Le cinéma Le Concorde situé boulevard de l'égalité, a fêté ses 100 ans en 2018. Un des rares cinémas de quartier toujours en place et bien connu des Nantais.
Les débuts du cinéma à Nantes
La première projection officielle à Nantes du cinématographe Lumière a lieu le 28 décembre 1895. Mais, pendant des années, ce sont les forains qui vont populariser cette nouvelle attraction. Le cinéma fait les riches heures des champs de foire, l’hiver place Bretagne, l’été sur les cours Saint-Pierre et Saint-André. Ce n’est qu’à partir de 1908 qu’il commence à se sédentariser. Les premières salles permanentes apparaissent en centre-ville : l’ « American Cosmograph » ouvre le 19 mars 1908 rue des Carmélites, le cinéma « Pathé » rue de l’Industrie et l’ « Apollo Théâtre » rue Racine en 1912, l’ « Omnia Dobrée » rue de Flandres en 1913, « Le Palace » rue Scribe en 1914.
Un cinéma de quartier
À Chantenay, l’ancienne conserverie Deffès de la Petite rue Danton est réputée avoir abrité la première projection cinématographique au tout début du 20e siècle. Mais c’est à quelques pas de là, à l’angle de la rue de la Convention et du boulevard de l’Égalité, dans la salle de danse Pellerin où des troupes locales donnent occasionnellement des représentations théâtrales, qu’un certain Labourdaize sollicite en septembre 1916 l’autorisation d’ouvrir « un petit cinématographe. (…) Étant mobilisé et père de six enfants en bas-âge, je souhaite cette faveur pour subvenir à nos besoins. » Pellerin, le propriétaire des lieux reprend l’idée à son compte et, le 2 février 1918, il inaugure une salle de mille places baptisée « Grand Cinéma National ».
En 1931, un répertoire des cinémas nantais mentionne « Le National, boulevard de l’Égalité, appartenant à Mme Pellerin et exploité par elle-même ». Mais la salle ne compte plus que six cent cinquante places. En 1934, un changement de directeur occasionne un changement de nom, le cinéma devient alors « Le Moderne ».
Façade de la salle de cinéma Le Moderne, à l'angle de la rue de la Convention et du boulevard de l'Egalité
Date du document : fin des années 1930
Façade de la salle de cinéma Le Moderne, à l'angle de la rue de la Convention et du boulevard de l'Egalité
Date du document : fin des années 1930
L'ancienne salle de cinéma Le Moderne située dans le quartier Dervallières-Zola, aujourd'hui Le Concorde.
Droit de diffusion : Communication libre, reproduction libre
A partir de 1946, le cinéma est dirigé par Noël Destombes, un commerçant du quartier, bien connu des Chantenaysiens. Ce dernier l’exploite en son nom propre pendant trois ans, date à laquelle l’établissement intègre la Société des cinémas modernes de l’Ouest jusqu’à sa reprise en 1973 par un indépendant, Claude Champmont. Il le rebaptise « Concorde », le dote de deux cent trente-cinq fauteuils-clubs et le transforme progressivement en complexe multisalles : trois salles au printemps 1977, une quatrième à l’été 1978. Le nouveau directeur personnalise le lieu en organisant des cycles, des festivals, des rétrospectives où il invite des figures du 7e art : Bernard Blier, Depardieu, Truffaut, Noiret, Resnais, Charles Vanel, Michèle Morgan… En juillet 1984, Gérard Clochard, un ex-fonctionnaire des PTT passionné de cinéma, reprend les rênes du « Concorde », le modernise et confirme son orientation art et essai.
Façade de la salle de cinéma Le Concorde
Date du document : 22-05-2013
Façade de la salle de cinéma Le Concorde
Date du document : 22-05-2013
Droit de diffusion : Communication libre, reproduction libre
Alors que tant de cinémas de quartier ont disparu, pas question de clap de fin pour la salle centenaire du boulevard de l’Égalité, qui a su évoluer et diversifier ses activités.
