jardinier au nord-est. La maison adossée à un bâtiment ancien, fut un temps le Généralat.
Outre l’entreprise Drouin, à laquelle les Oblates restèrent très fidèles au cours des ans, il faut signaler l’entreprise Beuchet pour les travaux de menuiserie y compris l’escalier de l’avant-corps, sans oublier la maison Bonnet pour le parc et les rocailles.
La comparaison du cadastre de 1970 avec celui de 1833 semble montrer une extension de la propriété au nord sur l’ancien « gaste denier » et des pertes de surface au sud. Ainsi au cours des années 1940-1941, la propriété traversée en façade principale de la maison du Prédicateur, 7 décembre 1923.
Détail du site du couvent des Oblates sur le cadastre parcellaire de la commune de Chantenay
Date du document : 1976
Le couvent des sœurs Oblates souterrain du nord-est au sud-ouest pour la réalisation du tunnel ferroviaire se retrouva amputée au débouché de l’ouvrage. Dans les années 1950 d’autres terres étaient cédées pour l’ouverture du foyer Benoît Labre.
Les aménagements du 21e siècle
Au début des années 2000 des bâtiments de ferme, au sud, près de la rue Fontaine des Baronnies, ont été vendus à la municipalité. Ces bâtiments réunis autour d’une cour semblent d’époques différentes. L’un d’eux devait exister en 1833, un autre évoque les constructions clissonnaises et le troisième aspectant le boulevard de Cardiff, avec ses fenêtres circulaires, pourrait dater des années 1838-39. Là se trouve la Maison de l’Apiculture.
Plus récemment des transformations importantes sont intervenues. En effet, au fil du temps, faute de recrutement, la communauté a vu ses effectifs décliner. Seules restaient ou étaient accueillies des sœurs retraitées, malades ou handicapées dans des bâtiments devenus trop vastes. En 2006, la gestion de la propriété a été cédée à la « Mutualité Retraite » pour l’accueil des personnes âgées dépendantes, qu’elles soient religieuses ou laïques. Cette nouvelle orientation a demandé à la fois l’aménagement, la mise aux normes et l’extension des bâtiments existants. Ainsi, des constructions en béton avec toit en terrasse et au blanc éclatant sont venues doubler les ailes en retour rompant l’harmonie préexistante.
Nouvelles constructions sur le site du Couvent des Oblates
Date du document : 2013
En 2011, la Ville a fait l’acquisition de diverses parcelles du parc, représentant environ 3 hectares. Toutefois, la chapelle, le cimetière des Sœurs et le Mausolée où reposent les Mères supérieures restent la propriété des Oblates. Depuis juin 2013 , le parc est ouvert au public. Au nord, des terrains ont été vendus et un immeuble d’habitation est actuellement en construction le long de la rue de la Brianderie. Quant aux religieuses encore présentes, elles résident dans l’ancienne infirmerie, place de la Brianderie.
Article extrait de La Lettre de Nantes Renaissance, n°86 et 87, janvier et avril 2014
Nicole Pigeon
Nantes Renaissance
2014
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Rédaction d'article :
Nicole Pigeon
Enrichissement d'article :
Jean-Luc Hervy
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