Témoignage (3/3) : Un cinéma de "troisième catégorie"
C’est mon beau-père qui m’a embrigadé en 1965 comme bénévole au « Pax », le cinéma du quartier. La salle appartenait à la paroisse mais c’est une association qui la gérait. Il y avait un film différent chaque semaine. Le jeudi, on faisait le visionnage et les vendredis, samedis et dimanches, on programmait deux séances, une l’après-midi et une le soir. C’était une belle salle de 400 places. qui était classée en « troisième catégorie » puisqu’il y avait trois catégories de cinéma. Les grandes salles de la « première catégorie » pouvaient projeter les nouveaux films quelques mois après leur sortie en région parisienne. Nous, en « troisième catégorie », on devait attendre que le film ait un an. Les bobines passaient donc d’un cinéma à l’autre. On recevait des caisses dans lesquelles il y avait toutes sortes de films et on triait à l’arrivée. On ne savait pas un mois à l’avance ce que nous allions recevoir. Il n’y avait pas de censure mais on mettait quand même un veto sur certains films. C’était l’époque où quand un couple s’embrassait, il fallait détourner le regard ! Les recettes servaient à payer les droits pour la diffusion des films, à l’entretien de la salle, au changement des fauteuils, au remplacement des appareils et au chauffage qui était mitoyen avec l’église... Il fallait passer derrière l’écran et par une toute petite porte, on faisait basculer les trappes de chauffage pour pouvoir chauffer soit l’église soit le cinéma. Avec l’argent qui restait, on faisait une sortie tous les ans pour remercier tout le monde parce que ce n’était que des bénévoles qui travaillaient au Pax. Il y avait quatre caissiers, quatre contrôleurs, huit ouvreuses, quatre opérateurs. On travaillait à tour de rôle. Plusieurs facteurs ont contribué à la fermeture du Pax. Il marchait bien encore mais il y avait des travaux de mises aux normes à faire et on ne trouvait pas de remplaçants aux bénévoles qui partaient progressivement. Et puis, de plus en plus de gens avaient la télé. La salle a servi encore de temps en temps pour des ciné-clubs.
Propos de Pierre Hocbon recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières - Zola en 2010 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"