Philippe Bouglé
Groupe mémoire
2013
Témoignage (1/2) : Un cinéma de quartier
« Le Moderne », c’était le cinéma du quartier. Monsieur Destombes programmait des films familiaux. J’y allais toute seule le dimanche. Ma mère et ma tante allaient voir des films le samedi et elles me donnaient l’autorisation d’y aller le lendemain si...
Témoignage (2/2) : Reprendre un cinéma…
« Être gérant de cinéma, c’est une opportunité qui s’est présentée au moment où j’avais envie de changer de métier. Avant, j’étais technicien aux PTT à Nantes. Le hasard a voulu, qu’à l’époque, des salles de cinéma étaient à vendre comme celle de Couëron...
Témoignage (1/2) : Un cinéma de quartier
« Le Moderne », c’était le cinéma du quartier. Monsieur Destombes programmait des films familiaux. J’y allais toute seule le dimanche. Ma mère et ma tante allaient voir des films le samedi et elles me donnaient l’autorisation d’y aller le lendemain si elles jugeaient que les films étaient biens. Il y avait trois prix différents selon l’emplacement. Les places de devant étaient moins chères mais ma tante ne voulait pas que je me mette là pour ne pas m’abîmer les yeux. Alors, j’allais voir mon oncle pour qu’il me donne un franc et avec ça, j’avais une place au dernier rang. C’est une habitude qui est restée parce que maintenant, je suis toujours au dernier rang. Enfant, j’allais donc au « Moderne ». Ensuite, j’ai pu aller à « L’Olympic », place Jean-Macé et un peu après, j’allais jusqu’au « Majestic », place René-Bouhier. Et encore après, j’allais rue de Flandres au « Royal ». Pour finir, j’ai pu aller dans les cinémas du centre-ville. Au fur et à mesure que je grandissais, j’élargissais mon périmètre ! »
Propos de Eliane Barazer recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières - Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Témoignage (2/2) : Reprendre un cinéma…
« Être gérant de cinéma, c’est une opportunité qui s’est présentée au moment où j’avais envie de changer de métier. Avant, j’étais technicien aux PTT à Nantes. Le hasard a voulu, qu’à l’époque, des salles de cinéma étaient à vendre comme celle de Couëron ou « Le Versailles », « L’Ariel » et « Le Concorde » à Nantes. Je me suis mis en disponibilité de la fonction publique et on a racheté « Le Concorde » à monsieur Champmont. On s’est donc mis au boulot en août 1984 mais sans savoir ce qu’était le métier d’exploitant de salle. On était cinéphile mais aimer le cinéma et en gérer un, ça n’a rien à voir ! Le cinéma est ouvert sept jours sur sept. On arrive le matin à neuf heures et on ferme vers vingt-trois heures. Ça n’a donc rien à voir avec le fait d’aller au cinéma et d’aimer ça ! On a donc appris sur le tas et il fallait apprendre vite. Une machine qui tombe en panne, il faut la réparer tout de suite parce que sinon on ne peut pas travailler le lendemain ! Après, on apprend à connaître les réseaux. Dans le cinéma, il n’y a qu’un seul circuit. Une fois qu’on y est rentré, ça tourne. Il y a des gens qui font des films et nous, on les passe. Le cinéma compte deux cent quatre-vingt-sept places réparties sur les quatre salles. On a quatre salariés : deux opérateurs et deux caissières, ce qui est très peu. On ferme quinze jours l’été pour faire des travaux. On refait l’électricité, on change des fauteuils… Nous gérons beaucoup de choses nous-mêmes sauf les installations soumises à la commission de sécurité. On n’est pas un cinéma de quartier mais un cinéma dans un quartier. On passe les mêmes films que tout le monde. Le fait est que nous sommes les seuls installés dans un quartier mais ça n’a jamais été un handicap. Les gens choisissent leur cinéma en fonction de leur lieu d’habitation. Maintenant, ils vont plus facilement dans les cinémas périphériques avec des parkings. Le tramway nous aide quand même parce que beaucoup de personnes viennent en transport en commun. Et puis, on a le parking Zola et avoir un parking de quatre cents places à trois minutes du cinéma, ça aide. Notre seul handicap par rapport au quartier, c’est que nous ne pouvons pas agrandir. Au début, on programmait des films qui n’avaient pas de sortie nationale. On piochait dans le répertoire. Rapidement, je me suis aperçu que beaucoup de films quittaient l’affiche sur Nantes alors qu’ils avaient encore un potentiel d’entrées. On a donc commencé à faire des continuations de films. On programmait les films qui partaient des cinémas du centre-ville… On avait un tarif un peu plus bas que les autres salles jusqu’à ce que Nantes entre dans la guerre des prix. Je vois tous les films que l’on programme même si des fois ça pose des problèmes parce qu’un film, ça dure deux heures et il en sort dix par semaine ! Alors à un moment donné, on a un problème de temps. En dehors de la programmation classique, on a toute une partie animation. On organise des cycles thématiques comme le cinéma portugais par exemple. J’ai aussi programmé beaucoup de films militants. C’était un choix personnel parce que lorsque j’étais aux PTT, j’étais syndicaliste et j’ai été militant au Gasprom, aux Droits de l’homme. A une époque, on a donc fait des cycles avec le Gasprom. On organise encore souvent des projections avec des débats. On reçoit des réalisateurs, des équipes de film pour des présentations avec débat. On fait aussi des choses avec les centres socioculturels. On est sollicités pour organiser des projections sur des sujets particuliers comme les femmes maghrébines. Prochainement, on passe « Intouchables » pour les écoles qui accueillent des handicapés comme le collège de la Durantière par exemple. On n’a pas de règle, on est ouvert aux propositions. On n’impose pas une programmation spécifique, on répond aux sollicitations. Ce sont les associations, les enseignants qui proposent un film et nous, on s’arrange pour le passer. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c’est le débat. Le film sert de support à un débat. On ne répond pas à tout le monde parce certains projets ne nous intéressent pas et on n’a pas envie de les défendre. On a également pour principe de ne pas accueillir les partis politiques parce que l’on n’est pas une tribune. On est plus à l’aise sur les sujets sociaux. On fait ce métier depuis vingt-sept ans et nous tenons parce que c’est une structure familiale. Les enfants, les copains nous ont aidés et c’est toujours cet esprit qui dure. Avec le recul, je n’ai aucun regret, je suis content de mon choix. Ça aurait pu être un échec parce qu’il y a eu des coups durs mais on s’en est toujours sortis ! Maintenant c’est mon fils qui a pris la relève. J’ai arrêté parce que j’avais l’âge mais surtout parce qu’à un moment donné, on vit sur des acquis et on n’est plus novateur. Si on veut qu’un outil perdure dans le temps, il faut passer la main. J’ai donc donné le cinéma à mes enfants. Voilà, avec le recul, c’était un métier marrant à faire ! »
Propos de Gérard Clochard recueillis par les Archives de Nantes et le groupe mémoire du quartier Dervallières- Zola en 2012 dans le cadre de la collection "Quartiers, à vos mémoires"
Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.
En bref...
Localisation :
Egalité (boulevard de l') 79, NANTES
Auteur de l'oeuvre :
Ménard, René et Ferré, Maurice (architectes reconstruction partielle 1934 - 1937)
Typologie :
architecture de culture recherche sport ou loisir
En savoir plus
Bibliographie
Archives municipales de Nantes, Autour de la place Emile-Zola, Ville de Nantes, Nantes, 2013 (coll. Quartiers à vos mémoires)
Aumont Yves, Daguin, Alain-Pierre, Les lumières de la ville : Nantes et le cinéma, 2e éd. rev. et augm., L'Atalante, Nantes, 1995
Dans la ville de Nantes Il y a des ouvriers Qui bossent comme des dingues Et n’ont pas d’quoi bouffer Au mois de mai à Nantes Ils ont tous débrayé Ils ont pris leurs usines Et les ont...
Le 9 janvier 1514, au château de Blois, la reine Anne, duchesse de Bretagne, meurt à l’âge de 37 ans. Le cérémonial royal des obsèques s’applique. Son corps doit être inhumé dans la...